• Gérard Cobut
    Gérard Cobut
    biologiste, muséologue, président de l’association des professeurs de biologie Probio

Créationnisme en classe : patience, dialogue et mises au point

L’association des profes­seurs de biolo­gie (Probio asbl) s’est toujours émue du désar­roi de profes­seurs de biolo­gie dont des élèves refusent d’entendre parler d’évolution. L’association a ainsi publié en 2009 un ouvrage visant à donner des outils pour comprendre et circon­ve­nir ce rejet, en évitant le piège des débats simple­ment passion­nels. Ces réflexions sont toujours d’actualité.

Qu’est-ce qui pousse des élèves à refu­ser l’idée d’évolution biolo­gique ? Déjà, certains termes ou expres­sions sont de nature à cris­per : le simple nom de Darwin ou la formule cari­ca­tu­rale « l’homme descend du singe ». Dans un premier temps on incri­mi­nera des idées reli­gieuses, qu’elles viennent par exemple d’islamistes ou de témoins de Jého­vah. La situa­tion est proba­ble­ment plus subtile. La reli­gion ne sera souvent qu’un « insigne » de la commu­nauté dans laquelle les élèves vivent, un syno­nyme de « nous ». L’école, l’enseignant, repré­sentent le système scolaire et à travers eux la société : des « eux » ressen­tis comme hostiles. Cette dualité est source d’inquiétude, de conflit de loyauté.

Désa­mor­cer le conflit

Il est inutile ici de cher­cher à convaincre. On est dans l’affectif : le discours ration­nel est inopé­rant. De même, la démons­tra­tion scien­ti­fique est vouée à l’échec.

La première opéra­tion est certai­ne­ment de montrer aux élèves qu’il y a deux grands domaines de l’activité intel­lec­tuelle qui ne doivent pas être confon­dus ni se chevau­cher. Les méthodes de l’un ne s’appliquent pas à l’autre et vice versa. D’un côté le domaine de la convic­tion, de la croyance, de la reli­gion ; de l’autre celui de la science. La science travaille sur base d’arguments ration­nels, démon­trables. On recon­naît une argu­men­ta­tion scien­ti­fique au fait qu’on peut la réfu­ter par des méthodes ration­nelles, sans appel à la trans­cen­dance. Le domaine de la convic­tion et de la croyance, lui, échappe par défi­ni­tion à toute argu­men­ta­tion scien­ti­fique. Ces deux modes de pensée sont indé­pen­dants et chacun est inopé­rant dans le champ de l’autre.

Mettre l’évolution partout

Au plan pure­ment scien­ti­fique, la cause est enten­due : impos­sible de parler biolo­gie sans penser évolu­tion. Dans nos classes, les nouveaux réfé­ren­tiels intro­duisent enfin l’évolution beau­coup plus tôt que jadis. Notre ensei­gne­ment était fixiste pendant 11 ans, pour ne deve­nir évolu­tion­niste qu’au dernier trimestre de la sixième secon­daire. Ce qu’il faut, c’est que les élèves s’émerveillent des beau­tés du vivant, se fami­lia­risent avec son unité fonda­men­tale et intègrent l’appartenance de l’homme à celui-ci. Il est indis­pen­sable de présen­ter tout au long de la scola­rité des exemples de cette unité, petit à petit, y compris en dehors du cours de biolo­gie. Cela va de l’allaitement mater­nel iden­tique chez tous les mammi­fères (nous inclus) jusqu’à l’unité du code géné­tique, des bacté­ries à l’homme, en passant par les arbres.

Et puis, allez voir le film Life is one sur YouTube. L’émotion véhi­cu­lée par trois petits oursons fera plus que les discours intellectuels.


COBUT, G. et al., 2009. Comprendre l’évolution – 150 ans après Darwin. 306 pp., De Boeck (en colla­bo­ra­tion avec l’association des profes­seurs de biolo­gie PROBIO asbl)

ROUXEL, Patrick, 2016. Life is One – Le retour à la vie sauvage de 3 oursons malais. Film vidéo

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