• Robert Moor
    Robert Moor
    président du Centre d’Action Laïque de la Province de Liège

Le mot du président

1867 : l’avortement est inscrit dans le Code pénal belge sous le chapitre : « des crimes et délits contre l’ordre des familles et la morale publique ». De nombreuses gros­sesses non dési­rées se terminent en avor­te­ment avec eau savon­neuse et aiguilles à trico­ter en totale clan­des­ti­nité, dans la soli­tude et la culpa­bi­lité, dans des condi­tions d’hygiène épou­van­tables, avec risque de mort de la femme enceinte et de peines sévères en cas de dénon­cia­tion. Cette situa­tion est inte­nable et inad­mis­sible ! Elle durera 123 ans !

1923 : il faut repeu­pler la Belgique et toute contra­cep­tion est inter­dite. Cette loi sera seule­ment abro­gée en 1973 et la publi­cité contra­cep­tive enfin auto­ri­sée ! 1990, après des années de propo­si­tions de loi, bloquées systé­ma­ti­que­ment par le CVP (CD&V actuel) et le PSC (cdH actuel), large­ment télé­gui­dés par l’Église catho­lique, Roger Lalle­mand (PS), ce grand huma­niste récem­ment décédé et Lucienne Herman-Michiel­sens (VLD) réus­sissent – oublions la triste péri­pé­tie de « l’impossibilité de régner » du Roi Baudouin – à faire voter, par les deux Chambres, avec une majo­rité poli­tique alter­na­tive, une loi dépé­na­li­sant partiel­le­ment l’avortement ! Enfin, la loi se retrouve en adéqua­tion avec la réalité !

Ces combats éthiques, menés au nom des valeurs laïques, illus­trent de manière écla­tante deux visions de la société. L’une, incar­née par les reli­gions insti­tu­tion­nelles, fermées sur elles-mêmes, veut impo­ser des inter­dits à toutes et tous, croyants ou non, au nom de préceptes reli­gieux rigides. L’autre, consi­dé­rant la laïcité comme « un prin­cipe huma­niste qui fonde le régime des liber­tés et des droits humains sur l’impartialité du pouvoir civil démo­cra­tique dégagé de toute ingé­rence reli­gieuse », propose un modèle ouvert, respec­tueux des diffé­rentes convic­tions, donnant le droit – sans obli­ger quiconque – d’aimer un homme ou une femme, de se marier ou non, d’adopter ou non, entre personnes de même sexe ou non, d’accomplir ou non, dans la dignité, l’euthanasie, de prati­quer ou non l’IVG… Le citoyen a donc le droit et non le devoir de se compor­ter de telle ou telle manière.

Ces ques­tions éthiques sont tran­chées et fixées dans des lois votées démo­cra­ti­que­ment par le Parle­ment. C’est cette vision de la laïcité, dans une société ouverte et tolé­rante, que nous souhai­tons voir inscrite dans la Constitution.

Restons vigi­lants : plusieurs États euro­péens, l’Irlande, la Pologne, la Hongrie, Malte, Chypre voire même l’Espagne ou l’Italie se montrent très réti­cents vis-à-vis de ces avan­cées en matière éthique. En Belgique, il reste encore du pain sur la planche pour sortir l’IVG du Code pénal et en faire un acte de santé publique, ou encore pour avan­cer de 12 à 15 semaines, le délai ultime pour prati­quer une IVG, en confor­mité avec les pays voisins.

Mais, plus que jamais, nous voulons vivre « libres, ensemble », dans notre petit pays aux idées larges !

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