• Caroline Sägesser
    Caroline Sägesser
    collaboratrice à l’Observatoire des religions et de la laïcité (Orela)

La religion fait-elle son grand retour en politique ?

Le micro-parti Islam a fait une irruption fracassante dans la scène politico-médiatique belge ce printemps. En 2012, sa participation aux élections communales, soldée par l’élection de deux conseillers communaux, n’avait pas provoqué autant de craintes et de débats. C’est que depuis, une vague d’attentats terroristes meurtriers en Europe ont attisé la peur de l’islamisme. Le programme, mais surtout l’attitude des représentants de ce parti, qui refusent de serrer la main des femmes ou même de les regarder en leur parlant, a suscité une réprobation générale et des volontés d’interdiction de la formation politique. À côté d’autres principes, on a invoqué la laïcité pour justifier cette volonté d’interdiction.


Or, ce principe de laïcité, on le sait, n’est pas formellement inscrit dans notre Constitution ; le débat sur l’opportunité d’une telle inscription est en cours depuis plusieurs années. Avec celui de l’avenir de l’enseignement de la religion à l’école, il constitue un retour de la question philosophique au cœur même du débat politique, qu’elle avait progressivement déserté au cours des décennies précédentes. On peut songer également aux débats autour du port de signes convictionnels, aux mesures prises pour contrer la radicalisation violente et à l’attention portée à l’organisation et au financement du culte islamique, des questions qui témoignent d’une présence du fait religieux au cœur du débat, à la fois public et politique.

Toutefois, cela ne s’accompagne pas d’une réaffirmation d’un ancrage religieux des formations politiques, à l’exception de Islam : la référence aux valeurs chrétiennes n’est plus apparente que dans le nom du CD&V qui n’en fait plus un cheval de bataille.

On observe cependant que le fait religieux bénéficie depuis quelques années d’un renouveau d’attention médiatique. À la visibilité de l’islam a répondu une forme de réaffirmation identitaire catholique, et un nouvel intérêt pour les questions religieuses dans leur globalité, alimenté également par la présence d’une personnalité charismatique sur le trône de Saint-Pierre. On voit des personnalités politiques s’exprimer sur leur foi religieuse. Des questions qui auraient été considérées comme indiscrètes ou inappropriées il y a quelques années sont redevenues légitimes. Toutefois, chaque « profession de foi » d’une femme ou d’un homme politique suscite une levée de boucliers, l’irruption de questions généralement considérées comme relevant de la sphère privée dans le débat public demeurant assez mal considérée par une large fraction de l’opinion publique. Si on assiste donc bien à un retour du religieux en politique, rien n’indique à ce stade qu’il soit porteur au niveau électoral : l’intérêt médiatique est largement responsable de l’attention portée aux questions relatives à la religion des candidats. Ce retour de la visibilité du religieux est ainsi suffisamment perceptible pour soutenir celui de la laïcité au cœur du débat politique…

< Retour au sommaire