• Sylvie Lausberg
    Sylvie Lausberg
    directrice de la cellule Étude & Stratégie du Centre d‘Action Laïque

Marche arrière de l’Europe ? Droits devant !

Depuis la Seconde Guerre mondiale, les législations européennes ont poursuivi des objectifs d’égalité entre les femmes et les hommes. Aujourd’hui, l’Europe fait pour la première fois machine arrière. L’heure a sonné de reprendre la lutte !


Pourtant, en février 2010, même les députés conservateurs du Parti populaire européen avaient voté en faveur du rapport Tarabella sur l’égalité entre les femmes et les hommes qui prévoyait la réduction de la violence envers les femmes, la lutte contre les stéréotypes sexistes, la réduction de l’écart salarial et un accès aisé à la contraception et à l’avortement. Depuis, ce mouvement qui semblait continu vers une société progressiste subit reculades et attaques, déjà fatales à de nombreuses femmes de l’Union.

Les plus graves concernent la santé reproductive des Européennes : aux quatre pays membres qui continuaient à interdire l’avortement1, s’ajoutent maintenant la Hongrie peut-être bientôt l’Espagne et la Lituanie, alors qu’en Italie, ce sont de très nombreux médecins qui refusent de le pratiquer. Ces restrictions sont soutenues par des groupes de pression idéologiques, comme en témoigne l’ampleur de l’initiative européenne pour faire primer le « droit à la vie d’un embryon2 » sur la décision des femmes et le droit des couples à la planification familiale.

CC-BY-NC-SA Flickr.com – European Parliament

Ces retours en arrière sur les droits reproductifs et sexuels se prolongent « naturellement » par des attaques concomitantes sur leurs autres acquis égalitaires conquis après des siècles de luttes humanistes et féministes. De fait, nos législations nationales sont mises en péril par un vaste mouvement réactionnaire, au premier rang duquel on trouve les partis d’extrême-droite de mieux en mieux représentés, mais aussi des conservateurs bien-pensants dont le sexisme s’exprime désormais sans honte.

Profitant des incertitudes politiques et surtout économiques, la volonté d’affaiblir les droits des femmes européennes s’exerce à tous niveaux.

Financièrement, ce sont elles qui ont payé le plus lourd tribut à la crise3.

Politiquement, leur sous-représentation s’aggrave et alarme le nouveau président de la commission : pour rappel, AUCUN pays membre n’avait, dans un premier temps, proposé de femme à un poste de commissaire4 !

Socialement, l’assignation à la maternité et les entraves au développement professionnel sont renforcées par des législations liberticides sur la contraception et l’avortement ainsi que, entre autres, par un recul de la loi sur les congés parentaux5.

Pire encore, ces atteintes à l’intégrité morale et à l’émancipation des femmes européennes se doublent d’un contexte généralisé de violences qui sapent leurs droits fondamentaux à la dignité, à l’accès à la justice et à l’égalité des sexes6 : un tiers des Européennes a, depuis l’âge de 15 ans, subi des violences sexuelles et/ou physiques, et une sur cinq a fait l’objet d’un harcèlement criminel. Le constat officiel de ces violences directes, systématiquement sous-déclarées, doit servir de tremplin à une réaction déterminée, concertée et étendue aux autres discriminations.

Le Centre d’Action Laïque, membre du Conseil Fédéral de l’Égalité ainsi que du conseil d’administration du CFFB7, continue et continuera à lutter pour garantir et étendre les droits des femmes, contrer les initiatives réactionnaires, soutenir les associations de terrain progressistes et interpeller les instances et représentants politiques. Ces combats au niveau européen nous concernent toutes et tous, parce que nous défendons l’égalité, la liberté et l’émancipation, parce que l’égalité des femmes et des hommes constitue un baromètre du niveau de démocratie de notre pays et de l’Europe en train de se construire… avec nous.


  1. Irlande, Malte, Chypre et la Pologne.
  2. « One of us », pétition signée par plus de deux millions d’Européens, suite à un vaste mouvement organisé notamment à travers paroisses et évêchés, mais finalement rejetée par la Commission.
  3. http://www.effat.org/fr/node/10953
  4. http://www.euractiv.com/sections/eu-priorities-2020/juncker-wants-more-women-new-commission-team-303388 )
  5. http://www.womenlobby.org/news/ewl-news/article/threats-to-withdraw-the-maternity ?lang=en
  6. http://fra.europa.eu/en/publication/2014/vaw-survey-main-results
  7. Conseil des Femmes Francophones de Belgique
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