• Uliana Ortega Milan
    Uliana Ortega Milan
    militante au sein du Comité Ni Putes Ni Soumises de Liège
  • Thierry Delaval
    Thierry Delaval
    président de la Fédération Arc-en-Ciel

Sexisme et homophobie, regards croisés

À Liège, le comité Ni Putes, Ni Soumises s’est constitué en 2007 autour d’une série de revendications dont la première est la garantie de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, avec comme point de mire la construction d’une nouvelle mixité basée sur le respect de tous. Arc-en-Ciel Wallonie est la fédération wallonne des associations LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuel-le-s et Transgenres). Créée en 2007, elle a pour mission d’accompagner la structuration de ses associations membres et d’assurer la défense des droits des personnes LGBT et leur émancipation.

Salut & Fraternité : À Ni Putes, Ni Soumises Liège vous précisez souvent lors de vos animations en classes que les deux insultes qui ressortent majoritairement dans les cours de récréation sont « Pute » et « PD ». Est-un signe de l’état de notre société ?

Uliana Ortega Milan (NPNS) : Ce sont des insultes qui touchent au rôle des genres, à une norme d’inspiration judéo-chrétienne qui dit qu’un couple doit être composé d’un homme et d’une femme.

Thierry Delaval (Arc-en-Ciel Wallonie) : En ce qui nous concerne, l’insulte « PD » n’est pas en recrudescence. Elle a toujours été extrêmement présente. Des études ont relevé l’occurrence d’insultes à caractère homophobe dans les écoles : chaque jour, un jeune gay est susceptible de recevoir 80 messages dénigrants par rapport à sa sexualité (ou sa sexualité supposée). Par contre, par rapport aux années 70, notre époque s’apparente à une période de contre-réforme, avec un retour au contrôle social. Les crises économiques successives ne sont d’ailleurs pas étrangères à cette situation, avec notamment les phénomènes de replis identitaires.

Toute une série de stéréotypes sont d’ailleurs inculqués dès la maternelle : le rose et la poupée pour les filles, le bleu et les camions pour les garçons… Dès qu’un garçon s’intéresse de trop près aux poupées, il provoque une inquiétude dans son entourage.

S&F : Quel est votre point de vue en ce qui concerne les stéréotypes sur les femmes et ceux sur les homosexuels?

U.O.M. : Nous sommes cantonnés dans des rôles. Une femme doit être sexy, jolie… Dans le cas contraire, « c’est une lesbienne ». D’ailleurs, lors de nos animations, la remarque est fréquente. Toute une série de stéréotypes sont d’ailleurs inculqués dès la maternelle : le rose et la poupée pour les filles, le bleu et les camions pour les garçons… Dès qu’un garçon s’intéresse de trop près aux poupées, il provoque une inquiétude dans son entourage. C’est pourtant à cet âge que commence à se structurer l’imaginaire de l’enfant. C’est donc à ce moment que l’égalité devrait se construire, et l’école joue un rôle important dans ce processus.

T.D. : La première source de stigmatisation est un certain écart vis-à-vis du modèle dominant. C’est même parfois très mal ciblé. Certains garçons et filles sont suspectés d’être homos simplement parce qu’ils ou elles sont plus androgynes. La stigmatisation vis-à-vis des homosexuels ne va donc pas toucher que les personnes homosexuelles. Par ailleurs, la bipolarisation des rôles concourt au couple hétérosexuel. S’il y a une chose que le jeune gay ou la jeune lesbienne va ressentir, c’est son décalage personnel par rapport à l’enfermement dans ces rôles préconçus.

S&F : Qu’en est-il des violences ?

U.O.M. : Je ne sais pas s’il y a une recrudescence des violences faites aux femmes. Aujourd’hui, il y a une information sur le sujet, les gens savent qu’elles sont condamnables. Mais lors de nos rencontres avec des ados, nous constatons qu’ils ont tendance à banaliser cette violence, notamment dans le couple. Dans les écoles, les jeunes filles partagent avec nous leur appréhension à s’habiller en jupe pour éviter les remarques désobligeantes. C’est une question de banalisation des actes sexistes.

T.D. : Les agressions contre les gays ont toujours existé, mais restaient méconnues parce qu’elles se passaient sur des lieux de drague clandestins. Les victimes étaient des proies faciles, des personnes qui éprouvaient des difficultés à porter plainte et afficher ainsi leurs pratiques sexuelles. Ce qui est nouveau, c’est une agression dans la rue dont les causes restent à analyser : sont-elles dues à leurs préférences sexuelles ou résultent-elles d’autres facteurs ?

Le féminisme et la défense des droits des personnes homosexuelles se retrouvent sur pas mal de choses. Tout sexisme est de l’hétérosexisme. C’est en fait le même phénomène qui s’exprime dans des dimensions multiples et variées.

S&F : Qu’est-ce que le féminisme et la défense des droits des personnes homosexuelles peuvent apporter à la société dans son ensemble ?

U.O.M. : Le féminisme concourt à faire réfléchir et surtout à changer les mentalités. Nous ne nous battons pas pour le droit des femmes mais pour apporter un plus à cette égalité homme/femme. Le rôle des associations féministes est là : combattre les inégalités.

T.D. : Le féminisme et la défense des droits des personnes homosexuelles se retrouvent sur pas mal de choses. Tout sexisme est de l’hétérosexisme. C’est en fait le même phénomène qui s’exprime dans des dimensions multiples et variées.


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