• Jean-Michel Heuskin
    Jean-Michel Heuskin
    président du Centre d'Action Laïque de la Province de Liège (2001-2005)

Les cérémonies d’hommage civiles, une absolue nécessité

Dans un état neutre (à défaut d’être laïque) comme la Belgique, il est primor­dial de tout mettre en œuvre pour que celui-ci, en toute circons­tance, respecte les règles strictes de la neutralité.

On en est malheu­reu­se­ment bien loin.

En effet, si l’on reprend les dernières catas­trophes qui ont eu lieu dans notre pays ces dernières années, force est de consta­ter qu’à l’exception de l’accident ferro­viaire de Buizin­gen, le carac­tère reli­gieux et parti­cu­liè­re­ment catho­lique a été systé­ma­ti­que­ment privi­lé­gié. à ce titre, la céré­mo­nie la plus choquante a certai­ne­ment été celle consa­crée aux pompiers victimes lors d’un terrible incen­die à Uccle, en 2008 : les auto­ri­tés fédé­rales ont pure­ment et simple­ment ignoré l’hommage rendu à la caserne par leurs pairs pour privi­lé­gier la céré­mo­nie reli­gieuse au cours de laquelle ont été remises aux victimes, à titre post­hume, les déco­ra­tions qu’elles méritaient.

Mais ces constats sont loin d’être nouveaux. Rappe­lons que la créa­tion du Centre d’Action Laïque a fait suite à la colère expri­mée par les asso­cia­tions laïques de l’époque face au carac­tère exclu­si­ve­ment catho­lique des céré­mo­nies orga­ni­sées à la suite de l’incendie qui rava­gea l’Innovation à Bruxelles en 1967.

Dans chaque commune, un lieu, si possible public et en tout cas neutre, devrait être iden­ti­fié, de même que chaque Province devrait en faire de même en cas d’évènement de plus grande ampleur dépas­sant par son impact, un terri­toire communal.

Mais que reven­dique exac­te­ment le Centre d’Action Laïque pour rendre à ces céré­mo­nies le carac­tère civil qui sied à un recueille­ment collec­tif au-delà des convic­tions indi­vi­duelles ? Car si on veut éviter de devoir orga­ni­ser dans l’urgence un évène­ment au lende­main d’une  catas­trophe, il est néces­saire de tout mettre en œuvre pour qu’une telle situa­tion soit envi­sa­gée et prépa­rée, tout en espé­rant qu’elle ne se produise jamais.

La céré­mo­nie d’hommage aux victimes de l’explosion de la rue Léopold à Liège rassem­blait les repré­sen­tants de diffé­rents cultes et de la laïcité. Crédit : Belga

Dans chaque commune, un lieu, si possible public et en tout cas neutre, devrait être iden­ti­fié, de même que chaque Province devrait en faire de même en cas d’évènement de plus grande ampleur dépas­sant par son impact, un terri­toire commu­nal. Au risque de voir, comme ce fut le cas après la catas­trophe de la rue Léopold, à Liège, l’église catho­lique propo­ser l’un de ses nombreux bâti­ments large­ment sous-utilisé et ainsi subti­le­ment réaf­fir­mer le lien qui la lie à l’état.

De même un proto­cole, exempt de toute conno­ta­tion reli­gieuse et philo­so­phique, devrait être mis en place afin de répondre rapi­de­ment à la légi­time émotion des familles et de la popu­la­tion. Toute­fois, si certaines familles souhaitent donner un carac­tère reli­gieux ou philo­so­phique à leur recueille­ment, libre à elles de l’organiser en privé avec leur entourage.

En effet, les céré­mo­nies civiles sont un hommage des auto­ri­tés, et à travers elles, de toute la popu­la­tion aux victimes et leur famille. La société inter­cul­tu­relle et diverse qui est la nôtre doit respec­ter l’ensemble de ses compo­santes sans distinc­tion et sans lais­ser penser qu’il y a des citoyens qui méritent plus d’égard que d’autres.

De même un proto­cole, exempt de toute conno­ta­tion reli­gieuse et philo­so­phique, devrait être mis en place afin de répondre rapi­de­ment à la légi­time émotion des familles et de la popu­la­tion. Toute­fois, si certaines familles souhaitent donner un carac­tère reli­gieux ou philo­so­phique à leur recueille­ment, libre à elles de l’organiser en privé avec leur entourage.

Des contacts ont été pris avec les auto­ri­tés fédé­rales et régio­nales afin qu’une réflexion soit enta­mée à ce sujet. Des pistes concrètes sont à l’étude mais le chemin reste encore long. Pour s’en convaincre, il suffit de voir comment beau­coup d’autorités locales reprennent systé­ma­ti­que­ment les céré­mo­nies reli­gieuses dans les programmes offi­ciels de la fête natio­nale ou des fêtes de Wallonie.

Cette bana­li­sa­tion de la proxi­mité entre évène­ment offi­ciel et office reli­gieux est une injure à tous les citoyens croyants ou non qui ne partagent ces convic­tions ou qui de plus en plus nombreux réclament une véri­table sépa­ra­tion de l’église et de l’état.

La liberté de prati­quer ou non une reli­gion ne peut être garan­tie que dans un état laïque. Il est urgent de se mobi­li­ser pour défendre ce prin­cipe et rappe­ler que la laïcité est indis­so­ciable des Droits de l’Homme et, comme eux, non négo­ciable à l’heure où l’Europe tente par tous les moyens de faire des reli­gions les piliers de sa construc­tion, faisant fi de la sécu­la­ri­sa­tion de nos socié­tés et des aspi­ra­tions de la grande majo­rité de ses citoyens.

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