- Jean Faniel,
directeur du Centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP)
L’engagement politique au niveau communal
Jean Faniel est directeur du CRISP, centre indépendant qui a pour objet l’étude de la décision politique. Le CRISP analyse les processus, les acteurs, les élections et le fonctionnement de la société sur les plans politique, économique, social et culturel. Il nous éclaire ici sur le rôle de l’échelon local dans l’engagement politique.
Salut & Fraternité : Au niveau communal, des listes nouvelles « du bourgmestre », « alliance communale » voient le jour. Est-ce que cela joue dans la clarté du débat politique pour les électeurs ?
Jean Faniel : Les élections communales sont les plus proches du citoyen, mais aussi les plus personnalisées. Beaucoup d’électeurs ont tendance à voter pour un ou une candidate en particulier plutôt que pour ses idées ou son affiliation politique. C’est d’autant plus vrai si cette dernière est plus difficile à lire, comme dans le cas d’une liste « Intérêts communaux ». Les élections communales mobilisent certes sur des questions politiques, mais aussi sur les affinités personnelles ou les actions de tel ou tel conseiller communal, échevin ou bourgmestre sortant. Les formes de légitimité peuvent ainsi être d’ordres divers et les priorités des électeurs, très différentes.
S&F : L’engagement politique a‑t-il encore du succès au niveau local ?
J.F. : Au niveau des partis politiques, certains rencontrent des difficultés à recruter des militants et des candidats. Parallèlement cependant, des groupes et des listes nouvelles se mettent en place. Des listes citoyennes, des regroupements, des collectifs s’organisent et ces groupes cherchent à faire de la politique. Ils le font soit comme groupe de pression et de sensibilisation, comme mouvement social, soit sous une forme plus classique en déposant des listes pour les élections. C’est particulièrement vrai au niveau communal car la procédure est relativement aisée. En effet, le nombre de signatures de parrainage d’électeurs pour pouvoir déposer une liste est relativement faible1. Cela permet une participation facilitée de ces groupes nouveaux dans de nombreuses communes.
Au niveau communal, il existe beaucoup de modes d’action qui ne sont pas nécessairement différents de ce qu’on rencontre au niveau provincial, régional ou fédéral. Mais la mise en œuvre y est facilitée par la proximité des sujets et des décideurs. Le citoyen connaît généralement son bourgmestre, ne serait-ce que de nom, et il est plus facile de l’interpeller lui plutôt que le Premier ministre.
S&F : En quoi consiste un tel engagement ?
J.F. : Il ne faut pas réduire la politique communale aux assemblées élues et aux conseillers communaux. Ces dernières années ont été instaurées en Wallonie les interpellations citoyennes du conseil communal par des citoyens qui n’en sont pas membres. Elles sont légalement encadrées. Ainsi, elles sont limitées à certains sujets, elles ne consistent pas en des informations, et donc relèvent bien du domaine de l’interpellation.
Il y a aussi, dans beaucoup de communes, des conseils communaux des enfants, des aînés ou des immigrés. À cela s’ajoute une série d’instances d’avis et de consultation au niveau communal. Elles peuvent être facultatives mais certaines sont requises, comme les commissions consultatives d’aménagement du territoire et de la mobilité (CCATM). Elles peuvent favoriser l’implication citoyenne en confrontant les habitants au débat sur des enjeux publics.
Mais mettre en place des dynamiques participatives relève souvent du poil à gratter. Pour un élu, il n’est pas toujours évident de se lancer dans une forme de démocratie participative. D’autant plus que de telles pratiques remettent en question son propre rôle dans une démocratie représentative.

Au niveau communal, il existe beaucoup de modes d’action qui ne sont pas nécessairement différents de ce qu’on rencontre au niveau provincial, régional ou fédéral. Mais la mise en œuvre y est facilitée par la proximité des sujets et des décideurs. Le citoyen connaît généralement son bourgmestre, ne serait-ce que de nom, et il est plus facile de l’interpeller lui plutôt que le Premier ministre. Même si les moyens de lobbying existent aux différents niveaux de pouvoir, ils sont plus facilement actionnables au niveau communal.
Tout cela sans oublier les mouvements sociaux et leur capacité d’influence des politiques au niveau local. On l’a vu récemment avec l’interpellation des Territoires de la Mémoire afin d’encourager les villes et communes à voter des motions contre le projet de loi instaurant les « visites domiciliaires » ou les interpellations du Centre national de coopération au développement (CNCD) pour que les communes se déclarent hospitalières. Les citoyens, même quand ils ne sont pas élus, peuvent s’inviter dans le débat démocratique. C’est d’autant plus vrai s’ils sont organisés.
- Les présentations de candidats doivent être signées soit par deux conseillers communaux sortants au moins, soit par des électeurs communaux, dont le nombre varie entre 5 pour une commune de moins de 500 habitants, à 100 pour une entité de 20 001 habitants au moins. Source : electionslocales.wallonie.be