- Audrey Taets,
coordinatrice du service Solidarité
La solidarité, une préoccupation laïque majeure
Le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège a mis sur pied un service Solidarité. Aujourd’hui, il prépare un parcours permanent sur l’histoire des luttes sociales. Un projet qui met en lumière une préoccupation laïque essentielle : pour être libres, les individus doivent se serrer les coudes et favoriser les mécanismes de solidarité.
Pas facile de penser sa vie, de choisir sa route, lorsque tout nous est dicté par le logique choix du « nécessaire », du pratique, de ce qui est imposé par l’immédiateté du besoin, particulièrement dans une conjoncture de crise économique comme celle que nous traversons actuellement.
Les questions d’émancipation et d’autonomie, qui sont des valeurs essentielles à notre mouvement, ne peuvent être dissociées des conditions matérielles nécessaires à leur mise en œuvre. C’est dans cet esprit qu’a été pensé le service Solidarité, car si l’émancipation doit passer par l’existence de conditions économiques qui la rendent possible, il est important de s’interroger sur la manière dont fonctionne notre système économique ainsi que sur la manière dont est, et a été appréhendée la question sociale.

Ainsi, le service Solidarité du Centre d’Action Laïque de la Province de Liège mène un travail d’éducation permanente sur l’histoire des luttes sociales. Plus spécifiquement l’histoire des luttes des « sans-parts »1 qui, face au principe d’une société basée sur le règne sans partage du marché, ont pris leur destin en main, en inventant leurs propres formes d’émancipation.
A l’heure du délitement de l’état social, de l’effritement de la société salariale2, de la montée du chômage, nous pensons qu’il est essentiel et utile de revenir sur l’histoire des inégalités et sur les conditions favorables à l’émancipation individuelle et collective.
Entre Galeries et Forges, la solidarité : un parcours sur l’histoire des luttes pour l’émancipation sociale. C’est donc à ce titre que nous préparons une exposition permanente, qui prendra place à Mnema, lieu d’éducation et de culture, dont l’ouverture est programmée fin 2013.
Il s’agit d’une part, au travers de ce parcours symbolique, de représenter l’histoire des mécanismes qui sous-tendent les rapports de domination subis par les travailleurs depuis le 19e siècle.
L’histoire des rapports sociaux met en lumière la manière dont se sont structurées les inégalités sociales au fil du temps. Comment ces inégalités ont été entérinées, par des lois, une organisation sociale, une idéologie, une culture de la distinction mais aussi par l’assignation de toute une communauté à une identité, une position sociale bien déterminée.
Plus que jamais, il est important de rappeler que le principe de solidarité sociale ne s’est pas imposé de lui-même, mais qu’il résulte d’un véritable rapport de force auquel nous sommes toujours intimement liés. Situer notre devenir, au regard d’un récit commun sur les luttes menées pour construire un monde vivable pour tous, permet aujourd’hui de se réapproprier les possibilités bien réelles de notre propre émancipation.
D’autre part, il s’agit d’exposer les réponses collectives qui ont été inventées par ceux concernés par ces rapports sociaux aliénants, par ces injustices organisées ; de montrer les formes d’émancipation politique qu’ont créé les travailleurs pour lutter contre l’ordre social établi et pour agir au sein de la société comme « autre chose » que ce à quoi on les destinait. En bref, l’histoire que nous allons raconter, c’est celle de la lutte de deux classes sociales qui s’affrontent pour redéfinir la distribution du pouvoir et de la dignité dans la société.
Plus que jamais, il est important de rappeler que le principe de solidarité sociale ne s’est pas imposé de lui-même, mais qu’il résulte d’un véritable rapport de force auquel nous sommes toujours intimement liés. Situer notre devenir, au regard d’un récit commun sur les luttes menées pour construire un monde vivable pour tous, permet aujourd’hui de se réapproprier les possibilités bien réelles de notre propre émancipation. Il est temps de réaffirmer notre capacité à faire changer les choses, à construire un monde commun et surtout de rappeler le pouvoir de l’agir collectif comme condition pour y parvenir.
- Terme emprunté à Jacques Rancière qui qualifie de « sans-parts » ceux à qui on ne reconnaît pas une égale capacité à participer aux affaires de la cité.
- Constat posé par Robert Castel dans « Métamorphose de la question sociale », Fayard, 1995.