Éduquons à la pensée rationnelle

Du 12 octobre 2019 au 2 février 2020, le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège accueillera à La Cité Miroir l’exposition Darwin, l’original consa­crée à ce person­nage à la fois célèbre et méconnu qu’est Charles Darwin, le père de la théo­rie de l’évolution.

Au-delà du portrait de natu­ra­liste, biolo­giste scien­ti­fique reconnu, se profile un huma­niste, un anti-escla­va­giste et un pion­nier de l’éthologie animale et humaine, pour qui l’empathie et la colla­bo­ra­tion étaient égale­ment le résul­tat de l’évolution.

Aujourd’hui, Darwin est devenu dans l’histoire des sciences, au-delà de ses théo­ries et de sa personne, un symbole. Au même titre que d’autres grands scien­ti­fiques et cher­cheurs qui, à un instant T de l’histoire, ont été consi­dé­rés comme les insti­ga­teurs d’avancées consi­dé­rables. La théo­rie de l’évolution et de l’origine des espèces est, encore aujourd’hui, incon­tour­nable dans la compré­hen­sion de ce qu’est deve­nue la science moderne. Si de nos jours, bien évidem­ment, les concep­tions ont évolué, reve­nir sur ces théo­ries, leur contexte et l’impact qu’elles ont eu sur notre société, comme à l’époque où elles ont été formu­lées, reste passionnant.

Aujourd’hui, Darwin est devenu dans l’histoire des sciences, au-delà de ses théo­ries et de sa personne, un symbole. (…)

Une expo­si­tion pour inter­ro­ger notre rapport aux sciences et aux croyances

Mais au-delà du darwi­nisme et de son évolu­tion jusqu’à nos jours, le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège inter­roge notre rapport aux sciences, aux croyances et à la ratio­na­lité. Il propo­sera, en complé­ment, l’exposition Tous croyants ? et des anima­tions en lien avec les deux expositions.

La vision progres­siste, et réso­lu­ment axée sur une amélio­ra­tion des connais­sances du monde qu’il défend, veut qu’au-delà de garan­tir à tous une vie digne, le prin­cipe de laïcité doit permettre l’accès au plus grand nombre aux outils qui permettent l’autonomie de conscience et de choix. La rencontre des idées, le débat respec­tueux des personnes ne peuvent en faire l’économie.

De nos jours, nous devons faire face à ce que Gérald Bron­ner appelle une « déré­gu­la­tion du marché de l’information » et à une réalité média­tique au sens large qui tend à privi­lé­gier l’immédiat et l’émotionnel plutôt que des analyses ration­nelles. Plus que jamais, l’association est parti­sane d’une éduca­tion aux fonda­men­taux de la pensée critique. S’armer de libre examen revient égale­ment à faire preuve de patience, dans un contexte où sont plébis­ci­tées les réac­tions à chaud, la tenta­tion d’explications simples et simplistes à des problèmes très complexes, où la simpli­fi­ca­tion du slogan séduit plus qu’un déve­lop­pe­ment rigoureux.

Tous croyants ? consti­tue la suite logique à l’exposition L’expérience critique en appro­fon­dis­sant encore la ques­tion de l’esprit critique. Sommes-nous, au final, chacun à notre niveau, tous croyants ? Comment tenter de s’en éman­ci­per ? En toute humi­lité, notre réflexion est à mi-chemin entre la philo­so­phie et les avan­cées scien­ti­fiques en socio­lo­gie, mais aussi en sciences cogni­tives. Elle s’enracine dans l’acceptation de la part chao­tique de toute chose, et dans le refus de consi­dé­rer une vérité quelle qu’elle soit en dehors de la possi­bi­lité de la preuve de son contraire. Rappe­ler les fonde­ments de la pensée ration­nelle et de la méthode scien­ti­fique nous paraît crucial.

Le « connais-toi toi-même », attri­bué à Socrate (au départ inscrip­tion au fron­tis­pice du temple de Delphes que Socrate reprend à son compte) figure parmi les plus connues des grandes phrases philo­so­phiques. Elle est effec­ti­ve­ment bien placée dans une démarche libre exami­niste de compré­hen­sion du monde. Comment comprendre celui-ci et la collec­ti­vité sans commen­cer par soi-même ?

« Libres, ensemble » est le slogan du Centre d’Action Laïque. La recherche de la liberté ne passe-t-elle pas égale­ment par la compré­hen­sion des méca­nismes qui nous guident, nous aident à comprendre mais aussi, parfois, nous aveuglent ? En avoir conscience, les accep­ter : cela ne peut-il pas être un bon départ pour l’ouverture et la compré­hen­sion de l’autre ? Le « vivre ensemble » est non seule­ment éminem­ment souhai­table, mais clai­re­ment inévi­table. Contrai­re­ment à ce que de trop nombreux sonneurs de glas de nos valeurs veulent démon­trer. Le repli iden­ti­taire et les réflexes de rejet sont autant de néga­tions d’une vision critique mesu­rée de notre monde, de la société, et, osons-le, de l’avenir commun.

L’opposition « science et croyance » est vieille de plusieurs siècles. Mais toujours d’actualité. Une défiance de plus en plus marquée d’une part du public à l’égard du consen­sus scien­ti­fique est aujourd’hui palpable. Un retour à la crédu­lité et à des chimères égale­ment. Cette crédu­lité, d’aucuns l’ont bien comprise et en jouent tous les jours : publi­ci­taires, commer­çants, marchands de certi­tudes ou de déve­lop­pe­ment person­nel, pseu­dos­ciences… mais aussi mouve­ments poli­tiques surfant sur la vague de perte de repères appa­rents. Quand toute opinion ou croyance est appa­rem­ment mise sur le même pied que tout fait, il y a de quoi perdre ses repères sans notion de base méthodologique.

Nous sommes cepen­dant tous au centre de la pièce qui se joue. Chacun à notre niveau, nous avons la possi­bi­lité d’influer sur notre milieu. Nous éduquer, nous armer dans ce monde complexe est proba­ble­ment la première pierre à poser dans ce vaste chan­tier pour l’émancipation autant indi­vi­duelle que collective.

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La pratique scientifique pour cultiver l’esprit critique