- Stéphane Hauwaert,
coordinateur du service Animation
Au cœur de l’action, le plaisir !
Si les valeurs et les combats phares de la laïcité sont le plus souvent identifiés dans la lutte et les revendications, reste que, parmi eux, le plaisir et le bonheur occupent une place importante. Ils prennent même une place prépondérante et pratiquement indissociable des actions locales menées par nos équipes. Et pour cause !
Le cœur de ces actions est bien le « vivre ensemble ». Quoi de plus logique dès lors que le plaisir y soit toujours mis en avant, comme moteur, comme carburant et comme destination. À l’instar de l’amélioration et l’épanouissement personnel comme constitutif de l’amélioration et l’épanouissement collectifs, la recherche et la mise en avant du plaisir dans toutes les composantes de notre vie semblent une évidence. Et pourtant. Le plaisir semble se vendre ; il s’achète également. Mais pourquoi ne pas se le réapproprier ?
C’est un poncif, mais également un constat. L’individualisme, la peur, le repli et le danger sont méticuleusement mis en scène par toute une série d’acteurs de notre société. Par profit souvent, par idéologie parfois. Le résultat est toutefois préoccupant, et éloigne de facto la question du plaisir. Une certaine tradition du culte de l’effort et de la souffrance aussi. En effet, quoi de plus banal que la mise en avant de la souffrance et la pénibilité lorsqu’on parle de « réussite ». L’image de l’expert, mine renfrognée évoquant à quel point le travail de recherche fut difficile sur tel ou tel sujet en est évocatrice. Pourquoi toute tâche, tout travail (sur soi, avec les autres…) devrait-il nécessairement être un poids, une charge ou une souffrance ? Prendre du plaisir à ce que l’on fait, quoi que ce soit que l’on fasse, serait-il suspect ? Ce plaisir serait futile, léger et aux yeux de certains, carrément inutile. Voire une perte de temps, dans une optique où la rentabilité serait le seul objectif. C’est d’autant plus étonnant que nombre d’études et de pratiques ont démontré qu’être heureux et prendre du plaisir dans ce que l’on fait augmente cette sacro-sainte rentabilité ! Mais certains milieux professionnels commencent à en prendre conscience. Pourquoi pas le reste des acteurs de la société ?
Le plaisir semble se vendre ; il s’achète également. Mais pourquoi ne pas se le réapproprier ? (…)
Que ce soit au cours des animations réalisées sur un grand nombre de thématiques, aux Ateliers de la réussite à Seraing, pendant toute la préparation des Fieris Féeries comme au grand jour J de la parade, à tous les étages, le partage de plaisir est omniprésent dans les actions locales. Il permet l’échange, le débat, le respect, la création de dynamiques et de cohésions sociales. C’est en partageant ce sentiment de bonheur qu’une réalisation commune peut se transcender. C’est en vivant ensemble ces moments que l’on s’ouvre aux autres. Il favorise la confiance mutuelle également. C’est loin d’être anodin si l’équipe qui accompagne les habitants de Seraing dans de nombreux projets est appelée l’équipe « Convivialité ». Cette convivialité qui est, elle aussi, constitutive d’une relation sociale épanouie, riche et fertile. Dans la mesure où nous n’attendons pas de vie meilleure au-delà de celle que nous vivons ici et maintenant, il est urgent que cette existence soit au moins un plaisir ! Évidemment, celui-ci n’est pas non plus une obligation ou une injonction. Chacun reste libre de vivre les choses comme il l’entend.

Il en va de même pour l’apprentissage. Le ludique y est la plupart du temps abordé avec, au mieux, de la méfiance et au pire, un rejet sous prétexte de manque de sérieux et de rigueur. Notre pari est justement à l’opposé : le plaisir est sérieux, même s’il ne semble pas se prendre au sérieux ! C’est dans cette optique qu’a vu le jour la conception de l’exposition Les jeux sont faits… pour apprendre ! présentée à Waremme de mars à juin 2018. Le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège y aborde différents types de jeux et pratiques qui permettent l’apprentissage. Au sens large. Loin de présenter la notion comme la panacée universelle, cette exposition entend rappeler ou faire découvrir que le plaisir est également un vecteur surpuissant pour apprendre, partager, évoluer. Seul autant qu’en collectivité. C’est ce que nous désirons démontrer et faire vivre à tous ceux qui décideront de vivre l’expérience de cette nouvelle exposition avec nous.
Pourquoi avoir un travail dans lequel on est heureux et on prend du plaisir ne serait-il pas la norme ? Pourquoi apprendre, vivre en collectivité et s’ouvrir aux autres ne pourrait-il pas être également source de bonheur ? Pourquoi l’effort n’est-il pratiquement jamais associé au plaisir ? Pourquoi ce plaisir prend-il la forme d’une injonction dans certains cas ? Toutes ces questions seraient-elles utopiques ? Ce sont pourtant des notions que l’on peut expérimenter régulièrement et vivre au travers de nombreuses actions que nous menons.
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