- Nadine Lino,
présidente fondatrice de Live in Color
Le mieux vivre ensemble, une nécessité
Nadine Lino est présidente fondatrice de Live in Color, une initiative citoyenne qui développe une série de projets liés à l’intégration et l’éducation des enfants d’ici et d’ailleurs, la sensibilisation à la diversité et l’interculturalité et la promotion d’un « mieux vivre ensemble ». Elle nous expose ses démarches et les raisons qui les motivent.
Salut & Fraternité : Le mieux vivre ensemble, c’est un luxe ou une nécessité ?
Nadine Lino : Sans hésitation, une grande nécessité ! Tout le monde est affecté par le vivre ensemble, la cohésion sociale c’est quelque chose de fondamental. Aujourd’hui d’autant plus : quand on est face à des courants politiques ou des plateformes médiatiques qui tentent de faire peur au public avec des questions de différences religieuses ou de couleur de peau.
S&F : Pourquoi ? Le mieux vivre ensemble semble une valeur facile à défendre…
N.L. : La façon dont se libèrent aujourd’hui les discours de haine est inquiétante. Il y a quelques années, les gens étaient gênés de dire qu’ils étaient racistes. De nos jours, c’est devenu banal d’avouer qu’on se méfie des étrangers. Et l’information en continu, les réseaux sociaux montent le moindre incident en épingle. Une liberté d’expression sans limite est plutôt une bonne chose, mais cela a aussi ses revers : permettre la diffusion de fake news qui véhiculent des mensonges sur les étrangers ou l’immigration, ce n’est pas sans conséquence. Après, il faut énormément de travail pour démonter ces mensonges et faire tomber toutes ces fausses croyances.

S&F : Que met en place l’association Live In Color pour promouvoir ce mieux vivre ensemble ?
N.L. : La pierre angulaire de notre démarche c’est l’intégration : le mieux vivre ensemble en découle. Cette intégration, ce n’est pas seulement des obligations institutionnelles, comme apprendre la langue ou trouver un travail. C’est aussi et surtout une réponse citoyenne : on ne s’intègre pas tout seul. Trouver sa place, ça sous-entend qu’en face, une société vous laisse une place, vous tend la main. Par exemple, nous proposons aux citoyens belges de parrainer de jeunes migrants. Il ne s’agit pas d’un acte de principe : les parrains voient leurs filleuls au moins trois demi-journées par mois, ils doivent respecter les valeurs de l’association et nous proposons tout un encadrement pour aborder avec les filleuls et les parrains toutes les phases de l’intégration. Orientation et remédiation scolaire, professionnelle, cours de français, de la permanence sociale et juridique…. On ne veut pas laisser les personnes impliquées seules face à toutes ces questions qui se posent. L’association propose aussi le programme « proprio solidaire », qui permet à qui possède un bien immobilier de le louer à des nouveaux arrivants. Live in Color ne gère pas le bien à sa place mais encadre, aide à la constitution des dossiers, accompagne le propriétaire et le locataire. C’est assez efficace et certains propriétaires ne jurent plus que par nous.
S&F : En ciblant le logement, vous évitez tant la communautarisation que les marchands de sommeil…
N.L. : Exactement. Une de nos fiertés, c’est d’avoir installé deux familles afghanes à Embourg. Malgré quelques inquiétudes a priori, tout se passe très bien avec les voisins : nous avons nous aussi du travail à faire sur nos propres préjugés (rires) ! Et puis le propriétaire aussi devient un citoyen actif, il apprend à connaître son locataire, il y a toute une mécanique positive qui se met en place.
S&F : Vous organisez également des séances de sensibilisation dans les écoles primaires ?
N.L. : Tout à fait, et cela s’adresse autant aux élèves qu’aux professeurs. On ne cherche pas à faire du bon sentiment, mais à être concret, comme comprendre le parcours migratoire. Les enfants sont la plupart du temps très réceptifs, c’est souvent enrichissant pour tout le monde. C’est quelque chose de fondamental, et qui devrait être inscrit au programme scolaire. C’est difficile de travailler le vivre ensemble avec quelqu’un qui, la première fois qu’il voit une personne noire, lui demande « s’il y a des éléphants dans son pays ».
S&F : Votre constat aujourd’hui sur les actions de Live in Color ?
N.L. : 4 500 personnes suivent notre page Facebook et dès qu’on cherche quelque chose, un câble pour charger son ordinateur, un stage, une télévision, c’est résolu en un quart d’heure. C’est magnifique : chacun peut faire un petit geste et tous ensemble, on arrive à quelque chose. Pour moi c’est cela la citoyenneté, et je pense qu’on en a grand besoin aujourd’hui.
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