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Justine Bolssens,
chargée d'études à la cellule Étude et Stratégie du Centre d’Action Laïque.
Les extrémismes, menaces pour les droits sexuels et reproductifs
Dans le monde entier, les droits sexuels et reproductifs sont confrontés à une menace croissante de partis d'extrême droite et groupements religieux qui cherchent à imposer leurs valeurs conservatrices et leurs croyances sur des questions liées à la sexualité, à la contraception, à l'avortement et aux droits des personnes non hétérosexuelles.
La montée en puissance de ces mouvances pose de sérieux défis à la lutte pour l'égalité, la liberté et le respect des droits humains. Ces droits, reconnus comme fondamentaux, englobent la capacité des femmes à exercer leur autonomie et à prendre des décisions éclairées concernant leur santé sexuelle et reproductive, y compris leur droit à l'éducation sexuelle, à la contraception, à l'avortement sûr et légal, ainsi qu'à la protection contre la violence sexuelle. Cependant, dans de nombreux endroits et États à travers le monde, ces droits sont aujourd'hui encore bafoués et ignorés.
Les stratégies mises en œuvre par les mouvements intégristes et conservateurs sont globales et s’exercent sur l’ensemble de la planète. L’Europe, qui reste le continent le plus favorable à l’autonomie de décision des femmes, n’est pas épargnée. On le sait peu, mais sur le continent, l’IVG est totalement illégale à Andorre et au Liechtenstein. À Malte, elle est totalement interdite, même si la législation vient de reconnaître deux exceptions : quand la vie de la mère est en danger ou lorsque le fœtus n’est pas viable. En Pologne, les discours de l’Église catholique sur la « culture de mort » ont réussi à quasiment interdire l’IVG. Idem en Hongrie où, depuis l'arrivée au pouvoir de Viktor Orbán, la loi oblige les femmes enceintes qui souhaitent avorter à prouver, par le biais d'un certificat médical, qu'elles ont écouté « les battements de cœur du fœtus ». L'Espagne fait également face à la montée d’une extrême droite qui menace les droits sexuels et reproductifs des femmes : le parti Vox prône un État confessionnel aux valeurs chrétiennes et familiales, remettant en question les droits acquis en matière d'avortement et de santé sexuelle.
En Belgique, le président du Vlaams Belang, premier parti de Flandre selon le Grand Baromètre de juin dernier, ne cache pas sa volonté de restreindre l’accès à l’IVG : « l'avortement doit être possible lorsque la vie de la femme est en danger, lorsque l'enfant à naître n'est pas viable et en cas de viol1 ». Une déclaration qui fait fâcheusement écho à la situation alarmante en Pologne qui a déjà connu six décès de femmes enceintes depuis le durcissement de la loi IVG. Rappelons que ce parti, de concert avec la N‑VA et le CD&V, a entravé le vote au Parlement de la loi IVG en 2019, par un quadruple renvoi du texte au Conseil d’État !
Dans la société civile aussi, des associations comme le groupe Croissance, Innocence en danger ou La petite sirène tiennent des discours homophobes et anti-choix, alimentant les fantasmes sur l’éducation sexuelle et sur l’avortement.
Ces exemples mettent en lumière une augmentation alarmante des mouvements extrémistes dont le but avoué est de restreindre les droits des femmes et d’imposer des normes sociales rétrogrades. Ces groupes religieux, conservateurs et extrémistes veulent réinstaurer un contrôle social et politique sur le corps et la sexualité des femmes. Cette dynamique de contrôle repose souvent sur une vision naturaliste et familialiste qui considère les femmes comme des objets, les réduisant à un rôle complémentaire et dépendant des hommes, mais utiles à un projet politique2. Certains partis d'extrême droite réduisent les femmes au rôle de mère, considérant la procréation comme cruciale pour la survie de la nation et propagent même la théorie du « grand remplacement » pour justifier leurs politiques discriminatoires.
Ces atteintes aux droits sexuels et reproductifs ont des conséquences désastreuses sur la santé et le bien-être des femmes et sur la société dans son ensemble.
À l'heure actuelle, des dizaines de milliers de femmes meurent de complications liées à la grossesse et à l'accouchement parce qu'elles n'ont qu'un accès limité à des soins de santé reproductive de qualité ou sont forcées de recourir à des avortements clandestins et dangereux qui mettent leur vie en danger. C’est pourquoi en 2023, la lutte contre les extrémismes est indispensable pour que l'égalité des droits sexuels et reproductifs soit défendue comme un des socles de la démocratie qui garantit la liberté et le respect des droits humains pour tous et toutes.
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- François Debras, Les partis d’extrême droite, pourfendeurs ou promoteurs des droits des femmes ? Colloque extrême droite et genre(s), CAL Charleroi, 2023.