• France Arets
    France Arets
    militante et porte-parole du Collectif de Résistance Aux Centres Pour Étrangers (CRACPÉ)

Un droit d’asile à géométrie variable ?

La guerre en Ukraine nous a renvoyés vers un passé que l’on ne croyait plus possible : un conflit en Europe, des bombardements, des villes, des villages détruits, des milliers de morts, des millions d’exilés… Les gouvernements de l’Union européenne ont organisé une solidarité que l’on ne peut qu’approuver : un statut de protection temporaire valable un an est mis en place, renouvelable un an minimum. Grâce à ce statut, les Ukrainiennes et Ukrainiens arrivés en Belgique obtiennent tout de suite un titre de séjour avec le droit au travail ou à l’aide sociale.

Soulignons que l’immense majorité d’entre eux sont hébergés chez des particuliers, solidaires.

On pourrait pourtant se demander pourquoi d’autres candidats réfugiés en Belgique ne bénéficient pas des mêmes avantages. Ils nous disent : pourquoi sommes-nous dans une autre situation ?

Parce que nous ne sommes pas blancs ? Parce que nous ne sommes pas Européens ? Parce que les réalités de nos pays lointains sont méconnues ? Par exemple un Camerounais venant de la partie sud-ouest du pays, victime d’une guerre menée par le gouvernement central et son armée, se demande pourquoi cette guerre-là n’est pas reconnue (Le Soir, 18 mai 2022). On peut lire aussi un article qui explique que l’on n’a pas encore statué sur le sort de plusieurs milliers d’Afghans, etc. On pourrait citer beaucoup d’autres exemples.

Dans tous les cas, on constate la longueur des procédures d’asile ou de protection internationale, parfois des années, avec une attente dès la toute première étape qui consiste à pouvoir faire sa demande au Petit-Château à Bruxelles… Finalement, ce sont 60 % de demandeurs de protection internationale qui sont déboutés (statistiques 2019) et se retrouvent « sans-papiers » !

D’un côté, on s’indigne de la guerre en Ukraine et, de l’autre, on nie le droit d’asile, on enferme dans des centres fermés pour étrangers ceux qui ont été déboutés de leur demande.

Les centres fermés, prisons qui cachent leur nom, ont été créés pour enfermer les personnes n’ayant pas obtenu de titre de séjour afin de les expulser avec violence. Ces personnes résident souvent en Belgique depuis plusieurs années et y ont construit leur vie. C’est le renvoi vers les insécurités qu’elles ont fuies.

En Belgique, six centres fermés enferment plus de 8 000 personnes chaque année. Le secrétaire d’État Sammy Mahdi a annoncé l’ouverture de quatre nouveaux centres, avec des propos que l’on aurait pu mettre dans la bouche du Vlaams Belang, lors de l’émission Matin Première du 23 mars, assimilant les personnes sans-papiers concernées à des personnes criminelles ! Objectif : 1 145 places en centres fermés au lieu des 751 actuelles, dans le but d’augmenter le nombre d’expulsions forcées (coût : 100 ­millions !).

Pourtant, l’accueil des Ukrainiens et Ukrainiennes en est la preuve : les moyens sont disponibles pour accueillir. Par ailleurs, une régularisation des sans-papiers, réfugiés d’hier, doit être mise à l’ordre du jour !

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