• Céline Gérard
    Céline Gérard
    coordinatrice du service Études

La laïcité et la mort

Du 25 avril au 5 juin, le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège consa­crera de multiples acti­vi­tés à réflé­chir la mort grâce à une diver­sité d’approches et de formes : expo­si­tions, anima­tions théma­tiques, confé­rences, soirée quiz, ateliers philo, visite du cime­tière de Robermont.


De tous lieux, de toutes convic­tions, la mort ques­tionne et inter­pelle. Si, dans le cadre de la laïcité philo­so­phique, la mort se conçoit sans réfé­rence à une quel­conque trans­cen­dance, ni à un hypo­thé­tique passage vers un au-delà, il n’en reste pas moins que ce moment parti­cu­lier et les ques­tions qu’il suscite ont été et restent empreints de véri­tables enjeux pour la laïcité. Pensons ainsi au combat mené par des orga­ni­sa­tions de libres penseurs, au 19e siècle qui reven­di­quaient une alter­na­tive aux funé­railles reli­gieuses. À cette époque, ceux qui mouraient en dehors de l’Église étaient en effet enter­rés à l’écart, dans une partie de cime­tière appe­lée « le trou aux chiens » ou le « coin des réprou­vés » ! Rappe­lons la créa­tion du Centre d’Action Laïque après l’incendie de l’Innovation en 1967 inti­me­ment liée au besoin qui s’était fait sentir à l’époque de pouvoir propo­ser un accom­pa­gne­ment non reli­gieux aux personnes endeuillées. Citons égale­ment la reven­di­ca­tion portée aujourd’hui par le mouve­ment laïque, à savoir l’ouverture de lieux neutres et adap­tés, permet­tant aux citoyens qui ne se recon­naissent pas dans un courant de pensée confes­sion­nelle de pouvoir se réunir, avec dignité, autour du défunt.

Si, dans le cadre de la laïcité philo­so­phique, la mort se conçoit sans réfé­rence à une quel­conque trans­cen­dance, ni à un hypo­thé­tique passage vers un au-delà, il n’en reste pas moins que ce moment parti­cu­lier et les ques­tions qu’il suscite ont été et restent empreints de véri­tables enjeux pour la laïcité.

La laïcité s’est par ailleurs long­temps battue pour le droit de mourir dans la dignité. Si chacun doit pouvoir faire ses propres choix de vie, il doit en être de même en ce qui concerne ses choix de mort. Recou­rir à l’euthanasie est aujourd’hui un droit (dans les condi­tions fixées par la loi) pour ceux qui le souhaitent… un combat loin d’être achevé, que ce soit au niveau de ses moda­li­tés d’application (suppres­sion de la durée de vali­dité de la décla­ra­tion anti­ci­pée, inter­dic­tion de toute clause de conscience insti­tu­tion­nelle…) ou de son exten­sion pour les personnes démentes, par exemple.

Dans le monde qui nous entoure, la mort est omni­pré­sente : on n’échappe pas à la mort, qu’il s’agisse de la sienne, de celle de ses proches, ou d’inconnus. « La mort d’un proche nous renvoie néces­sai­re­ment à notre propre mort, mais aussi à notre impuis­sance à la vaincre ainsi qu’à l’absurdité de tout ce que nous pouvons dire, penser ou croire face à cette fin inéluc­table, défi­ni­tive et sans appel. 1 »  De tout temps, des moyens ont ainsi été mis en place pour s’y prépa­rer, l’accompagner (reli­gieu­se­ment ou civi­le­ment), l’intégrer dans la vie. On constate cepen­dant, depuis quelques années, le déve­lop­pe­ment d’un regain d’intérêt pour ces ques­tions. Celui-ci s’expliquerait ainsi par diffé­rents facteurs : le vieillis­se­ment de la popu­la­tion ou encore l’émergence d’une nouvelle forme de croyance ou de reli­gio­sité ainsi que la profes­sion­na­li­sa­tion du rapport à la mort2. Face à ceux-ci, l’individu se senti­rait désarmé, débous­solé. D’où la néces­sité de l’interroger, de la ques­tion­ner, de la regarder.

Dans le monde qui nous entoure, la mort est omni­pré­sente : on n’échappe pas à la mort, qu’il s’agisse de la sienne, de celle de ses proches, ou d’inconnus. De tout temps, des moyens ont ainsi été mis en place pour s’y prépa­rer, l’accompagner (reli­gieu­se­ment ou civi­le­ment), l’intégrer dans la vie. On constate cepen­dant, depuis quelques années, le déve­lop­pe­ment d’un regain d’intérêt pour ces questions.

C’est l’objectif que le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège s’est fixé ces prochaines semaines, à travers notam­ment l’exposition « à corps perdu. La mort en face ». Il propo­sera une approche péda­go­gique de la mort, dans sa diver­sité et sa dimen­sion tant biolo­gique que symbo­lique, des enjeux soule­vés par celle-ci et par la fin de vie.

Se ques­tion­ner sur la mort, c’est se ques­tion­ner sur la vie, sur le sens que nous lui donnons. Et comme Philippe Grol­let le rappe­lait dans son ultime ouvrage : « Pour un libre-penseur, le sens de la vie n’est pas à cher­cher dans une quel­conque trans­cen­dance. Il n’est pas imposé, il n’est pas donné non plus. Il est celui que chacun et chacune d’entre nous se choi­sit. 3 »


  1. Grol­let Philippe, Laïcité : utopie et néces­sité, Labor / Espace de Liber­tés, 2005, p. 57.
  2. D’après l’ouvrage du Centre d’Action Laïque de Namur, À corps perdu, la mort en face, Mardaga, 2010.
  3. Grol­let Philippe, Op. cit., p. 57.
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