• Jonathan Piron
    Jonathan Piron
    coordinateur du Centre de recherche et d’étude politique (CREP)

la réhabilitation des communs ?

Face aux agres­sions de l’économie néoli­bé­rale, nombreux sont les projets qui éclosent en vue de proté­ger les ressources et d’envisager une redis­tri­bu­tion non basée sur le profit. La critique du marché n’est cepen­dant pas une des seules moti­va­tions de certains de ces mouve­ments. Face à un État lui-même guidé par des logiques de renta­bi­lité ou par une bureau­cra­tie étouf­fant les commu­nau­tés, des « insti­tu­tions » en viennent à se déve­lop­per pour redon­ner plus de capa­ci­tés aux commu­nau­tés locales. Certaines de ces dernières, sans parfois même le savoir, se retrouvent dans la sphère des Communs1.

Déjà, un Commun doit s’entendre autour du « vivre ensemble » et de la capa­cité qu’ont les citoyens à s’organiser entre eux, pour produire du social, de l’économique, du poli­tique, sans entrer dans des logiques de concur­rence ou d’accaparement.

Ensuite, un Commun peut aussi s’entendre comme forme d’action poli­tique d’une commu­nauté afin de défendre ses inté­rêts. À Naples, des actions collec­tives ont permis d’éviter la priva­ti­sa­tion de la société publique char­gée de la distri­bu­tion de l’eau et d’assurer sa trans­for­ma­tion suivant un mode de gestion « citoyen » fonc­tion­nant suivant les prin­cipes du Commun. Dans d’autres endroits, des commu­nau­tés déve­loppent des projets sociaux et écono­miques touchant un terri­toire plus large qu’une échelle micro-locale, comme à Liège avec la Cein­ture Aliment-Terre Liégeoise (voir ci-dessous) ou EnerGent à Gand, initia­tive dans laquelle des familles cotisent pour la construc­tion d’éoliennes le long de l’autoroute E40.

Les Communs proposent, ainsi, une alter­na­tive qui redonne aux « gens » les moyens d’action et de déci­sion. Ils favo­risent égale­ment les échanges, la confron­ta­tion, le partage, le règle­ment des conflits. Face à des situa­tions poten­tiel­le­ment désta­bi­li­sa­trices, un Commun, correc­te­ment formé, pour­rait déga­ger les moyens paci­fiques de stabi­li­ser une crise frap­pant une commu­nauté déterminée.

Pour y arri­ver, l’importance de l’autonomie est cruciale. Un Commun ne s’impose pas. Il part d’une base exis­tante, d’un terreau social favo­rable qui souhaite aller plus loin et deve­nir « insti­tu­tion ». Sa recon­nais­sance permet aussi une révolution.

Car la mise sur pied d’une société des Communs amène, in fine, une trans­for­ma­tion des sphères exis­tantes du marché et de l’État et un équi­libre de ces deux mondes avec la sphère auto­nome des Communs. Le rôle de l’État reste cepen­dant crucial. Sans ce dernier, ces projets auto­nomes seraient condam­nés à ne rester actifs qu’au niveau local, dans des niches réser­vées à certaines caté­go­ries socio-profes­sion­nelles. Mais ce nouvel État doit deve­nir un parte­naire, via notam­ment l’établissement nouveau de parte­na­riats publics-Communs. Pous­ser plus loin et géné­ra­li­ser ces logiques sont les voies à suivre pour enclen­cher une réelle transformation.


  1. Selon Boiler David, un Commun est une ressource parta­gée, gérée, et main­te­nue collec­ti­ve­ment par une commu­nauté ; celle-ci établit des règles dans le but de préser­ver et péren­ni­ser cette ressource tout en four­nis­sant la possi­bi­lité le droit de l'utiliser par tous.
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