• Nadine Lino
    Nadine Lino
    présidente fondatrice de Live in Color
Propos recueillis par Gregory Pogorzelski

Le mieux vivre ensemble, une nécessité

Nadine Lino est prési­dente fonda­trice de Live in Color, une initia­tive citoyenne qui déve­loppe une série de projets liés à l’intégration et l’éducation des enfants d’ici et d’ailleurs, la sensi­bi­li­sa­tion à la diver­sité et l’interculturalité et la promo­tion d’un « mieux vivre ensemble ». Elle nous expose ses démarches et les raisons qui les motivent.

Salut & Frater­nité : Le mieux vivre ensemble, c’est un luxe ou une nécessité ?

Nadine Lino : Sans hési­ta­tion, une grande néces­sité ! Tout le monde est affecté par le vivre ensemble, la cohé­sion sociale c’est quelque chose de fonda­men­tal. Aujourd’hui d’autant plus : quand on est face à des courants poli­tiques ou des plate­formes média­tiques qui tentent de faire peur au public avec des ques­tions de diffé­rences reli­gieuses ou de couleur de peau.

S&F : Pour­quoi ? Le mieux vivre ensemble semble une valeur facile à défendre…

N.L. : La façon dont se libèrent aujourd’hui les discours de haine est inquié­tante. Il y a quelques années, les gens étaient gênés de dire qu’ils étaient racistes. De nos jours, c’est devenu banal d’avouer qu’on se méfie des étran­gers. Et l’information en continu, les réseaux sociaux montent le moindre inci­dent en épingle. Une liberté d’expression sans limite est plutôt une bonne chose, mais cela a aussi ses revers : permettre la diffu­sion de fake news qui véhi­culent des mensonges sur les étran­gers ou l’immigration, ce n’est pas sans consé­quence. Après, il faut énor­mé­ment de travail pour démon­ter ces mensonges et faire tomber toutes ces fausses croyances.

Live in Color propose, entre autres, aux citoyens belges de parrai­ner de jeunes migrants. © Live in Color

S&F : Que met en place l’association Live In Color pour promou­voir ce mieux vivre ensemble ?

N.L. : La pierre angu­laire de notre démarche c’est l’intégration : le mieux vivre ensemble en découle. Cette inté­gra­tion, ce n’est pas seule­ment des obli­ga­tions insti­tu­tion­nelles, comme apprendre la langue ou trou­ver un travail. C’est aussi et surtout une réponse citoyenne : on ne s’intègre pas tout seul. Trou­ver sa place, ça sous-entend qu’en face, une société vous laisse une place, vous tend la main. Par exemple, nous propo­sons aux citoyens belges de parrai­ner de jeunes migrants. Il ne s’agit pas d’un acte de prin­cipe : les parrains voient leurs filleuls au moins trois demi-jour­nées par mois, ils doivent respec­ter les valeurs de l’association et nous propo­sons tout un enca­dre­ment pour abor­der avec les filleuls et les parrains toutes les phases de l’intégration. Orien­ta­tion et remé­dia­tion scolaire, profes­sion­nelle, cours de fran­çais, de la perma­nence sociale et juri­dique…. On ne veut pas lais­ser les personnes impli­quées seules face à toutes ces ques­tions qui se posent. L’association propose aussi le programme « proprio soli­daire », qui permet à qui possède un bien immo­bi­lier de le louer à des nouveaux arri­vants. Live in Color ne gère pas le bien à sa place mais encadre, aide à la consti­tu­tion des dossiers, accom­pagne le proprié­taire et le loca­taire. C’est assez effi­cace et certains proprié­taires ne jurent plus que par nous.

S&F : En ciblant le loge­ment, vous évitez tant la commu­nau­ta­ri­sa­tion que les marchands de sommeil…

N.L. : Exac­te­ment. Une de nos fier­tés, c’est d’avoir installé deux familles afghanes à Embourg. Malgré quelques inquié­tudes a priori, tout se passe très bien avec les voisins : nous avons nous aussi du travail à faire sur nos propres préju­gés (rires) ! Et puis le proprié­taire aussi devient un citoyen actif, il apprend à connaître son loca­taire, il y a toute une méca­nique posi­tive qui se met en place.

S&F : Vous orga­ni­sez égale­ment des séances de sensi­bi­li­sa­tion dans les écoles primaires ?

N.L. : Tout à fait, et cela s’adresse autant aux élèves qu’aux profes­seurs. On ne cherche pas à faire du bon senti­ment, mais à être concret, comme comprendre le parcours migra­toire. Les enfants sont la plupart du temps très récep­tifs, c’est souvent enri­chis­sant pour tout le monde. C’est quelque chose de fonda­men­tal, et qui devrait être inscrit au programme scolaire. C’est diffi­cile de travailler le vivre ensemble avec quelqu’un qui, la première fois qu’il voit une personne noire, lui demande « s’il y a des éléphants dans son pays ».

S&F : Votre constat aujourd’hui sur les actions de Live in Color ?

N.L. : 4 500 personnes suivent notre page Face­book et dès qu’on cherche quelque chose, un câble pour char­ger son ordi­na­teur, un stage, une télé­vi­sion, c’est résolu en un quart d’heure. C’est magni­fique : chacun peut faire un petit geste et tous ensemble, on arrive à quelque chose. Pour moi c’est cela la citoyen­neté, et je pense qu’on en a grand besoin aujourd’hui.

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