• Hervé Persain
    Hervé Persain
    président du Centre d’Action Laïque de la Province de Liège

Le mot du président

Les neuros­ciences, aux côtés de la biochi­rur­gie, de l’informatique, des nano­tech­no­lo­gies, des objets connec­tés, de la méde­cine régé­né­ra­trice, de la robo­tique, des impri­mantes 3D, de la cyber­né­tique et de l’intelligence arti­fi­cielle, sont entrées dans un proces­sus de trans­for­ma­tion du monde et du vivant. Elles nous ouvrent des oppor­tu­ni­tés d’agir sur notre envi­ron­ne­ment et sur l’humanité, et ne dérogent pas à la règle émise de longue date pour la science : sans conscience, cette évolu­tion peut nous conduire à adop­ter les profils du Dr Jekyll et de Mr Hyde. Les deux voies sont d’ores et déjà ouvertes. L’une pour­rait mener à un déve­lop­pe­ment de l’esprit humain et à un proces­sus de réduc­tion des inéga­li­tés qui permet­trait à chacune et chacun, par une acqui­si­tion plus franche de l’esprit critique et des capa­ci­tés d’analyse et de pensée, de prendre la place qui lui revient au sein de la société. Par contre, l’autre pour­rait mener à l’asservissement des êtres humains au profit des préda­teurs des mondes écono­miques, poli­tiques, et des mani­pu­la­teurs de la pensée.

Aux progrès scien­ti­fiques s’attachent systé­ma­ti­que­ment des idéo­lo­gies contra­dic­toires, qui luttent pour l’évolution du monde, des socié­tés, dans l’intérêt du plus grand nombre, ou qui aggravent les dérives et les déséqui­libres qui carac­té­risent notre huma­nité du XXIe siècle, au profit d’une mino­rité de privilégiés.

Aux progrès scien­ti­fiques s’attachent systé­ma­ti­que­ment des idéo­lo­gies contradictoires (…)

Luc Ferry pose la ques­tion, dans La révo­lu­tion huma­niste : « … s’agit-il de rendre l’humain plus humain – ou pour mieux dire, meilleur parce que plus humain –, ou veut-on au contraire le déshu­ma­ni­ser, voire engen­drer arti­fi­ciel­le­ment une nouvelle espèce, celle des posthumains ? »

Certains penseurs, comme Kurz­weil, invoquent la « tech­no­fa­bri­ca­tion » d’une « post­hu­ma­nité », une nouvelle huma­nité — une forme de surhommes ? — qui serait le fruit de ces évolu­tions scien­ti­fiques et tech­no­lo­giques. Est-ce la solu­tion que nous devrons privi­lé­gier pour sauve­gar­der la vie sur terre, ou aurons-nous le courage poli­tique et la déter­mi­na­tion citoyenne pour agir dès main­te­nant sur notre cadre et notre mode de vie, sans attendre une nouvelle version hybride de trans­hu­mains, une version augmen­tée de nous-mêmes ? 

Certes l’humanité a évolué au fil des millé­naires, et il se peut même que nous n’en soyons qu’au stade de l’enfance de notre évolu­tion. Ceci expli­que­rait alors nos diffi­cul­tés à privi­lé­gier le bien-être univer­sel au chacun pour soi qui carac­té­rise notre modèle capi­ta­liste. Gageons dès lors que dans l’ère post­hu­maine, nous attein­drons cette matu­rité salva­trice, et que nos valeurs de liberté, d’égalité et de soli­da­rité demeu­re­ront les seules règles en vigueur… Espé­rons seule­ment qu’il ne sera pas trop tard pour assu­rer notre survie sur la Terre !

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