- Eva Wiertz,
responsable communication de la Commission de la protection de la vie privée
« Avoir une vie privée en ligne est tout à fait possible »
La Commission pour la protection de la vie privée a été créée en 1992, dans la foulée de la loi réglementant le traitement des données à caractère personnel. Parmi les missions de ce centre de référence : surveiller la bonne application de la loi mais aussi informer le grand public.
Salut & Fraternité : Marc Zukerberg a déclaré qu’il ne croyait pas à la vie privée sur le web et, dans le cas qui nous occupe, sur les réseaux sociaux. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Eva Wertz : La Commission estime qu’il est tout à fait possible d’avoir une vie privée en ligne. Il faut cependant être conscient des données publiées sur le web. C’est pourquoi elle a mis sur pied campagne de sensibilisation à l’égard des jeunes, via le site jedecide.be. La Commission a voulu cibler les jeunes parce qu’ils utilisent les nouvelles technologies dès leur plus jeune âge. Ils naissent et évoluent avec elles. La Commission les encourage à s’en servir, mais en toute connaissance de cause. Elle veut qu’ils réalisent, le plus tôt possible, ce qu’ils sont en train de faire avec leurs données. Le site s’adresse donc aux enfants de 12 à 14 ans, aux jeunes de 14 à 18 ans, mais aussi aux parents et aux enseignants, qui sont le plus en contact avec les jeunes. Nous leur fournissons des supports mais participons également à des tables de discussion dans les écoles.
S&F : On parle d’éducation aux nouvelles technologies envers les jeunes mais qu’en est-il des adultes ? Eux aussi auraient parfois besoin d’être davantage informés…
E.W. : Tout à fait, informer le grand public du traitement des données fait d’ailleurs partie des missions d’information de la Commission. Elle essaye vraiment, via son site web, par téléphone, par mail ou dans la presse, de répondre le mieux possible à toutes les questions sur les nouvelles technologies et la vie privée.
La Commission reçoit en effet des plaintes pour violation de la vie privée sur les réseaux mais n’a pas remarqué de tendance à la hausse avec les nouvelles technologies. En cas de plainte, la Commission a une fonction de médiation (…)
S&F : Recevez-vous beaucoup de plaintes sur des entorses à la vie privée sur les réseaux sociaux ?
E.W. : La Commission reçoit en effet des plaintes pour violation de la vie privée sur les réseaux mais n’a pas remarqué de tendance à la hausse avec les nouvelles technologies. En cas de plainte, la Commission a une fonction de médiation : elle contacte la partie incriminée et essaye de trouver un accord à l’amiable. Elle a également le pouvoir, par l’intermédiaire de son président, soumettre tout litige concernant la loi vie privée au tribunal et, le cas échéant, de soutenir une personne dans son action juridique, mais ce n’est pas encore arrivé. Par contre, elle ne peut pas imposer de sanctions.
S&F : Quels types de plaintes vous sont le plus souvent adressées ?
E.W. : Il s’agit le plus souvent de la publication de photos, d’une fête, par exemple, sans avoir demandé le consentement d’une personne qui y figure. Celle-ci veut alors faire retirer le cliché. La Commission a déjà également reçu des plaintes sur un réseau social de rendez-vous qui avait pris l’initiative d’envoyer une invitation au contact d’un de ses membres. Cette personne, n’ayant rien demandé, avait essayé de se désinscrire via la procédure
(…) même si une donnée n’apparaît qu’une seule fois, il est toujours possible qu’un utilisateur l’ait vue et sauvegardée, et donc qu’elle réapparaisse plus tard. C’est donc très difficile de supprimer toutes les données, mais pas impossible.habituelle mais n’y parvenait pas.
S&F : Que pensez-vous de ces sociétés qui offrent leurs services pour effacer toutes les données personnelles à la demande de leur client ?
E.W. : C’est très, très difficile. Le droit à l’oubli existe bien dans la jurisprudence mais n’est pas consacré par le droit. Ces entreprises essayent donc d’aider les gens dans l’exercice de ce droit. Mais le problème est plus complexe : même si une donnée n’apparaît qu’une seule fois, il est toujours possible qu’un utilisateur l’ait vue et sauvegardée, et donc qu’elle réapparaisse plus tard. C’est donc très difficile de supprimer toutes les données, mais pas impossible.
L’enjeu majeur pour la vie privée est de savoir où se trouvent ces données à caractère personnel et de savoir les gérer (…) Le public doit comprendre qu’il doit avoir le réflexe de réfléchir avant de communiquer ses données à caractère personnel.
S&F : Quels sont les enjeux pour la vie privée dans les années qui viennent sur les réseaux sociaux et, de manière plus générale, sur le web ?
E.W. : L’enjeu majeur pour la vie privée est de savoir où se trouvent ces données à caractère personnel et de savoir les gérer : où vont-elles et qui les utilise ? C’est un des plus grands problèmes que posent les nouvelles technologies. Le public doit comprendre qu’il doit avoir le réflexe de réfléchir avant de communiquer ses données à caractère personnel.