- Marc Tarabella,
Député européen en charge de l’Égalité des Genres, de l’Agriculture et de la Ruralité et de la Protection des Consommateurs
Les droits de la femme en berne... lors de la Journée Internationale des droits humains
Le contexte politique et économique actuel menace la santé et les droits sexuels et reproductifs des Européennes. La crise financière pousse certains pays de l’Union européenne à réduire la qualité et la disponibilité de ces services. De plus, les positions très conservatrices et liberticides en matière de droits sexuels fleurissent en Europe.
Dans ce contexte menaçant pour les droits des femmes, le rapport Estrela sur la santé et les droits sexuels et génésiques a été rejeté par le Parlement européen le 10 décembre 2013. Un triste symbole car le vote intervient en même temps que la Journée Internationale des Droits humains.
Plus précisément, le rapport contenait plusieurs dispositions concernant l’accès à la contraception et à « des services d’avortement sûrs », l’éducation sexuelle des jeunes, la prévention et le traitement des infections sexuellement transmissibles, la prévention des violences telles que « le viol, la mutilation génitale féminine, les abus sexuels, l’inceste, l’exploitation sexuelle, le harcèlement sexuel, le mariage forcé » ou encore l’interdiction de la marchandisation du corps à travers la gestation pour autrui.
(…) il est important de s’insurger contre une campagne de lobbying agressive, mensongère et sans précédent, menée par les lobbies religieux, l’extrême droite et les forces conservatrices, qui aura eu pour résultat d’empêcher le vote d’une résolution progressiste.
Malgré le fait que le rapport ait été soutenu par de nombreux lobbies dont le Lobby Européen des Femmes, Amnesty International, Women’ s Platform, le Lobby LGTB, pour n’en citer que quelques-uns, il est important de s’insurger contre une campagne de lobbying agressive, mensongère et sans précédent, menée par les lobbies religieux, l’extrême droite et les forces conservatrices, qui aura eu pour résultat d’empêcher le vote d’une résolution progressiste.
Le vote contre le rapport Estrela revient par exemple à nier le droit pour toute femme, quel que soit son pays de résidence, de pouvoir faire un choix éclairé et responsable quant à sa vie sexuelle et reproductive, et de vivre sa sexualité librement, sans violence ni discrimination ; ou encore celui de laisser des femmes, y compris victimes de viols, se voir privées du droit d’avorter dans leur propre pays, de recourir à un avortement à l’étranger ou à des avortements clandestins qui mettent leur vie en danger et qui constituent une atteinte grave à la dignité humaine. Le choix majoritaire exprimé ignore également la nécessité d’accroître la lutte contre la violence fondée sur le genre ainsi que contre les infections sexuellement transmissibles, VIH inclus.

Les droits sexuels et reproductifs, tel que le droit à l’avortement, à l’éducation sexuelle, au planning familial, à la contraception, ou à la santé sexuelle devraient être des évidences. Dans certains pays, il n’en est rien et dans les autres, ce droit s’estompe peu à peu. Nous devons réagir car rien ne justifiera jamais que soient rabotés les droits des femmes !
Cette prise de position rétrograde du Parlement européen doit sonner comme un signal grave des dangers qui menacent les droits des citoyens, celui du visage d’une Europe réactionnaire que nous appelons de tous nos vœux à rejeter.
En rejetant le rapport Estrela, la majorité des députés européens avait également adopté une résolution alternative précisant clairement que « la définition et la mise en œuvre des politiques relatives à la santé et aux droits sexuels et génésiques et à l’éducation sexuelle dans les écoles relèvent de la compétence des États membres ». Une manière, pour les conservateurs à la manœuvre, d’empêcher toute expression du Parlement européen sur le sujet et d’éviter que soit porté plus largement encore sur la place européenne un débat sur des questions pourtant cruciales pour les femmes.
Il est évident que ces domaines sont de la compétence des États membres. Mais le rapport Estrela, non-contraignant, visait à affirmer la position politique du Parlement européen en faveur de ces droits et contre les discriminations.
Il est évident que ces domaines sont de la compétence des États membres. Mais le rapport Estrela, non-contraignant, visait à affirmer la position politique du Parlement européen en faveur de ces droits et contre les discriminations. Comme le Parlement l’avait fait non seulement en juillet 2002, par une résolution recommandant la légalisation de l’avortement et surtout en février 2010, lors du vote sur le rapport dont j’étais l’auteur. Le vote de ce rapport aurait permis de soutenir les combats féministes à travers l’Union européenne.
À une époque où les difficultés économiques croissantes remettent en cause le traitement des informations accessibles aux Européens, la question des droits en matière de santé sexuelle et reproductive reste cruciale et ne doit pas disparaître de l’agenda politique.
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