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Nagi Sabbagh,
président du Centre Culturel Arabe en Pays de Liège
La culture arabe près de chez vous !
La culture arabe… qui n’y a jamais touché de près ou de loin ? Que ce soit dans la musique, nos assiettes, la mode vestimentaire, sans oublier nos chiffres et les médias ! Et pourtant, c’est pour contrer une image trop souvent négative qu’a été créé le Centre Culturel Arabe en Pays de Liège (CCAPL).
Dans les années 90, le mot « arabe » était alors associé de façon récurrente et abusive à chaque acte de vandalisme ou autres faits divers similaires. Quelques médias en faisaient d’ailleurs leurs choux gras et leurs gros titres. Cette exacerbation isolée a donné aux fondateurs l’envie de montrer d’autres réalités cachées derrière ce « presque » gros mot.
Ils sont donc une dizaine, tous arabes puis rejoints par des amis belges, très loin de se retrouver dans ces clichés négatifs véhiculés par une certaine presse contribuant à favoriser la peur et renforçant la stigmatisation de toute une population.
À cette époque existait déjà un centre culturel arabe en Communauté française. L’idée mûrit alors d’en créer un, ici, à Liège. L’ASBL Centre Culturel Arabe en Pays de Liège naît donc en 2000 ! Un lieu de culture ouvert à toutes et tous, quelles que soient leurs convictions, origines ou milieux socio-économiques. Un endroit qui puise sa source dans la laïcité, seul partenaire d’un réel vivre ensemble qui offre à tous la possibilité de venir au centre, en laissant ses convictions à la maison, pour partager avant tout nos valeurs démocratiques. Poussez la porte et installez-vous !
Nagi Sabbagh
Le CCAPL
Salut & Fraternité : Comment présentez-vous le Centre Culturel Arabe en Pays de Liège (CCAPL) ?
Nagi Sabbagh : Les activités proposées par le centre sont avant tout des outils visant un objectif principal, basé sur des valeurs humanistes : la construction d’une culture publique commune, laïque, pluraliste, démocratique et égalitaire. Il s’agit de donner au public l’envie de découvrir les productions artistiques, contemporaines ou issues du patrimoine arabe, liées d’une manière ou d’une autre à l’identité commune qui, au-delà de leurs différences, rassemblent toutes les populations.
Nos activités touchent à des formes de représentations diverses : littérature, poésie, théâtre, architecture, peinture, musique, conférences, voyages culturels ou projection de films. Nous proposons également des cours de langue et de musique arabe mais aussi de français et de citoyenneté pour les nouveaux arrivants, et nous mettons à disposition une bibliothèque et de la documentation. Le tout est autant axé sur la création et la modernité que sur l’héritage des différentes cultures arabes.
Notre travail vise à promouvoir le dialogue interculturel pour sensibiliser un large public et l’amener à concevoir la diversité comme une richesse permettant d’élargir et d’améliorer notre compréhension du monde. En donnant la possibilité à chacun de participer à la vie culturelle dans l’espace public, nous souhaitons lutter contre la discrimination.
Par l’éventail et la diversité de ces disciplines, nous voulons offrir au public la possibilité de s’ouvrir à l’autre dans toute sa complexité et sa diversité, afin de sortir de l’incompréhension et de la peur que génère l’ignorance.
Notre travail vise à promouvoir le dialogue interculturel pour sensibiliser un large public et l’amener à concevoir la diversité comme une richesse permettant d’élargir et d’améliorer notre compréhension du monde. En donnant la possibilité à chacun de participer à la vie culturelle dans l’espace public, nous souhaitons lutter contre la discrimination. En déconstruisant les idées reçues, nous espérons contribuer à l’évolution des mentalités et des comportements.
S&F : Comment est perçue votre laïcité ?
N.S. : Nous sommes souvent confrontés à des préjugés et des amalgames : notre centre culturel est arabe, et donc musulman ! Or, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le fait que le CCAPL soit une association laïque rassure. En général, quand les règles sont énoncées clairement, personne ne remet nos valeurs en cause, ni le fait que la religion reste une affaire privée qui a toute sa place à la maison. C’est important également de dire que chacun est le bienvenu au centre s’il respecte les autres. Ceux qui ne sont pas d’accord ne viennent plus, mais j’en connais peu. La laïcité favorise vraiment le vivre ensemble : ce n’est pas qu’un principe sur le papier ! C’est une façon de permettre à toutes les cultures arabes de s’exprimer, même les plus minoritaires.
(…) le fait que le CCAPL soit une association laïque rassure. En général, quand les règles sont énoncées clairement, personne ne remet nos valeurs en cause, ni le fait que la religion reste une affaire privée qui a toute sa place à la maison. C’est important également de dire que chacun est le bienvenu au centre s’il respecte les autres.
S&F : Au CCAPL, chacun peut être spectateur ou acteur de la culture arabe. Expliquez-nous votre démarche.
N.S. : Absolument. Nous y tenions beaucoup dès le départ. Il nous semblait essentiel pour un centre culturel d’ouvrir également ses portes à l’apprentissage et au partage des connaissances. Le public est très curieux des découvertes.
Nos ateliers sont très suivis et le nombre de participants ne cesse d’augmenter : langue et musique arabes, français langue étrangère et citoyenneté, calligraphie et civilisation arabes comptent parmi les ateliers qui remportent le plus de succès. Précisons qu’ils sont suivis aussi bien par des adultes que des enfants quelles que soient leurs origines. La demande est très importante. Il faut savoir que plusieurs artistes musiciens sont venus ici s’enrichir d’influences arabes pour compléter leur parcours ! Nous organisons par ailleurs des stages comme celui de danse folklorique du Moyen-Orient et de tatouage au henné.
S&F : La programmation du CCAPL répond-elle à la demande du public ou colle-t-elle davantage à l’actualité ?
N.S. : Les deux, évidemment. Nous sommes toujours à l’écoute des suggestions de notre public. Traiter un sujet d’actualité permet d’approfondir nos connaissances. Malheureusement, à l’heure actuelle, les subsides nous font cruellement défaut. Nous fonctionnons avec très peu de moyens financiers, en rien comparables avec ceux d’un centre culturel classique. Nous ne sommes pas reconnus comme tel et la Ville de Liège partage ses ressources allouées à la culture avec les autres associations du territoire. Au final, nous récoltons une maigre subvention. Notre programmation doit donc être revue à la baisse car le cachet des artistes augmente : il a, au minimum, triplé ou quadruplé ces dernières années, contrairement à nos moyens financiers donc !
Nous avons failli arrêter les cours de musique cette année. Les parents sont venus nous trouver en nombre pour les maintenir. Le CCAPL ne pouvait malheureusement plus les financer. Ils ont alors eux-mêmes négocié avec les professeurs pour trouver un arrangement. Ces cours sont donc toujours organisés, mais jusqu’à quand ?
Retrouvez toute l’actualité du Centre Culturel Arabe en Pays de Liège sur www.ccapl.be
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