• Christelle Damoiseaux
    Christelle Damoiseaux
    assistantes sociales du Centre
  • Magali Vanstiphout
    Magali Vanstiphout
    animatrices du Centre

Il est du ressort de l’adulte de donner des repères

Salut & Fraternité : Le 27 juin 2012, la commission Education du Parlement approuve à l’unanimité le décret-mission EVRAS (Education à la vie relationnelle, sexuelle et affective) initié par la Ministre Simonet. Pouvez-vous nous le présenter en quelques mots ?

La Famille Heureuse : Il s’agit d’inscrire l’EVRAS dans les objectifs généraux de l’enseignement fondamental et secondaire. Tout établissement scolaire a dès lors l’obligation de prendre des initiatives en la matière. Chaque école a néanmoins une autonomie d’action en fonction du projet pédagogique, et devra rendre rapport tous les trois ans sur les initiatives qu’elle aura prises.

S&F : La Fédération des centres de planning familial des Femmes Prévoyantes Socialistes, la Fédération Laïque des centres de planning familial et le Centre d’Action Laïque « se sont réjouis » de ce projet de décret. Concrètement, cela a-t-il amené du changement dans votre travail ?

F.H. : Oui! Dans le cadre de ce projet de décret, nous avons en effet eu la possibilité d’engager une éducatrice afin d’établir de nouvelles collaborations avec les écoles et d’agir avec et pour un plus grand nombre de jeunes. Nous espérons que le décret EVRAS pourra améliorer les conditions et la reconnaissance d’un travail que nous défendons, non sans mal, depuis plus de 40 ans.

(...) nous pensons que notre position d’intervenant externe à l’établissement scolaire, peut favoriser la liberté de paroles des jeunes mais leur permet également de bénéficier de notre expertise et de notre expérience quotidienne de travail en éducation affective et sexuelle.

S&F : Comment sont organisées les animations ? Le projet est-il étalé sur plusieurs années ? Par quel biais rentrez-vous dans les écoles ?

F.H. : Il n’y a pas vraiment de schéma type. En fonction des établissements scolaires, la demande peut émaner soit de la direction, soit des centres PMS-PSE (NDLR : Centres psycho-médico-sociaux et Centres pour la Promotion de la santé à l’école), de professeurs ou suscitée par nos soins. Le cadre et la méthodologie sont négociés avec tous les acteurs concernés. Notre souhait est d’intégrer les animations dans un projet global de santé à plus long terme, malheureusement nous répondons encore très souvent à des demandes ponctuelles. Néanmoins, nous touchons +/- 6000 jeunes de 10 à 25 ans par an, avec comme priorité l’information et le partage de leurs intérêts, leurs ressentis et leurs questionnements dans le domaine de la vie affective et sexuelle.

S&F : Les animations EVRAS sont-elles données par d’autres acteurs de terrain que les centres de planning familial ?

F.H. : Oui, notamment par des professionnels de la santé concernés par cette thématique (PMS-PSE,...) et le corps enseignant. Toutefois, nous pensons que notre position d’intervenant externe à l’établissement scolaire, peut favoriser la liberté de paroles des jeunes mais leur permet également de bénéficier de notre expertise et de notre expérience quotidienne de travail en éducation affective et sexuelle.

S&F : Libérer la parole, oui mais est-ce vraiment le cas lors d’une animation en groupe ?

F.H. : Le groupe, comme toute méthode, a des avantages et des inconvénients. Il peut être un miroir, un paravent, impressionner, démystifier, faciliter ou non la parole…L’idéal serait de mener des groupes dont les participants se sont choisis. L’idéal n’étant pas la réalité ! Il est du ressort de l’animateur d’instaurer un climat de confiance et de respect au sein du groupe. L’animation en EVRAS est une approche, une source de réflexion et d’information parmi tant d’autres (sexologue, médias, éducation parentale, entourage, livres, …) que le jeune peut saisir pour se construire, et qui peut l’aider à pousser la porte du planning en cas de besoin.

L’homosexualité masculine dérange plus souvent que l’homosexualité féminine, peut-être perçue davantage comme correspondant à un phantasme, à la sensualité. C’est d’ailleurs une représentation que la pornographie se plaît à cultiver.

S&F : Constatez-vous une évolution de mentalité chez les jeunes par rapport à la sexualité ?

F.H. : Nous avons le sentiment que les questionnements des jeunes restent les mêmes, mais l’accès aux images est plus aisé. La moyenne d’âge de la première relation sexuelle est toujours située autour des 16 ans. L’adolescence amène son lot de curiosités, pas plus ni moins qu’avant. Il est peut-être du ressort de l’adulte de donner des repères, poser des garde-fous et permettre au jeune une utilisation intelligente des médias. Dans notre pratique, nous accordons un point d’orgue à solliciter la réflexion et l’esprit critique sur leur vie affective et sexuelle dans le contexte actuel.

S&F : Et qu’en est-il de l’homosexualité chez les jeunes ? Comment la perçoivent-ils ?

F.H. : On ne peut bien sûr pas généraliser : certains jeunes font preuve de tolérance et de respect vis-à-vis du public homosexuel, d’autres non. L’homophobie reste encore d’actualité en 2012 et peut encore susciter des propos ou des actes virulents. Pour certains, il s’agit peut-être plus d’une incompréhension et d’un rejet de la différence que d’une réelle peur. L’homosexualité masculine dérange plus souvent que l’homosexualité féminine, peut-être perçue davantage comme correspondant à un phantasme, à la sensualité. C’est d’ailleurs une représentation que la pornographie se plaît à cultiver. Vivre librement son homosexualité reste encore et toujours un long combat à mener…


Entretien avec

Christelle Damoiseaux

Magali Vanstiphout

Plus de trente ans d’animations à la vie affective, relationnelle et sexuelle…

La Famille Heureuse de Liège, créée en avril 1964, est le premier centre de plan­ning fami­lial wallon !

Il est agréé par le Service public de Wallo­nie et a pour mission d’organiser des consul­ta­tions psycho­lo­giques, sociales, médi­cales et juri­diques, d’informer sur de nombreux aspects de la vie affec­tive et sexuelle, d’aider les personnes dans les problèmes d’infertilité, de contra­cep­tion, les femmes enceintes en diffi­cul­tés, de four­nir une infor­ma­tion juri­dique en matière de droit fami­lial, d’assurer l’éducation et l’information des adultes et des jeunes dans le domaine de la vie affec­tive et de la parenté responsable.

La Famille Heureuse de Liège est égale­ment affi­liée à la Fédé­ra­tion Laïque des Centres de Plan­ning Fami­lial. Les centres travaillent en englo­bant tous les acteurs de la société y compris les exclus en reje­tant tout dogma­tisme et toute discri­mi­na­tion avec le but de défendre une société démo­cra­tique, juste et égali­taire. Conscients qu’au 21e siècle dans notre société, l’égalité des droits entre l’homme et la femme, la liberté indi­vi­duelle vis-à-vis de la concep­tion, la vie rela­tion­nelle et sexuelle libre et harmo­nieuse sont loin d’être acquises, nous sommes allés à la rencontre de Chris­telle Damoi­seaux et Magali Vans­ti­phout, assis­tantes sociales et anima­trices du Centre, pour qu’elles nous parlent de leur travail quoti­dien d’animation.

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