• Justine Bolssens
    Justine Bolssens
    chargée d'études à la cellule Étude et Stratégie du Centre d’Action Laïque.

Les extrémismes, menaces pour les droits sexuels et reproductifs

Dans le monde entier, les droits sexuels et repro­duc­tifs sont confron­tés à une menace crois­sante de partis d'extrême droite et grou­pe­ments reli­gieux qui cherchent à impo­ser leurs valeurs conser­va­trices et leurs croyances sur des ques­tions liées à la sexua­lité, à la contra­cep­tion, à l'avortement et aux droits des personnes non hétérosexuelles.


La montée en puis­sance de ces mouvances pose de sérieux défis à la lutte pour l'égalité, la liberté et le respect des droits humains. Ces droits, recon­nus comme fonda­men­taux, englobent la capa­cité des femmes à exer­cer leur auto­no­mie et à prendre des déci­sions éclai­rées concer­nant leur santé sexuelle et repro­duc­tive, y compris leur droit à l'éducation sexuelle, à la contra­cep­tion, à l'avortement sûr et légal, ainsi qu'à la protec­tion contre la violence sexuelle. Cepen­dant, dans de nombreux endroits et États à travers le monde, ces droits sont aujourd'hui encore bafoués et ignorés.

CC-BY-NC-SA Jean-Fran­çois Gornet – FlickR​.com

Les stra­té­gies mises en œuvre par les mouve­ments inté­gristes et conser­va­teurs sont globales et s’exercent sur l’ensemble de la planète. L’Europe, qui reste le conti­nent le plus favo­rable à l’autonomie de déci­sion des femmes, n’est pas épar­gnée. On le sait peu, mais sur le conti­nent, l’IVG est tota­le­ment illé­gale à Andorre et au Liech­ten­stein. À Malte, elle est tota­le­ment inter­dite, même si la légis­la­tion vient de recon­naître deux excep­tions : quand la vie de la mère est en danger ou lorsque le fœtus n’est pas viable. En Pologne, les discours de l’Église catho­lique sur la « culture de mort » ont réussi à quasi­ment inter­dire l’IVG. Idem en Hongrie où, depuis l'arrivée au pouvoir de Viktor Orbán, la loi oblige les femmes enceintes qui souhaitent avor­ter à prou­ver, par le biais d'un certi­fi­cat médi­cal, qu'elles ont écouté « les batte­ments de cœur du fœtus ». L'Espagne fait égale­ment face à la montée d’une extrême droite qui menace les droits sexuels et repro­duc­tifs des femmes : le parti Vox prône un État confes­sion­nel aux valeurs chré­tiennes et fami­liales, remet­tant en ques­tion les droits acquis en matière d'avortement et de santé sexuelle.

En Belgique, le président du Vlaams Belang, premier parti de Flandre selon le Grand Baro­mètre de juin dernier, ne cache pas sa volonté de restreindre l’accès à l’IVG : « l'avortement doit être possible lorsque la vie de la femme est en danger, lorsque l'enfant à naître n'est pas viable et en cas de viol1 ». Une décla­ra­tion qui fait fâcheu­se­ment écho à la situa­tion alar­mante en Pologne qui a déjà connu six décès de femmes enceintes depuis le durcis­se­ment de la loi IVG. Rappe­lons que ce parti, de concert avec la N‑VA et le CD&V, a entravé le vote au Parle­ment de la loi IVG en 2019, par un quadruple renvoi du texte au Conseil d’État !

Dans la société civile aussi, des asso­cia­tions comme le groupe Crois­sance, Inno­cence en danger ou La petite sirène tiennent des discours homo­phobes et anti-choix, alimen­tant les fantasmes sur l’éducation sexuelle et sur ­l’avortement.

Ces exemples mettent en lumière une augmen­ta­tion alar­mante des mouve­ments extré­mistes dont le but avoué est de restreindre les droits des femmes et d’imposer des normes sociales rétro­grades. Ces groupes reli­gieux, conser­va­teurs et extré­mistes veulent réins­tau­rer un contrôle social et poli­tique sur le corps et la sexua­lité des femmes. Cette dyna­mique de contrôle repose souvent sur une vision natu­ra­liste et fami­lia­liste qui consi­dère les femmes comme des objets, les rédui­sant à un rôle complé­men­taire et dépen­dant des hommes, mais utiles à un projet politique2. Certains partis d'extrême droite réduisent les femmes au rôle de mère, consi­dé­rant la procréa­tion comme cruciale pour la survie de la nation et propagent même la théo­rie du « grand rempla­ce­ment » pour justi­fier leurs poli­tiques discriminatoires.

Ces atteintes aux droits sexuels et repro­duc­tifs ont des consé­quences désas­treuses sur la santé et le bien-être des femmes et sur la société dans son ensemble.

À l'heure actuelle, des dizaines de milliers de femmes meurent de compli­ca­tions liées à la gros­sesse et à l'accouchement parce qu'elles n'ont qu'un accès limité à des soins de santé repro­duc­tive de qualité ou sont forcées de recou­rir à des avor­te­ments clan­des­tins et dange­reux qui mettent leur vie en danger. C’est pour­quoi en 2023, la lutte contre les extré­mismes est indis­pen­sable pour que l'égalité des droits sexuels et repro­duc­tifs soit défen­due comme un des socles de la démo­cra­tie qui garan­tit la liberté et le respect des droits humains pour tous et toutes.


  1. Lire l'article.
  2. Fran­çois Debras, Les partis d’extrême droite, pour­fen­deurs ou promo­teurs des droits des femmes ? Colloque extrême droite et genre(s), CAL Char­le­roi, 2023.
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