Interdictions des sorties culturelles pour les secondaires: une carte blanche du secteur

Réagissant à l’annonce par la ministre Caroline Désir de l’interdiction de sorties culturelles pour les secondaires, pour une période indéterminée, de nombreux acteurs du monde culturel signent ensemble une carte blanche.

L’annonce, par la ministre de l’Education Caroline Désir, de l’interdiction des sorties culturelles dans l’enseignement secondaire, pour une durée indéterminée, a suscité stupeur et incompréhension d’un secteur culturel déjà bien sinistré. A l’initiative des Grignoux à Liège, plus de 100 institutions, artistes et autres acteurs du secteur signent une carte blanche sur ce sujet. Du cinéma aux arts plastiques en passant par le théâtre, les centres culturels, les bibliothèques, l’éducation permanente, les musiques ou encore la musique, tous les secteurs y sont représentés. En voici le texte :

Les lieux culturels doivent faire partie de la vie scolaire !

La Ministre de l’Éducation Caroline Désir vient d’annoncer les mesures concernant la rentrée scolaire dans le secondaire. Parmi ces mesures, la suspension de toutes « les activités extra-muros (excursions, visites culturelles…) » !

Si l’on peut comprendre que le contexte actuel impose une prudence sanitaire générale, cette fermeture de l’école sur elle-même est préjudiciable à plus d’un titre.

D’abord pour les élèves eux-mêmes. De manière simpliste, beaucoup pensent sans doute qu’il faut « rattraper le temps perdu », mais ce n’est certainement pas en pratiquant des apprentissages à marche forcée qu’on améliorera les acquis des élèves, surtout des plus faibles d’entre eux. Les apprentissages doivent s’équilibrer avec des moments plus récréatifs, plus libres, plus divertissants qui permettent néanmoins d’acquérir des compétences de manière spontanée et intuitive.

En outre, la culture est une nouvelle fois considérée comme un luxe, un accessoire sans grande utilité. Or, les études en pédagogie montrent bien les avantages multiples que les enfants et adolescents tirent d’une fréquentation régulière et assidue du monde culturel dans ses multiples dimensions. Ce sont des compétences qui s’acquièrent de façon multiforme et qui s’exercent ensuite tout au long de la vie. Malheureusement, les élèves socioculturellement défavorisés seront les premières victimes de cette fermeture de l’école et de l’absence de toute sortie culturelle qui devrait leur permettre d’accéder à des univers trop souvent étrangers comme le théâtre, le cinéma, l’opéra, les musées, les centres culturels… Un apprentissage strictement scolaire ne remplacera jamais la fréquentation régulière de ces lieux.

Pour le monde culturel et ses acteurs, une telle interdiction est évidemment une catastrophe puisque la dimension éducative et la rencontre avec le jeune public constituent des axes essentiels de leurs activités. Beaucoup de ces lieux travaillent depuis plusieurs mois sur des programmations qui se retrouvent aujourd’hui sans aucun public !

Enfin, comment ne pas voir dans cette mesure des craintes irrationnelles quant à la sécurité sanitaire des lieux « extérieurs » à l’école. Or, celle-ci n’est évidemment pas plus protégée de la pandémie que les organismes culturels. Depuis la fin du confinement, cinémas, théâtres, salles de spectacle, musées, centres culturels ont adopté des mesures sanitaires strictes : la capacité des salles est ramenée à 30 %, elles ne peuvent pas accueillir plus de 100 personnes, le port du masque y est obligatoire, les endroits susceptibles d’être contaminés sont régulièrement désinfectés… Il est donc absurde de penser que les lieux culturels, qui accueillent déjà du public depuis la fin du déconfinement, sont plus risqués que les écoles. Aucun exemple de cluster n’a été attribué à ces lieux.

La survie du monde culturel déjà bien mis à mal par les contraintes nées de la pandémie est en jeu : cette nouvelle mesure aussi contraignante qu’absurde prive de nombreux acteurs culturels non seulement de leur public mais du sens même de leur action !

Lien vers la carte blanche dans le journal Le Soir.

Publié le 21/08/20