• Denis Stokkink
    Président de Pour la solidarité Think Tank européen

S'emparer de la chose publique

Enquête publique, consul­ta­tion popu­laire, commis­sion consul­ta­tive, conseil consul­ta­tif des aînés ou des jeunes… La liste des struc­tures commu­nales desti­nées à recueillir la parole citoyenne est deve­nue très longue. Ces proces­sus de parti­ci­pa­tion, voulus par le légis­la­teur ou par les édiles, se situent entre la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive et la démo­cra­tie directe. Ils peuvent consti­tuer une plus-value pour notre système démo­cra­tique mais, là comme ailleurs, la bonne volonté ne suffit pas.

La démo­cra­tie parti­ci­pa­tive ne remplace pas, mais inter­vient de façon complé­men­taire à la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive. Ces deux formes de démo­cra­tie se renforcent afin de rendre les citoyens et les élus copro­prié­taires et cores­pon­sables, de la cité et de ce qui s’y passe. Les béné­fices de la parti­ci­pa­tion citoyenne sont multiples et ont été abon­dam­ment décrits : déve­lop­pe­ment d’une culture civique, appren­tis­sage de l’intérêt collec­tif par les indi­vi­dus, accrois­se­ment de la confiance à l’égard des insti­tu­tions, lutte contre l’intolérance et les extrêmes… Le citoyen est reconnu comme un expert de son quoti­dien, qui peut initier des projets et prendre part à la construc­tion de déci­sions qui auront une influence sur sa vie sociale, sur son environnement.

À Seraing, les citoyens sont appe­lés à jouer leur rôle

Si la démo­cra­tie parti­ci­pa­tive se mani­feste dans des champs diffé­rents de la société et à diffé­rents éche­lons du pouvoir, c’est au niveau commu­nal qu’elle est la plus vivante. Il existe plusieurs modes de parti­ci­pa­tion des citoyens et des orga­ni­sa­tions de la société civile au niveau commu­nal. Les uns sont pres­crits par la loi (l’enquête publique, la publi­cité des séances du Conseil commu­nal, l’accès à l’information) ; d’autres sont volon­taires mais enca­drés par décret (la consul­ta­tion popu­laire, les commis­sions consul­ta­tives et les conseils consul­ta­tifs, Programme commu­nal de déve­lop­pe­ment rural, Plan commu­nal de déve­lop­pe­ment de la nature) ; d’autres encore sont initiés en toute liberté par les auto­ri­tés (conseil commu­nal des jeunes, budget parti­ci­pa­tif, projet de ville, réunions d’information).

Les limites du participatif

Il existe plus de guides pratiques et autres outils de parti­ci­pa­tion citoyenne que d’évaluations de ces pratiques permet­tant de déce­ler leurs limites et incon­vé­nients. L’on peut toute­fois mettre en exergue certains écueils de la parti­ci­pa­tion citoyenne. Comme ce constat de la direc­trice admi­nis­tra­tive du district de Jemappes-Flénu à propos du budget parti­ci­pa­tif intro­duit dans cette entité montoise en 2002 : « Les gens ont des jour­nées char­gées : trajets, travail, enfants, courses, ménage… Du coup, ils réflé­chissent à deux fois avant de s’investir ailleurs. à cela s’ajoute l’individualisme. Beau­coup d’habitants viennent aux réunions pour parler de problèmes qui concernent leur envi­ron­ne­ment direct et non la collec­ti­vité. En découlent des projets trop subjec­tifs. En fait, lors des conseils de zone, on entend tout et son contraire. Les habi­tants ont parfois du mal à comprendre qu’on ne puisse pas répondre à leur demande et qu’il est impos­sible de conten­ter tout le monde. En outre, leurs demandes ne sont pas toujours clai­re­ment expri­mées. […] Ils n’ont pas l’habitude de mettre des mots sur leurs besoins, ni de construire et de discu­ter des projets collec­tifs. Il faut donc les aider à clari­fier leurs attentes »1

(…) la parti­ci­pa­tion citoyenne ne s’improvise pas. Elle suppose un certain nombre de règles qu’il convient de respec­ter : la trans­pa­rence, la commu­ni­ca­tion, la diver­sité, etc. sans comp­ter une bonne dose de patience, un inves­tis­se­ment temps consi­dé­rable et le respect de la parole car des citoyens qui ont l’impression de ne jamais être enten­dus se fatiguent rela­ti­ve­ment vite des fausses participations.

D’autres problèmes ont été rele­vés par la recherche Topo­zym2 : la diffi­culté des élus à accep­ter la parti­ci­pa­tion ; la diffi­culté d’accès aux citoyens ; une mauvaise inté­gra­tion des dimen­sions « exper­tise profes­sion­nelle » et « exper­tise locale », l’une prenant géné­ra­le­ment le pas sur l’autre ; la place floue du citoyen dans le proces­sus déci­sion­nel ; le carac­tère partial et partiel des résul­tats ; le leurre poten­tiel sur le carac­tère démo­cra­tique de la parti­ci­pa­tion, lorsqu’un groupe de personnes est majo­ri­taire ou domi­nant dans le proces­sus ; la diffi­culté d’identifier et de réunir tous les acteurs poten­tiel­le­ment concer­nés par un projet.

En  conclu­sion, on  insis­tera  sur  le fait que la parti­ci­pa­tion citoyenne ne s’improvise pas. Elle suppose un certain nombre de règles qu’il convient de respec­ter : la trans­pa­rence, la commu­ni­ca­tion, la diver­sité, etc. sans comp­ter une bonne dose de patience, un inves­tis­se­ment temps consi­dé­rable et le respect de la parole car des citoyens qui ont l’impression de ne jamais être enten­dus se fatiguent rela­ti­ve­ment vite des fausses participations.

  1. Le projet “Budget parti­ci­pa­tif” – Quand le vent de la démo­cra­tie traverse les fron­tières…, Dialogue Wallo­nie, n° 29, 2006/3, p. 18.
  2. Le projet de recherche-forma­tion-action Topo­zym sur le déve­lop­pe­ment durable de l’espace public a été mené par l’Unité de Géogra­phie Écono­mique et sociale de l’Université de Liège (UGEs), l’Instituut voor sociale en Econo­mische Geogra­fie de la ka- tholieke Univer­si­teit Leuven (IsEG) et l’Institut d’Eco-pédagogie (IEP) entre janvier 2007 et janvier 2009. www. topo​zym​.be

 

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