• Robert Moor
    Robert Moor
    président du Centre d’Action Laïque de la Province de Liège

Le mot du président

Plaisirs, de lire, d’écouter ou de faire de la musique, de se cultiver ou de cultiver, plaisirs de la table, plaisirs de se promener, de penser, de rire, d’aimer ! Oui, il y a bien des manières de « se faire plaisir ».


« La recherche du plaisir est le but de la vie » , nous dit Freud, mais l’individu est continuellement tiraillé entre ses pulsions, le « ça », qui veut du plaisir sans limites et le « surmoi » qui le rappelle à la raison ; le « moi » est alors le résultat de ce fragile équilibre, une paix relative, une absence de souffrance, mais la frustration n’est jamais bien loin ! Pour Epicure , « le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse ». Pris avec modération, le plaisir est source de bonheur, alors que les excès conduisent à bien des désagréments ; on est loin de la caricature de l’épicurisme qui glorifierait les excès en tout genre ! Ces deux exemples nous montrent que le plaisir se rapporte à l’intime de chaque individu ; c’est donc une notion très subjective.

Mais que vient faire alors la laïcité dans cet « état de contentement » créé par la satisfaction d’un souhait ou d’un désir ? Le mouvement laïque, militant, se référant à la Déclaration universelle des droits de l’homme, aspire à ce que les citoyens soient libres, libres de vivre comme ils le souhaitent, mais la laïcité aspire aussi à ce que les citoyens soient des êtres pensants, responsables, acceptant les contraintes d’une société démocratique, sous la bannière de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité.

Le cadre de vie entre en interaction avec le plaisir de vivre. Faut-il être riche pour être en état de plaisir ; assurément non, mais le pauvre éprouvera bien des difficultés pour trouver du plaisir s’il est pourchassé par la recherche de besoins vitaux de survie ; le vieil adage « il vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade » trouve là toute sa pertinence. Il appartient à l’État de droit, dans notre pays, de veiller à ce que chaque citoyen puisse vivre d’une manière décente, au travers de la Sécurité sociale pour lui permettre d’être en état de plaisir. Hélas, cette vénérable institution est attaquée de toute part par le courant ultralibéral qui voudrait nous plonger dans le sombre modèle individualiste des États-Unis, d’inspiration protestante , qui banalise voire justifie les écarts (prédestination) entre riches et pauvres, entre citoyens autochtones et étrangers.

Autre interrogation : est-ce que la privation partielle ou totale de la liberté de penser et de vivre dans un pays dictatorial autorise encore le plaisir ? Sans doute subsiste-t-il des espaces limités de plaisir mais la fuite des migrants nous en dit long sur le désir, souvent idéalisé d’un ailleurs où le plaisir serait roi.

On le voit, ce concept est vaste et le plaisir ne signifie nullement la recherche de la facilité ; les sportifs, les étudiants savent que pour améliorer leurs performances, leurs compétences, des efforts sont indispensables et cet éditorial en est, modestement,… la parfaite illustration  !

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