• Philippe Artois
    Philippe Artois
    coordinateur du service éducation permanente de l’asbl Tels Quels

La Belgique, terre de plein droit pour les LGBT ?

En juin 2006, lorsqu’est acquis le droit pour les couples gays et lesbiens de pouvoir adop­ter, notre pays rejoint le club très sélect des États qui octroient l’égalité des droits civils, fami­liaux et sociaux à cette commu­nauté, encore pour­chas­sée dans un tiers des pays membres de l’ONU (plus de 80) et condam­née à mort dans huit d’entre eux (Mauri­ta­nie, Nige­ria, Soudan, Arabie Saou­dite, Yémen, Émirats Arabes Unis, Afgha­nis­tan, Iran et le Nord du Pakistan).

En revanche, désor­mais, six pays dans le monde accordent aux gays et aux lesbiennes le droit de se marier, d’adopter des enfants et d’être proté­gés contre les discri­mi­na­tions. Outre la Belgique, ce sont les Pays-Bas, l’Espagne, le Canada, l’Afrique du Sud (seul pays au monde où la non discri­mi­na­tion est inscrite dans la consti­tu­tion) et la Norvège, ainsi que certains terri­toires d’Australie, des États-Unis ou d’Argentine.

C’est malheu­reu­se­ment l’épidémie du sida qui a provo­qué un chan­ge­ment radi­cal dans les reven­di­ca­tions du mouve­ment LGBT (lesbiennes, gays, bis, trans), en faisant glis­ser du droit indi­vi­duel et de la recon­nais­sance en tant que citoyen égali­taire vers des demandes de droit fami­lial. Le sida sépa­rant de manière brusque, sans qu’ils y soient prépa­rés, des parte­naires de vie, plon­geant le survi­vant dans des problèmes fami­liaux, admi­nis­tra­tifs et affec­tifs parfois épou­van­tables. En consé­quence, à partir de la fin des années 80, le mouve­ment LGBT exige la recon­nais­sance civile et sociale des couples.

CC-BY-NC-SA Flickr​.com – William Hamon

Les premières propo­si­tions de loi en matière de recon­nais­sance du couple gay ou lesbien vont appa­raître. Le débat commence vrai­ment à prendre corps au Parle­ment au début des années 90, avec un texte écrit par des juristes de Tels Quels. Mais, il faudra attendre la fin de la décen­nie pour que la loi sur la coha­bi­ta­tion légale soit votée. Elle ne sera réel­le­ment d’application qu’après le chan­ge­ment de gouver­ne­ment et l’arrivée de la majo­rité arc-en-ciel.

Dès lors, les choses vont aller très vite. En quelques mois, commence un débat parle­men­taire qui abou­tira à l’ouverture du mariage pour les couples gays et lesbiens en 2003, un débat sans heurts, sans Bible. Un an après, dans le cadre de la réforme du droit inter­na­tio­nal privé, la Belgique ouvre ce droit aux ressor­tis­sants étran­gers vivant sur son sol ou dont le parte­naire vit en Belgique.

En 2006, le Parle­ment ouvre le droit à l’adoption pour les couples gays et lesbiens. Égale­ment dans un débat public bien préparé et qui n’a suscité que peu de contro­verses. Pour les asso­cia­tions LGBT, il s’agissait de mettre fin à une discri­mi­na­tion qui frap­pait les enfants élevés au sein de ces couples (plus de 25.000 enfants en 2006 en Commu­nauté française).

En ce qui concerne la lutte contre les discri­mi­na­tions, il n’y a pas une loi mais trois : une contre le racisme, une contre le sexisme (et les ques­tions de genres et donc de trans­genres) et enfin une contre les autres formes de discri­mi­na­tions. Alors que le légis­la­teur belge a donné un outil extra­or­di­naire de lutte contre les discri­mi­na­tions, il en a main­tenu une au sein de celles-ci.

En ce qui concerne la lutte contre les discri­mi­na­tions, il n’y a pas une loi mais trois : une contre le racisme, une contre le sexisme (et les ques­tions de genres et donc de trans­genres) et enfin une contre les autres formes de discri­mi­na­tions. Alors que le légis­la­teur belge a donné un outil extra­or­di­naire de lutte contre les discri­mi­na­tions, il en a main­tenu une au sein de celles-ci. Aujourd’hui, le racisme et le sexisme restent des discri­mi­na­tions nobles contre lesquelles il faut se battre, tandis que les autres ne sont que de second ordre. Ainsi, les propos sexistes ou racistes peuvent être pour­sui­vis péna­le­ment, ce qui n’est pas le cas pour les injures à l’égard des homo­sexuels, des malades ou des handi­ca­pés. Cette distinc­tion-là est une discrimination.

Si on peut consi­dé­rer, aujourd’hui, que les gays et les lesbiennes sont égaux en droits, tant civils que fami­liaux, pour les trans­genres, ce n’est pas du tout le cas. Certes une loi règle certaines ques­tions au niveau de la trans­sexua­lité, notam­ment en termes de prise en charge des actes médi­caux et psychia­triques ou de chan­ge­ment d’état civil. Mais il reste beau­coup de ques­tions sans réponses, que ce soit pour les trans­genres qui ne souhaitent pas se faire opérer, que ce soit pour les trans­sexuels qui ne dési­rent pas être psychia­tri­sés, pour les inter­sexués qui ne veulent pas ou ne peuvent pas choi­sir, et là, notre pays est à la traîne, de nombreux pays sont beau­coup plus loin en termes de droits indi­vi­duels, civils et sociaux pour toutes ces personnes. Par contre, certains pays comme Cuba ou le Népal acceptent la notion de « 3e sexe » sur les papiers d’État civil.

Et l’avenir ? Se pose la ques­tion de l’élargissement de ces droits à l’ensemble de l’Europe, permettre la libre circu­la­tion de ces couples (c’est-à-dire que les couples restent mariés) et de leurs droits paren­taux. Mais il faut égale­ment rester vigi­lant car un retour en arrière est toujours possible, comme les débats en France ou en Espagne nous le montrent…

Tels Quels est une asso­cia­tion de lesbiennes, de gays, de bisexuel-le‑s et de trans, créée pour accueillir, écou­ter, infor­mer, réorien­ter, aider à s’épanouir toute personne concer­née direc­te­ment ou indi­rec­te­ment par l’homosexualité, préoc­cu­pée par son orien­ta­tion sexuelle ou par son iden­tité de genre.

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