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André Loconte,
co-fondateur et porte-parole de la Net Users’ Rights Protection Association (NURPA)
Les réseaux sociaux, une nouvelle dynamique politique
L’enthousiasme suscité par l’avènement de nouveaux services conduit parfois à omettre une nécessaire analyse sémantique des expressions anglo-saxonnes traduites – ou non – en français et largement usitées. Dans le cas des « réseaux sociaux », il est intéressant de constater la dimension technique intrinsèque que revêt l’expression anglo-saxonne « social network » quand, en français, le « réseau social » traduit avant tout un aspect sociologique. L’usage largement plus répandu des expressions « social networking service » ou « service de social networking » est symptomatique d’un sens qui ne peut être fidèlement restitué en français par « service de réseautage social » ou « service de réseau social ».
Toutefois, lorsque l’on parle de « réseaux sociaux (en ligne) », c’est avant tout de réseau – au sens technique – dont il est question. Une vaste infrastructure de matériel informatique interconnecté, un vecteur de communication sans précédent : Internet.
Internet, catalyseur : deux exemples
Le printemps arabe
En décembre 2010 s’amorçait, en Tunisie, une dynamique qui allait conduire au renversement de plusieurs régimes totalitaires d’Afrique du Nord. À l’époque, les médias occidentaux définiront Internet comme élément initiateur du mouvement, affirmant à qui voulait l’entendre que les réseaux sociaux (Facebook™ en tête) avaient sonné le glas de plus de vingt années de tyrannie sous Ben Ali. S’il est incontestable que les réseaux sociaux ont joué un rôle dans la propagation des mouvements de protestation, affirmer qu’ils en sont à l’origine reviendrait à nier la crise socio-économique dans laquelle était plongé le pays et qui constituait le terreau d’actes désespérés tels que l’immolation par le feu du jeune Mohamed Bouazizi. Par ailleurs, cela négligerait la véritable pierre angulaire de cette entreprise qu’étaient l’activisme de terrain et les réseaux sociaux (au sens sociologique) développés.
Facebook™ et autres Twitter™ ne construisent pas les révolutions sociales, ils les précipitent en offrant des moyens de communication à grande échelle sans commune mesure.
La bataille ACTA
L’ACTA* (Anti-Counterfeiting Trade Agreement) était un accord plurilatéral visant notamment à créer un standard international pour l’application de la « propriété intellectuelle ». Négocié à huis clos pendant plus de deux ans, en excluant des débats la plupart des pays en voie de développement, sa version définitive a été rendue publique le 3 décembre 2010. La liste des griefs envers ce texte est longue, il aurait par exemple contraint les fournisseurs d’accès à Internet à mettre en œuvre des dispositifs d’espionnage au sein du réseau. En juillet dernier, l’accord a été rejeté à une large majorité par le Parlement européen suite à une mobilisation citoyenne sans précédent.
Internet a permis de diffuser les leaks (fuites) des versions de négociation de l’accord et de susciter l’attention tant médiatique que citoyenne. Il a permis une coordination internationale notamment pour l’organisation de manifestations rassemblant des centaines de milliers de citoyens à travers l’Europe et le monde.
Internet, au-delà des réseaux sociaux, est devenu un outil de communication universel. Il permet un partage sans frontière des informations, de la connaissance. À ce titre, il doit être préservé tant des gouvernements que des sociétés privées qui tentent d’étendre leur influence et leur contrôle. Il est indispensable d’apporter une définition juridique au principe de neutralité d’Internet. Ce principe garantirait qu’Internet soit fourni de manière homogène à tous les utilisateurs quel que soit leur lieu de résidence, le matériel ou les programmes qu’ils utilisent pour interagir avec le réseau ; il restreindrait les possibilités d’ingérence des acteurs privés ou politiques.
- Plus d'informations au sujet d'ACTA : http://nurpa.be/actualites/2012/04/lettre-ouverte-ACTA et https://nurpa.be/actualites/2012/07/rejet-ACTA-victoire-citoyenne-parlementaire