- Christelle Declercq,
enseignante-chercheure en psychologie du développement - Danielle Moreau,
chargée de mission à l’égalité entre les femmes et les hommes
La construction de l’identité sexuée entre influences naturelles et culturelles
En grandissant, l’être humain se constitue une identité propre qui comporte, en plus des caractéristiques comme les traits de personnalité, les caractéristiques liées au genre ou sexe. Les psychologues parlent de construction de l’identité sexuée, pour mettre l’accent sur l’idée que cette identité s’élabore à partir des caractéristiques biologiques, sociales mais aussi psychologiques, l’individu s’appropriant (ou non) les normes culturellement définies pour son genre.
Si cette identité se constitue jusqu’à l’adolescence, les expériences réalisées en psychologie montrent que cette construction s’enracine dans des compétences cognitives et sociales présentes, chez la plupart des personnes, dès les premiers mois de vie. Ainsi, entre 2 et 5 mois, les bébés sont capables de différencier les hommes des femmes sur la base de caractéristiques typiques telles que la voix ou le visage puis d’associer entre elles ces caractéristiques. Au cours de la deuxième année, les enfants apprennent à exprimer ces caractéristiques dans leur vocabulaire. Par exemple, vers 24 ou 30 mois, ils connaissent les mots référant au genre (madame, monsieur,…) et peuvent dire si une personne est un homme ou une femme. Parallèlement, ils découvrent les comportements et rôles typiques de chaque genre.
Les caractéristiques physiques des femmes et des hommes sont différentes et les rôles des femmes et des hommes sont encore souvent répartis de manière spécifique dans la société. Les enfants perçoivent très tôt ces différences et s’en servent pour construire les stéréotypes de genre qui en retour influencent la construction de l’identité sexuée.
Prenant peu à peu conscience qu’il est lui-même une fille ou un garçon, l’enfant développe aussi des comportements et des préférences typiques de son genre. Ainsi, dans une expérience, dès 12 mois, les garçons regardaient plus longtemps des images de voitures que les filles et, à l’inverse, les filles regardaient plus longtemps les images de poupées que les garçons. Ces données sont interprétées comme reflétant des préférences différentes. Lorsque les enfants grandissent, ces préférences s’accentuent et ils ont aussi tendance à développer des comportements normatifs en encourageant les autres enfants à choisir des jouets typiques de leur genre. La pression de l’entourage pour que les enfants se conforment aux normes sociales étant souvent plus forte pour les garçons, ces préférences sont plus marquées chez les garçons. Cette ségrégation qui s’observe également dans le choix des partenaires de jeux, apparaît dans la petite enfance, se renforce ensuite et perdure jusqu’à l’adolescence.
Cette identité sexuée est couramment attribuée à des causes biologiques, génétiques ou hormonales. Si ces causes ont sans doute un rôle important, on sait aussi maintenant que l’environnement social d’un enfant (famille, école, médias,…) oriente le développement de son identité sexuée dans le sens masculin ou féminin. Par exemple, la plupart des parents différencient l’environnement physique des filles et des garçons (aménagement de la chambre, choix des vêtements ou des jeux). Les attitudes et les attentes de l’entourage des enfants sont souvent différentes à l’égard des filles et des garçons. Il est probable que ces attentes différentes se perpétuent dans des comportements différenciés. Les enfants sont en outre en permanence immergés dans un environnement sexué. Les caractéristiques physiques des femmes et des hommes sont différentes et les rôles des femmes et des hommes sont encore souvent répartis de manière spécifique dans la société. Les enfants perçoivent très tôt ces différences et s’en servent pour construire les stéréotypes de genre qui en retour influencent la construction de l’identité sexuée. De même, les discours que les enfants entendent véhiculent, explicitement ou implicitement, de tels stéréotypes. à titre d’illustration, on a pu démontrer que des parents lisant un livre à leurs enfants, tout en rejetant les stéréotypes de genre, les véhiculaient implicitement en mettant l’accent sur telle caractéristique de tel personnage (ex : c’est une femme, elle a du rouge à lèvres). Les enfants s’appuient sans doute sur ce type de propos pour construire leur représentation de ce qu’est une fille ou un garçon et, du même coup, leur identité propre.

L’identité sexuée se construit donc à partir de déterminants biologiques et de l’environnement social, sachant que certains enfants ne suivront pas la trajectoire généralement suivie par les enfants de leur âge et ne s’approprieront pas les stéréotypes de genre de la même manière. Pour autant, le sexe/genre est une dimension tellement prégnante dans notre environnement que l’adhésion (ou la non adhésion) aux rôles et aux valeurs typiques de notre genre fait partie intégrante de la construction de notre identité.
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