Nous, citoyen.ne.s, nous soutenons ce combat.
Médecins, sages-femmes, infirmier·e·s et psychologues, accueillant.e.s, travailleur.euse.s du social et de la santé, tous les jours, nous accompagnons des femmes. Aujourd’hui, nous prenons la parole pour défendre leurs droits. Nous demandons l’accès pour toutes, sans distinction, au droit à l’avortement jusqu’à 18 semaines de gestation.
Jamais il n’a été question d’être pour ou contre l’avortement. Juste de laisser le choix à la femme de décider de manière libre et éclairée ce qu’elle juge le mieux pour elle. Notre travail : les accompagner au mieux dans ce choix. Sans jugement. Sans chercher à justifier. Sans y trouver de bonnes ou de mauvaises raisons, quel que soit le choix posé en définitive. Notre rôle n’est pas d’encourager à avorter (1).
L’interruption volontaire de grossesse (IVG) est un débat de santé publique. Un acte médical pas anodin. Beaucoup d’autres actes médicaux ne sont pas anodins. Garder un fœtus et vivre tout sa vie avec un enfant non désiré, non plus. La loi ne les encadre pour autant pas aussi durement que pour l’IVG. Et aucun d’entre eux n’est assorti de sanctions pénales. Ne banalisons pas l’avortement. Normalisons-le. Ni plus, ni moins.
Nous soutenons l’extension du droit à l’IVG jusqu’à 18 semaines, parce que nous sommes à l’écoute de chacun·e qui se trouve, à un moment donné de sa vie, dans une situation qui lui est propre. La contraception n’est pas fiable à 100%, même correctement prise. 58% des femmes qui ont recours à l’avortement sont sous contraception (2). La prise en continu d’une contraception hormonale peut supprimer totalement les règles. Parfois, la femme enceinte continue à les avoir. Le déni de grossesse est aussi une réalité. Constatons-le : la grossesse est un moment propice au déclenchement des faits de violences conjugales. Du temps peut être nécessaire pour réaliser qu’on ne souhaite pas donner naissance dans un contexte familial violent.
Garantir un meilleur accès à l’avortement en permettant d’interrompre sa grossesse au-delà des 12 semaines et en diminuant le délai d’attente à 48h, implique un élargissement du droit et non une injonction à avorter plus tard ou plus vite (3). Personne ne sera obligé de prendre sa décision en 48h et chaque femme indécise pourra prendre le temps nécessaire à sa réflexion. Augmenter le nombre de semaines permettra même un temps de réflexion plus confortable qu’un avortement dans l’urgence d’un délais légal réduit. À l’inverse, celles déjà bien décidées ne devront plus patienter dans le stress et l’inconfort de porter une grossesse non désirée encore plusieurs jours, symptômes physiques compris. Le cheminement psychologique de la prise de décision de garder ou d’interrompre sa grossesse ne débute pas lors de la rencontre avec le médecin mais bien lors de la découverte de la grossesse.
Aucune femme ne sera obligée d’attendre la 18ème semaine pour avorter. Une fois qu’elle découvre sa grossesse, aucune femme ne reporte sa décision d’interruption par distraction, manque de temps, encore moins par plaisir. Cela relève du fantasme et constitue un jugement infantilisant à leur encontre.
Seules 3% des femmes (4) ne peuvent bénéficier de ce droit à l’avortement en Belgique à cause de ce délai de 12 semaines. Pour nous, c’est une inégalité de droit à la santé. Elles doivent payer jusqu’à plusieurs milliers d’euros pour aller à l’étranger et le suivi médical post-IVG se complique.
Alors plutôt que de restreindre le droit des autres, il est de notre devoir de professionnel.le.s de la santé et du social de plaider pour que l’État garantisse ce droit à la santé, à la santé sexuelle et reproductive – et donc à l’IVG – au plus grand nombre. Il appartiendra après à chacun.e de nous, médecins et personnel soignant, de faire valoir sa clause de conscience individuelle. Personne ne sera forcé de participer à un avortement. La loi actuelle le garantit et personne ne la remet en question.
Souvent, nous entendons les femmes qui le souhaitent nous dire qu’interrompre leur grossesse a été un soulagement. Parfois, le choix de l’avortement n’est pas évident. Nous plaidons pour un accompagnement psycho-social de qualité avant et après celui-ci, si les femmes le souhaitent. Car poursuivre une grossesse non souhaitée dans une situation de vie inappropriée n’est pas plus simple. Se rendre à l’étranger parce que leur pays élude le problème, est encore moins simple. C’est pour elles une violence dont nous ne voulons plus êtres les complices.
Sur le plan physique, une IVG réalisée dans de bonnes conditions, garanties par la loi, n’implique pas de conséquences aussi graves que certains le prétendent. Aujourd’hui, avorter dans de bonnes conditions est moins risqué qu’accoucher et surtout moins risqué que d’avorter clandestinement (5).
Oui, il faut aussi que tout le monde (6), à tous âges, bénéficie d’une Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) neutre et complète pour leur permettre de vivre une sexualité responsable. Responsable ne signifie pas culpabilisante. C’est être correctement informé.e pour pouvoir décider de sa vie sexuelle dans le respect de celle des autres. Recourir à l’avortement lorsqu’on estime que les conditions ne sont pas réunies est un acte de parentalité responsable.
Voilà pourquoi nous soutenons la proposition de loi en discussion à la Chambre et appelons les député.e.s de tous bords démocratiques, représentant.e.s de la population belge, à la voter.
Le débat est mûr. Ce sujet est sur la table des législateurs depuis plusieurs années. Cette proposition est le fruit d’une collaboration large notamment avec le secteur médical, féministe, associatif, académique – notamment via les auditions réalisées en 2018 – qui travaillent en première ligne avec les personnes concernées. Dire que chacune de leurs diverses réalités n’a pas été prise en compte est un mensonge. Rien n’empêchera celles qui le veulent de poursuivre une grossesse inattendue. Et nous les soutiendrons dans cette décision. Autant que nous soutiendrons celles qui choisiront de ne pas la poursuivre. Laissons le choix aux femmes !
(1) Dans les centres de planning familial wallons, par exemple, en
2018, sur 5 femmes ayant formulé une demande d’IVG, une ne l’interrompra
finalement pas.
(2) L’OMS a estimé que même avec une contraception correctement prise ou
utilisée, il y aurait 5,9 millions de grossesses non-désirée chaque
année.
(3) Intervention de Martin Winckler lors du colloque « Contraception et
IVG, cherchez le lien », Charleroi, le 26 septembre 2019.
(4) Chiffre Luna, 2018 : 3% des personnes qui se présentent dans un
centre d’IVG en Flandre ont atteint 12 semaines. L’évolution montre
plutôt que les femmes viennent de plus en plus tôt dans la grossesse
demander une IVG. Les femmes avortent en moyenne (toujours selon LUNA) à
7 semaines de grossesse.
(5) Les taux de mortalité le prouvent : 0,1 à 0,4/100 000 jusqu’à 12
semaines et de 1,7 à 8/100 000 jusqu’à 18 semaines . Contre 6 à 30/100
000 pour les accouchements . En l’absence de loi, ce taux monte à
100/100 000 pour les IVG réalisées clandestinement. Unsafe abortion :
unnecessary maternal mortality.Haddad LB, Rev Obstet Gynecol. 2009
(6) L’âge moyen des femmes qui demandent un IVG est de 27 ans.