• Jérôme Jamin
    rédacteur en chef de la revue Aide-Mémoire

Le populisme est-il un appel à la démocratie ?

La réponse à cette question semble de prime abord très simple : oui  ! Le populisme dénonce la particratie, la soif de pouvoir de nos élus, la multiplication des niveaux de pouvoir, la multiplication de nos administrations et du nombre de fonctionnaires, il dénonce le coût de plus en plus élevé des structures de l’Etat, le pouvoir démesuré des syndicats et bien d’autres choses au nom précisément de la démocratie.

Ecoutez Jean-Marie Dedecker en Flandre, Mischaël Modrikamen à Bruxelles, arnold schwarzenegger en Californie, silvio Berlusconi en Italie, ou encore Bernard Tapie en France  et Margaret Thatcher hier au royaume-Uni, ils dénoncent tout ce qui précède au nom de la démocratie et donc a priori la réponse est simple : oui le populisme est un appel à la démocratie! Pourquoi? Parce qu’il est un appel à plus de démocratie directe, une demande pour un système où les citoyens pourraient exprimer plus facilement leurs volontés sans devoir passer par les partis, les élus, les chambres, les conseils, etc. C’est un appel à une sorte de « démocratie radicale » où le pouvoir effectif serait dans les mains du peuple, c’est en définitive la recherche d’une démocratie authentique, réelle, « pure », qui correspondrait parfaitement à sa définition étymologique grecque (et sa traduction littérale) qui rappelons-le qualifie le régime démocratique de système politique où le pouvoir (cratos) est dans les mains du peuple (dêmos).

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les populistes marquent un intérêt pour le référendum, s’ils font l’éloge du modèle politique suisse, s’ils soutiennent le principe du « recall » qui permet dans certains pays (ou régions) de remettre en question l’investiture d’un élu si un nombre suffisant de citoyens se mobilisent dans ce sens (comme en Californie). Ce n’est pas un hasard s’ils admirent les gouvernements et les pouvoirs locaux, les seuls selon eux à être capables de comprendre les problèmes et les aspirations du peuple.

En fait, à bien y regarder, lorsqu’on analyse de près le populisme, on constate que l’appel à la démocratie du populisme témoigne d’une volonté de réduire la distance entre le peuple « opprimé » et le pouvoir des « élites », entre la société « réelle » et les élus, entre le peuple et les partis politiques, les syndicats, les bureaucrates en tous genres, les administrations, et bien entendu les grandes institutions internationales.

Jean-Marie Dedecker rejette les « compromissions politiques wallonnes », Mischaël Modrikamen dénonce les « intérêts particuliers, individuels ou organisés, fréquemment privilégiés » (Manifeste du Parti populaire), arnold schwarzenegger dénonce les « politiciens corrompus », silvio Berlusconi  critique les « juges rouges » à rome. Et hier déjà, Bernard Tapie rejetait les « politiciens professionnels », c’est-à-dire les « fils de », quand Margaret Thatcher vilipendait pour sa part « les syndicats qui ne défendent qu’eux-mêmes ».

Un fil conducteur caractérise ces discours : le passage du clivage « gauche / droite » au clivage « système / anti-système » ou plus exactement « élites du système contre peuple ».

Le populisme rejette les institutions intermédiaires en faveur d’une relation directe entre le peuple et ses leaders. Et vu de près, l’appel à la démocratie du populisme révèle une volonté de supprimer dans le champ politique toutes formes de médiation entre la volonté du peuple d’une part, et la réalisation effective de cette dernière d’autre part. Cet appel révèle l’écart en termes d’acteurs, d’institutions mais aussi de temps entre la volonté du peuple d’une part et sa réalisation d’autre part.

Vu de près, l’appel à la démocratie révèle une volonté d’éclipser le temps et la politique, d’éclipser le temps nécessaire à l’élaboration d’une volonté collective, à la prise d’une décision appropriée et à la mise en œuvre de son application effective. Il révèle une volonté d’éclipser l’écart temporel entre « volonté » et « réalisation de la volonté ». La vraie nature du populisme, c’est sa volonté de supprimer le « temps politique » inhérent à la démocratie, aux médiations et à la négociation.

Le populisme fonctionne sur un registre mythique. Il rêve d’une démocratie directe idéale où la volonté populaire et son exécution effective se confondraient simultanément. son message implicite est clair : « Vous voulez, vous aurez. Tout de suite! »

La rhétorique populiste simplifie les enjeux qui animent l’histoire et la politique, elle réduit les luttes sociales, les inégalités, la crise économique, l’insécurité, le chômage et bien d’autres thèmes politiques majeurs à une opposition tendue entre deux acteurs uniques prétendument homogènes : le peuple et les élites. Le discours populiste offre une vision duale du combat social et politique et partant, réduit l’histoire politique à la lutte entre les élites d’une part et le peuple d’autre part.

En conclusion, et contrairement à ce qui est souvent dit, le populisme n’est pas synonyme d’extrême droite. Il est juste une vision de la politique ultra-simplifiée qui peut être mobilisée par toutes sortes d’idéologies de droite, de gauche, d’extrême gauche, etc. Il est un appel à la démocratie mais sur un registre simplificateur et donc démagogique.

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