• Hervé Persain
    Hervé Persain
    président du Centre d'Action Laïque de la Province de Liège

Le mot du président

Depuis que les hominidés se sont relevés dans la savane est-africaine, leur cerveau s’est développé de manière continue, leur permettant de se servir de leur environnement pour y trouver les premiers outils qui, ensuite, leur permirent d’en fabriquer d’autres, de plus en plus perfectionnés. L’Homo Sapiens Sapiens n’a eu de cesse de perfectionner son habilité de manière à compenser sa relative faiblesse vis-à-vis des animaux et face aux dangers naturels qu’il rencontrait au cours de la courte existence de ses représentants sur la planète. Son évolution naturelle a abouti dans le monde moderne à un tel développement technologique que le cerveau humain a pu se passer d’une évolution propre en passant le relais à une forme d’intelligence externalisée, qui a développé ses capacités de manière exponentielle jusqu’à lui permettre d’agir sur son propre génome. La science permet aujourd’hui à l’Homme de transformer son capital génétique qu’il peut réparer, manipuler ou augmenter… Nous sommes prêts à corriger certaines maladies génétiques, à choisir certaines caractéristiques telles que la couleur des yeux, des cheveux, le sexe de l’embryon ou l’apparence physique des nouvelles générations. La voie vers une forme d’épuration de l’espèce humaine s’ouvre à nous, avec tous les risques éthiques que cela comporte. Les espoirs d’augmentation artificielle de l’intelligence, de la taille, de la force physique ne relèvent plus de la science-fiction.

(…) la maxime « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » de Rabelais n’a jamais été d’une opportunité plus criante.

L’évolution technologique est multiforme. Celle de la cybernétique et de l’informatique, dont la loi de Moore, mesure son doublement de capacité tous les dix-huit mois. Celle des nanotechnologies, qui permettent notamment de nous surveiller et de nous identifier par des implants sous-cutanés. Celle des objets connectés, qui sont susceptibles eux aussi de porter atteinte à notre vie privée. Celle de la robotique et des imprimantes 3D, qui transforment en profondeur notre rapport au monde du travail. Celle de la médecine qui, au-delà des réparations du corps humain et de son amélioration, permettent de prolonger la vie… jusqu’à quel point ? L’augmentation des populations et l’inversion totale de la pyramide des âges auront des conséquences encore non mesurées.

Ces progrès exponentiels font apparaitre un déséquilibre inquiétant entre les pratiques scientifiques et le cadre politique dont on attend qu’il soit en mesure d’imposer une régulation, de poser les bonnes questions sur les plans éthique et socio-économique de cette avancée majeure de l’humanité. L’incidence du progrès des connaissances aux niveaux éthique, politique, économique et spirituel est telle que la maxime « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » de Rabelais n’a jamais été d’une opportunité plus criante. Elle rend plus que jamais incontournable la reprise en main des rênes du pouvoir par le politique et par les citoyens. C’est à ce prix que nous protégerons nos démocraties des extrémités dépeintes déjà dans le Meilleur des Mondes d’Huxley.

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