• Nadia Geerts
    Nadia Geerts
    maître–assistante en philosophie

D’où vient le regard moral sur la sexualité ?

Les textes fondateurs des grandes religions du livre partent d’un même présupposé, selon lequel l’homme et la femme auraient été créés par Dieu, différents et complémentaires, dans le but d’assurer la reproduction de l’espèce humaine. Dans cette optique, homme et femme ont donc pour mission de réaliser le projet divin, et non de se réaliser eux-mêmes.

Complémentarité

Derrière cette conception à première vue anodine des rapports homme/femme se cache une essentialisation de chacun, qui fige homme et femme dans des rôles déterminés. La complémentarité, ce n’est pas l’égalité, comme en témoigne par exemple le développement récent du « féminisme islamique » qui prétend que les différences entre hommes et femmes, si elles ne sauraient justifier leur inégalité en droit, fondent cependant leurs différences de rôles sociaux. On trouve le même type de discours au sein des mouvements chrétiens conservateurs, qui tout en louant les vertus typiquement féminines que seraient la patience, la douceur, la tendresse, l’amour maternel, l’abnégation, etc., refusent pour cette raison-même le droit aux femmes d’accéder à des rôles traditionnellement masculins, car elles s’éloigneraient par là de leur « nature », autrement dit du projet que Dieu a conçu pour elles.

C’est ainsi que Leïla Babès (NDLR : sociologue des religions spécialisée dans les relations entre Islam et laïcité) écrit : « Aucune perversion, aucun crime sexuel (…) ne représente un tabou aussi fort que la transgression de la différence entre le masculin et le féminin. (…) le Prophète a maudit les femmes garçonnes et les hommes efféminés. C’est pourquoi aux différences biologiques entre l’homme et la femme doivent correspondre des différences de rôles et de fonctions, et par-dessus tout, une nette différenciation physique et vestimentaire ».

Reproduction

La sexualité, dans une optique religieuse, a le plus souvent pour but la reproduction de l’espèce. Singulièrement, dans le christianisme, la sexualité est perçue comme un pis-aller, et le mariage comme une manière de rendre acceptable l’activité sexuelle. L’idéal, c’est l’union – chaste, évidemment – avec Dieu, mais « la chair est faible, hélas » comme l’écrivait Mallarmé. Aussi faut-il canaliser les pulsions sexuelles en leur assignant un cadre et un objectif qui les dépassent, à savoir la reproduction de l’espèce.

La sexualité, c’est aussi ce qui nous rappelle notre animalité. Or, dans une perspective religieuse, l’homme ne saurait être un animal comme les autres, dès lors qu’il a été privilégié par Dieu. Il s’agit donc qu’en toute circonstance, il s’éloigne du stupre et de la fornication, qui constituent sa part bestiale religieusement inacceptable.

Finalement, le regard moral sur la sexualité dépend fondamentalement de la réponse que l’on donne à la question du sens de la vie sur terre. À cet égard, les réponses religieuses – sédimentées dans la culture – diffèrent radicalement d’une réponse libre-exaministe, qui placerait au centre la recherche de la réalisation individuelle, du bonheur et du plaisir.

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