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Michaël Van Cutsem,
directeur de recherche et responsable du pôle prospective de l'Institut Destrée
Le Territoire apprenant, une ambition politique ?
Le pôle prospective de l’Institut Destrée s’intéresse à l’avenir du projet régional de la Wallonie mais aussi d’autres territoires en Europe. Dans toute démarche de prospective, la participation de l’acteur, quel qu’il soit, est souhaitable et souhaitée. L’organisation des Fieris Féeries prouve que l’on peut aussi mobiliser et intégrer le citoyen dans un projet pour son territoire.
Salut & Fraternité : Pour vous, quel est le rôle du politique dans la démarche du territoire apprenant ?
Michaël Van Cutsem : On peut constater que les acteurs de terrain mettent en place des initiatives innovantes, en travaillant notamment à l’échelle locale, dans les quartiers, avec les plus jeunes. Le politique pourrait favoriser davantage ce genre d’approche en créant les conditions adéquates, en donnant des moyens aux acteurs. Mais son rôle ne doit pas être déterminant dans l’émergence des idées et dans la créativité nécessaire à la maturation des projets. Il faut souvent plus de temps qu’une législature pour récolter les fruits, à long terme, de démarches qui permettent au territoire de devenir apprenant puisqu’il s’agit de travailler à l’émergence et à la consolidation d’un socle de compétences collectif. Est-ce que le politique peut en espérer un retour sur investissement à court terme ? C’est impossible.
S&F : Quels seraient les avantages pour le politique local à s’investir dans ce genre de projet ?
M.V.C. : Pour un bourgmestre ou un échevin, il est plus cohérent d’initier une démarche et d’assurer une forme de continuité dans la durée.
Il est ainsi face à des problèmes qu’il peut aborder par le biais de l’individu, de l’apprentissage et de l’éducation. À terme, les efforts entrepris sont socialement « rentables ». Au niveau régional, le concept d’éducation permanente pourrait être rafraîchi via un cadre, un décret, qui permettrait la participation et l’intégration des acteurs associatifs et de terrain dans des projets de société et de territoire.
(…) l’enjeu majeur [des Fieris féeries] reste celui de l’exister, du vivre ensemble par une appropriation du territoire et l’intégration des personnes issues des différents groupes socioculturels qui y agissent et peuvent vivre une expérience positive commune en s’appropriant ou en se réappropriant leur ville et ses enjeux d’avenir.
S&F : Dans le cadre de votre travail de prospective, quel regard portez-vous sur l’organisation des Fieris Féeries ?
M.V.C. : C’est un très beau projet. C’est la concrétisation d’une réflexion de long terme qui permet de projeter le territoire à un certain horizon et d’identifier très concrètement ce qui peut faire sens pour le citoyen. Ce projet les implique. Ils apprennent par eux-mêmes. On est dans cette logique de territoire apprenant : réflexion, et ensuite action en articulation avec la réflexion.
S&F : Quels sont, pour vous, les enjeux majeurs des Fieris Féeries ?
M.V.C. : Je pense que l’enjeu majeur reste celui de l’exister, du vivre ensemble par une appropriation du territoire et l’intégration des personnes issues des différents groupes socioculturels qui y agissent et peuvent vivre une expérience positive commune en s’appropriant ou en se réappropriant leur ville et ses enjeux d’avenir. Derrière tout cela, il y a également des enjeux d’apprentissage, mais par le projet et l’action.
S&F : Quelle pourrait être la suite des Fieris Féeries ?
M.V.C. : La suite, cela pourrait être une réplique, puis une troisième édition, une quatrième,… Il y aurait une forme de répétition de l’événement avec l’installation d’une tradition et d’une pédagogie. Le succès de l’événement va déterminer sa capacité à se reproduire et à continuer de mobiliser.
S&F : Les Fieris Féeries peuvent être un tremplin pour autre chose que ce soit au niveau individuel ou au niveau collectif ?
M.V.C. : Au niveau individuel, c’est un projet exaltant pour celui ou celle qui le mène. Pour un public à la recherche d’emploi, à la recherche d’ancrages, ce type de projet donne de l’énergie et l’envie d’avancer par la suite. Il faudrait trouver un moyen de valoriser cet acquis en termes de compétence.
Au niveau individuel, c’est un projet exaltant pour celui ou celle qui le mène. Pour un public à la recherche d’emploi, à la recherche d’ancrages, ce type de projet donne de l’énergie et l’envie d’avancer par la suite.
Au niveau collectif, il faut voir si le projet va faire bouger le territoire, s’il va créer une réflexion critique et permettre l’installation de réseaux de travail plus transversaux, plus audacieux, en termes de collaborations et de partenariats.
S&F : La reconnaissance, la valorisation du citoyen et du quartier que peut faire émerger ce genre de projet, est-ce là que se situe le rôle du politique ?
M.V.C. : Personnellement, je mettrais en garde par rapport à une forme de récupération politique. L’enjeu politique des Fieris Féeries, c’est de parler à tout le monde et pas uniquement à une certaine famille politique ou à une certaine classe sociale. La légitimation du politique peut intervenir sous forme de soutien, de maintien des conditions favorables à la création du projet et de reconnaissance des efforts accomplis. Mais cela doit rester un projet pluraliste et multidisciplinaire.
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