- Corentin de Salle,
directeur scientifique du Centre Jean Gol
Calquer ses dépenses sur ses recettes, ce n’est pas de l’austérité, c’est du bon sens
Ce ne sont pas les politiques d’austérité qui, comme on l’entend trop souvent, cassent l’activité économique et engendrent chômage, baisse des salaires et misère dans les divers pays européens. C’est, en réalité, le surendettement croissant des États durant plusieurs décennies d’insouciance budgétaire qui place désormais les gouvernants dans l’obligation de réduire les dépenses publiques afin d’espérer atteindre l’équilibre budgétaire à brève échéance. Cela a‑t-il vraiment un sens de prédire à un ménage les pires catastrophes s’il s’entête à freiner ses dépenses alors qu’il est déjà surendetté et qu’il continue d’emprunter ?
Par ailleurs, de quoi parle-t-on quand on dénonce les politiques d’austérité en Europe ? Quand on regarde de plus près les chiffres officiels de la Commission européenne, on se rend compte de deux choses : d’une part, les dépenses publiques n’ont pas diminué. Elles se sont stabilisées (cas de la Grèce, de l’Espagne, de l’Italie ou de l’Angleterre) et, dans certains pays (comme en France), ces dépenses continuent même d’augmenter ! D’autre part, à l’échelon européen, pour un 1 € de diminution des dépenses publiques, on a augmenté les impôts de 9 € ! La Belgique s’est, heureusement, montrée plus courageuse en matière de réduction des dépenses. Ce n’est pas l’austérité qui cause actuellement des ravages en Europe mais la pression fiscale démentielle qui lamine nos économies et étrangle la classe moyenne.
Autre contrevérité : en équilibrant leurs budgets, les États européens se condamneraient, dit-on, à l’austérité pour demain. Quelques économistes (Krugman, Stiglitz, etc.) affirment que l’austérité n’est pas ce qui convient actuellement. Si, par austérité, ils entendent le renforcement hallucinant de la pression fiscale punissant la classe moyenne, je suis d’accord avec eux. Par contre, ceux qui affirment que la réduction des dépenses conduit à une impasse ont tort. Une récente étude de l’Université Harvard1 démontre scientifiquement que, après une baisse substantielle des dépenses publiques, trois ans suffisent pour relancer la croissance et créer des richesses. Cette conclusion ne repose pas sur les opinions éditoriales de quelques gourous que la gauche aime à célébrer mais sur une très vaste collection de données empiriques dans 15 pays (dont la Belgique) ces 20 dernières années.
Quoi qu’il en soit, ceux qui préconisent le relâchement de l’effort budgétaire appellent clairement à tirer des chèques en blanc sur les générations futures qui, si on les écoutait, subiraient, de plein fouet, des coupes budgétaires autrement plus douloureuses que les sacrifices actuels. D’ailleurs, n’est-ce pas en raisonnant de cette manière que leurs prédécesseurs idéologiques nous ont plongé dans la situation que nous connaissons aujourd’hui ? Personne n’aime l’austérité. Mais aligner ses dépenses sur ses recettes, ce n’est pas de l’austérité, c’est du bon sens. C’est de l’optimalisation dont le but premier est la préservation et la protection de l’État-providence afin que ce dernier puisse continuer à assurer ses missions essentielles (sécurité, éducation de qualité, soins de santé performants, etc.).
- Alberto Alesina, Carlo Favero and Francesco Giavazzi, The output effect of fiscal consolidations, August 2012, NBER Working Paper No. 18336. L’étude est téléchargeable gratuitement sur le site de l’Université Harvard : http://goo.gl/8Sh2bP