Accord de gouvernement : les sans-papiers sont encore une fois méprisé·e·s !

Plusieurs milliers d’hommes, de femmes et d’enfants survivent en Belgique privé·e·s de titre de séjour, souvent depuis de nombreuses années. La crise sani­taire accen­tue encore leur préca­rité, ce qui rend parti­cu­liè­re­ment diffi­cile la mise en œuvre des mesures de préven­tion impo­sées par les auto­ri­tés et les met en danger. Le nouveau gouver­ne­ment s’obstine pour­tant à ne pas les entendre, à n’apporter aucune solu­tion à leur situa­tion et à n’envisager que des mesures d’exclusion et de répres­sion à leur encontre.

Aux quatre coins du pays, les personnes sans papiers sont nos voisin·e·s, nos ami·e·s, les cama­rades de classe de nos enfants. Elles travaillent sur les chan­tiers de construc­tion, dans l’Horeca, dans l’agriculture, fabriquent des masques pour nous proté­ger, partagent notre quoti­dien dans toutes les sphères de la société, parfois même sans que l’on ne sache qu’elles sont « sans papiers ».

La majo­rité d’entre elles sont « employées » dans l’économie infor­melle, où salaires de misère, condi­tions de travail pénibles, voire dange­reuses, horaires dépas­sant les 12 heures de labeur et absence totale de protec­tion sont la norme. Les témoi­gnages d’accidents de chan­tier qui se soldent par des décès ou des handi­caps lourds, sans qu’aucune aide ni compen­sa­tion ne soient accor­dées à la victime ou à sa famille sont nombreux…

Depuis le mois de mars, les mesures de confi­ne­ment ont fait perdre leurs sources de reve­nus à la très grande majo­rité des personnes sans papiers, les plon­geant dans une pauvreté extrême, qui ne leur permet pas de suivre les mesures déci­dées par les auto­ri­tés pour faire face à l’épidémie. Bien que certains droits fonda­men­taux leurs soient recon­nus (dont l’accès à la scola­rité et à la santé), ils se révèlent très diffi­ciles à faire valoir dans la pratique. L’aide médi­cale urgente ne permet pas à elle seule de garan­tir un accès suffi­sant à la santé.

De très nombreuses personnes, isolées ou en famille, n’ont pas d’autre choix que de vivre dans des lieux collec­tifs. Elles y partagent des espaces très réduits, où il est parti­cu­liè­re­ment diffi­cile de respec­ter les mesures de distan­cia­tion physique, ou de « bulle sociale restreinte ». Diffi­cile égale­ment de consa­crer une part d’un budget déjà insuf­fi­sant à l’achat de gel hydro­al­coo­lique, ou de masques à usage unique…

Des études univer­si­taires montrent pour­tant que les personnes sans papiers contri­buent à l’économie de l’ensemble de la société. Une fois régu­la­ri­sées, elles parti­cipent au finan­ce­ment des pensions et à la sécu­rité sociale ce qui, d’un point de vue stric­te­ment écono­mique, permet­trait d’aider à surmon­ter la crise actuelle.

De nombreuses voix se sont levées ces derniers mois pour soute­nir les appels des sans-papiers : des membres du monde acadé­mique ont rédigé des propo­si­tions, des villes et des communes ont voté des motions de soutien à la régu­la­ri­sa­tion, des acteurs du secteur du sans-abrisme, des méde­cins de l’Institut de Méde­cine tropi­cale d’Anvers, des viro­logues, des commu­nau­tés reli­gieuses… ont inter­pellé les autorités.

Et ? Rien. Les personnes sans papiers sont toujours igno­rées, lais­sées pour compte, mépri­sées. Pour seule réponse, le nouveau gouver­ne­ment mentionne dans son accord qu’elles seront « inté­grées dans la stra­té­gie globale de dépis­tage des auto­ri­tés fédé­rales et des enti­tés fédérées ».

Le gouver­ne­ment annonce la construc­tion de nouveaux centres fermés et l’augmentation des retours forcés. La « commis­sion Bossuyt » propose d’allonger la peine de prison liée au séjour irré­gu­lier de 3 mois à 1 an. Dans ce contexte, comment le gouver­ne­ment peut-il imagi­ner que les personnes sans papiers vont oser se signa­ler pour être « inté­grées dans la stra­té­gie globale de dépis­tage » ? Comment peut-il penser qu’un tracing sera effi­cace en l’absence de garan­ties contre les risques d’arrestation et d’expulsion ?

L’épidémie de coro­na­vi­rus est une circons­tance parti­cu­liè­re­ment excep­tion­nelle, qui devrait être prise en compte dans le cadre des demandes intro­duites sur base de l’article 9bis de la loi de 1980 et justi­fier l’octroi d’un titre de séjour aux personnes qui en sont privées. Il est urgent de leur permettre de sortir de la grande préca­rité, de mener une vie digne, d’être en mesure de se proté­ger et de proté­ger les autres.

En s’y refu­sant, le gouver­ne­ment hypo­thèque la santé de l’ensemble de la popu­la­tion vivant en Belgique, en privi­lé­giant des enjeux poli­tiques parti­sans aux dépens de l’intérêt géné­ral. Ce n’est pas acceptable.

Signa­taires :

AFICo asbl, Agir pour la paix, Amitié sans fron­tières – Vriend­schap Zonder Gren­zen, ASBL Les Nouveaux Dispa­rus, BESP – Bureau d’étude des sans-papiers, Bruxelles Laïque, Cabi­net d'avocats du Quar­tier des Liber­tés (Bruxelles), CAI – Centre d'Action Inter­cul­tu­relle de la province de Namur, CBCS – Conseil bruxel­lois de coor­di­na­tion socio­po­li­tique, Centre Cultu­rel Educa­tif Vervié­tois, Centre d’Action Laïque de la Province de Liège, Centre de Média­tion des Gens du Voyage et des Roms en Wallo­nie, Centre Social Protes­tant Bruxelles, Cepag vervié­tois, CeRAIC – Centre Régio­nal d’Action inter­cul­tu­relle du Centre, CIMB – Centre Inter­cul­tu­rel de Mons et du Bori­nage, CINL – Centre pour Immi­grés Namur Luxem­bourg, CIRÉ, CNCD 11.11.11, Collec­tif Char­le­roi soli­da­rité migrant·e·s, Collec­tif des Afghans sans papiers, Collec­tif Forma­tion Société (CFS asbl), Collec­tif Lati­nos Por la Regu­la­ri­za­ción, Collec­tif liégeois de soutien aux sans-papiers, Collec­tif Migrant Libre, Collec­tif Vervié­tois de Soutien aux Sans-Papiers, Comité des femmes sans-papiers, Coor­di­na­tion des Sans-Papiers de Belgique, Coor­di­na­tion Wallonne des Migrants en Tran­sit, CRACPE – Collec­tif de Résis­tance Aux Centres Pour Etran­gers, CRIBW – Centre Régio­nal d'Intégration du Brabant-Wallon, CRIC – Centre Régio­nal d'Intégration de Char­le­roi, CRILUX – Centre Régio­nal d'Intégration de la province du Luxem­bourg, CRIPEL – Centre Régio­nal pour l’Intégration des Personnes Etran­gères ou d’origine étran­gère de Liège, CRVI – Centre Régio­nal de Verviers pour l'Intégration, CSC Bruxelles, CSC Natio­nale, Editions du Ceri­sier, Equipes Popu­laires Verviers, Espace 28, Espace Seniors asbl, Fede­raal ABVV – FGTB Fédé­rale, Fédé­ra­tion des Services Sociaux, Femmes Prévoyantes Socia­listes, FGTB Bruxelles, FGTB Namur, FGTB Verviers, FGTB Wallonne, Front social-climat "Rendre Visible l'Invisible", Groupe montois de Soutien aux Sans-Papiers, House of compas­sion – Begi­jn­hof­kerk, Jeunes FGTB Verviers, JOC Verviers, L’école des soli­da­ri­tés, La Belle Diver­sité, La Voix des Sans Papiers Bruxelles, La voix des sans papiers de Liège, La Voix des Sans-Papiers de Verviers, Le Lama asbl, Le Monde des Possibles, Ligue Bruxel­loise pour la Santé Mentale, Ligue des Droits Humains, Lire et Ecrire Verviers, Maison du Peuple d’Europe, Marche des Migrant·e·s de la Région du Centre, Milady Renoir, poétesse soli­daire de la lutte des sans-papiers, Mouve­ment Ouvrier Chré­tien, MRAX, PAC Namur, PAC Verviers, Plate­forme Citoyenne @Bxlrefugees Burger­plat­form, Plus tôt te laat, Point d'appui, Présence et Action Cultu­relles, Projet « Y'en a marre !!! », Réseau ADES, Réseau d'Aide aux Toxi­co­manes, Revert, RWLP – Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, Sans-Papiers TV, sans​pa​piers​.be, Scrip­ta­Li­nea aisbl, Smes asbl, SOS Migrants, Vie Fémi­nine.

Publié le 30/11/20