• Nancy Hardy
    Nancy Hardy
    coordinatrice de Peuple & Culture
  • Stéphan Hoornaert
    Stéphan Hoornaert
    xpert en économie circulaire
Propos recueillis par Aline Kockartz

DÉVELOPPER UNE CITOYENNETÉ ACTIVE ET CRITIQUE

Peuple et Culture en Wallonie et à Bruxelles (PECWB) est une association visant la rencontre et la formation de citoyens et de
citoyennes engagés dans la lutte contre les inégalités sociales et culturelles. Les méthodologies de l’association sont participatives, ancrées en éducation populaire et permanente. Elles suscitent et accompagnent donc les initiatives citoyennes.

Les actions et formations touchent des populations d’âges et d’origines sociales, économiques et culturelles pluriels et visent l’émancipation de tous les hommes et de toutes les femmes par le développement d’une citoyenneté active et critique pour construire une société plus juste, libre et solidaire.

Fédérée au Centre d’Action Laïque de la Province de Liège et située rue du Beau mur, dans le quartier dit de la Bonne Femme (Grivegnéebas), l’association propose cette année un programme de rencontres intitulé Citoyen.ne.s en Transition. Cette initiative
est née d’une collaboration avec Stéphan Hoornaert, biologiste moléculaire.


Entretien avec

Nancy Hardy

Stéphan Hoornaert

La transition est aussi citoyenne !

Salut & Frater­nité : Quels sont les constats de terrain qui vous ont amenés à une program­ma­tion d’activités portant sur la tran­si­tion écolo­gique et solidaire ?

Nancy Hardy : Ce n’est pas la première acti­vité de ce genre que tente de déve­lop­per Peuple & Culture. Ce projet, Citoyen.nes en Tran­si­tion, découle direc­te­ment du projet Vive les Pleu­rotes, né pendant la crise sani­taire (même s’il n’y est pas lié) par le biais du collec­tif STOP DIC, qui a d’abord commencé à lutter contre les dépôts d’immondices clan­des­tins dans le quartier.

Stéphan Hoor­naert : À partir de l’initiative du collec­tif, j’ai proposé de démon­trer qu’en utili­sant l’intelligence de la nature, il était possible de faire de la nour­ri­ture à partir de déchets orga­niques. Étant biomi­mé­ti­cien et expert en écono­mie circu­laire, je fais surtout la promo­tion de l’économie régé­né­ra­tive (qui inclut l’économie du Donut) dont le postu­lat est d’appliquer les prin­cipes du fonc­tion­ne­ment du vivant au niveau écono­mique. Cela change fonda­men­ta­le­ment notre manière de conce­voir les orga­ni­sa­tions humaines pour les repen­ser comme étant des orga­nismes écono­miques vivants. Par exemple, suppri­mer la notion de déchet : dans la nature, il n’y a aucun déchet. Chaque sous-produit d’un orga­nisme devient matière première pour un autre orga­nisme. Nous devons repen­ser notre manière de fabri­quer des produits et services pour qu'à la fin du proces­sus, il n’y ait plus de déchets du tout. S’il y en a, il faut revoir la copie jusqu’à ce que l’entreprise parvienne à ne plus en avoir ou qu’ils deviennent une autre matière première pour une autre entre­prise. Pour démon­trer cette idée physi­que­ment, je me suis inté­ressé aux cham­pi­gnons, qui permettent de montrer que l’on peut faire de la nour­ri­ture à partir de déchets orga­niques. À partir d’un mélange de marc de café et de copeaux de pailles, le mycé­lium peut se déve­lop­per et produire des cham­pi­gnons comes­tibles et très bons au goût.

N.H. : Quand on a lancé ce projet, c’était un pari risqué car tous les cafés étaient fermés en raison de la crise sani­taire. Pour récol­ter du marc de café, nous avons diffusé l’information via les réseaux sociaux, la distri­bu­tion d’un flyer et le bouche-à-oreille. Les habi­tants du et hors du quar­tier se sont mobi­li­sés et cela nous a permis de commen­cer la culture de cham­pi­gnons dans une cave située au fond de notre jardin.

S&F : Comment votre colla­bo­ra­tion autour du projet Vive les Pleu­rotes s’est-elle élar­gie à celui d’un cycle de rencontres complet en 2022 ?

N.H. : Tout d’abord, il nous faut reve­nir sur la genèse du projet. Entouré des quar­tiers d’Amercœur, des Vennes et Grétry, où des projets de réha­bi­li­ta­tion étaient lancés, le quar­tier de la Bonne Femme (composé de six rues de Grive­gnée-bas) et ses habi­tants, témoi­gnaient unani­me­ment d’un senti­ment d’abandon de la part de la Ville de Liège. Ce manque d’intérêt des pouvoirs publics a mené à une mobi­li­sa­tion posi­tive d’habitants qui, au sein de Peuple et Culture, se sont consti­tués en collec­tif de quartier.

Culti­ver des cham­pi­gnons est une acti­vité collec­tive qui permet la vulga­ri­sa­tion de certaines problé­ma­tiques et une conscien­ti­sa­tion des parti­ci­pants à l’intérêt de l’économie circu­laire et régé­né­ra­tive. Le cycle de rencontres est né pour élar­gir le champ et permettre à des personnes conscien­ti­sées de venir acqué­rir de nouvelles connais­sances mais aussi à d’autres de s’informer, se sensi­bi­li­ser, prendre conscience des enjeux et se ques­tion­ner sur nos compor­te­ments en tant que citoyennes et citoyens. Ce sont des sujets dont PEC-WB parle depuis plusieurs années mais, suite à la crise sani­taire et aux inon­da­tions, l’écho est diffé­rent au sein de la population.

S.H. : Je suis issu du quar­tier et cela fait 10 ans que je travaille sur les problé­ma­tiques de biomi­mé­tisme, ici et à l’étranger. Quand je suis revenu en Belgique, j’ai rejoint les rencontres du collec­tif de quar­tier qui a donné nais­sance au projet Vive les Pleu­rotes. Les cham­pi­gnons ne sont qu’une façon d’explorer les prin­cipes de l’économie régé­né­ra­tive. En chan­geant notre manière de réflé­chir les orga­ni­sa­tions humaines, il est possible de mettre cette approche en place mais c’est un long proces­sus. Le cycle de rencontres en 2022 pour­suit cet objectif.


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