- Philippe Draize,
président de l’Action Laïque et Libre Pensée de Huy et sa région (ALPHER)
Quelques réflexions personnelles à propos des cérémonies…
Chaque vie est unique. Mais toutes ont quelque chose en commun : elles démarrent par une naissance et se terminent par un décès. Les circonstances varient évidemment d’un individu à l’autre, mais il est clair qu’il y a un moment dont nous avons conscience, celui de l’existence humaine entre naissance et mort. De ce temps de vivre dont nous avons conscience, nous pouvons dire qu’il est constitué de journées qui se succèdent, certaines sans relief, ou rien de spécial n’est à signaler ou à retenir, et d’autres qui sortent de l’ordinaire parce qu’elles marquent un événement qui concerne non seulement un individu en particulier mais aussi son entourage et ses connaissances, parce que cet événement rythme le temps et deviendra un repère pour la mémoire.
Ces événements, parmi les plus importants dans une existence humaine, justifient évidemment l’organisation de cérémonies, non seulement pour affirmer leur solennité mais aussi pour rappeler les valeurs qui en donnent le sens. Tous les courants de pensée le proposent, avec un cadre et un contenu particulier et parfois dans un lieu particulier. Et c’est normal puisque tous les êtres humains, quels qu’ils soient, ressentent naturellement les moments heureux ou pénibles auxquels ils sont confrontés. Tous ont des sentiments et ont envie de les exprimer. C’est le cas aussi des athées, des agnostiques, des non-croyants.
Le point de départ des cérémonies laïques est, faut-il le rappeler, lié aux funérailles et à une indignation, légitime, par rapport à une attitude méprisante, incompréhensible et insupportable qu’avait au 19e siècle la toute puissante Église catholique, apostolique et romaine, qui refusait de manière définitive et sans appel, une sépulture correcte à celles et ceux qui n’étaient pas des catholiques pratiquants. Et c’était le cas aussi pour les artistes, les divorcés, les suicidés, les prostituées, et d’autres catégories encore de personnes.
Le point de départ des cérémonies laïques est, faut-il le rappeler, lié aux funérailles et à une indignation, légitime, par rapport à une attitude méprisante, incompréhensible et insupportable qu’avait au 19e siècle la toute puissante Église catholique, apostolique et romaine, qui refusait de manière définitive et sans appel, une sépulture correcte à celles et ceux qui n’étaient pas des catholiques pratiquants.
Il est vrai que l’Église, à ce moment, avait toujours le monopole de la gestion des cimetières, privilège qu’elle n’a perdu en Belgique qu’en 1971, au moment où cette responsabilité a été confiée aux administrations communales. C’est la raison pour laquelle les associations de libres penseurs du 19e siècle se sont mobilisées pour organiser des cérémonies correctes et des moments d’hommage aux défunts. Parce que tout décès interpelle surtout les survivants, les proches, à la fois pour la douleur et le chagrin de la perte et de la séparation, mais aussi parce qu’il nous rappelle notre propre mortalité. Et donc, la cérémonie, si elle rend hommage à la personne qui vient de disparaitre, elle s’adresse surtout aux survivants et elle participe à ce que l’on appelle le « travail de deuil ».
Notons aussi la dernière évolution marquante en date, le décret adopté par la Région wallonne, sous l’impulsion du ministre Philippe Courard et qui réforme fondamentalement les funérailles et sépultures, ouvrant le droit, pour chacune et chacun, de faire enregistrer de son vivant à l’administration communale, non seulement son choix de sépulture (inhumation ou incinération), mais aussi la cérémonie de funérailles. Et cela, y compris pour les indigents qui, jusque là, étaient « condamnés » au cercueil de sapin inhumé dans la fosse commune.
Rappelons-nous, quand même, que c’est l’incendie de l’Innovation de Bruxelles qui est à l’origine de la constitution du Centre d’Action Laïque. Parce qu’encore une fois, à l’époque, pourtant pas si éloignée de nous, seule avait été organisée une chapelle ardente, comme si toutes les victimes de ce dramatique incendie étaient nécessairement croyantes et catholiques pratiquantes.
Reste alors à évoquer un autre type de cérémonies : les hommages collectifs aux victimes d’accidents, de génocides. Rappelons-nous, quand même, que c’est l’incendie de l’Innovation de Bruxelles qui est à l’origine de la constitution du Centre d’Action Laïque. Parce qu’encore une fois, à l’époque, pourtant pas si éloignée de nous, seule avait été organisée une chapelle ardente, comme si toutes les victimes de ce dramatique incendie étaient nécessairement croyantes et catholiques pratiquantes. L’urgence à gérer l’émotion importante que l’événement avait suscité n’avait, pour une fois, pas écarté de l’hommage celles et ceux qui, isolément, n’auraient pas été admis dans les cimetières pour les raisons évoquées plus haut, mais il y avait quand même là une assimilation récupérante dont le seul but était d’affirmer le monopole d’un seul courant de pensée en Belgique, alors que, à l’époque déjà, plusieurs religions étaient reconnues. Cette tendance est toujours persistante actuellement et ce ne serait que normal d’attendre des pouvoirs publics d’identifier, dans chaque ville et dans chaque commune, un endroit neutre, c’est-à-dire autre que celui consacré aux rites de la religion qui se veut largement majoritaire.
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