• Jacky Degueldre
    Jacky Degueldre
    directeur de la communication événementielle du Centre d’Action Laïque communautaire

Un je-ne-sais-quoi de jeune ?

Le samedi 19 mars, le Centre d’Action Laïque invite la jeunesse à rencon­trer la laïcité à l’occasion de #WeNee­dYouth Le prin­temps des consciences. Cette jour­née sera celle des rencontres et de la fête pour inter­pel­ler la jeunesse, entendre ses ques­tions et répondre à ses attentes sur des théma­tiques de société. Mais une ques­tion nous frappe d’emblée : qui sont ces jeunes et qu’attendent-ils justement ?

« Un jeune sait quoi », affirment et affichent tout aussi crâne­ment les jeunes qui portent et nour­rissent cet événe­ment laïque de 2016. En jouant sur une expres­sion dont la sono­rité pour­rait sembler d’un autre âge, ils savent très bien ce qu’ils font. En premier lieu, rien de surpre­nant, ils reven­diquent. Et ce qu’ils reven­diquent essen­tiel­le­ment, c’est le droit d’être pris au sérieux.

Aux valeurs laïques fonda­men­tales que sont liberté, égalité et soli­da­rité, ils renvoient en écho trois mots qui devraient constam­ment guider l’action bien­veillante de leurs aînés en faveur des dernières géné­ra­tions nées sous Y ou Z, les digi­tal natives comme on dit main­te­nant. Trois simples mots, oui : respect, écoute, confiance.

Aux valeurs laïques fonda­men­tales que sont liberté, égalité et soli­da­rité, ils renvoient en écho trois mots qui devraient constam­ment guider l’action bien­veillante de leurs aînés en faveur des dernières géné­ra­tions nées sous Y ou Z, les digi­tal natives comme on dit main­te­nant. Trois simples mots, oui : respect, écoute, confiance. Respect pour ce qu’ils sont, écoute de ce qu’ils pensent et disent, confiance en ce qu’ils font. Ou ne tarde­ront pas à faire.

© Repor­ters – Herchaft

Respect ?

Les jeunes en ont assez des clichés à leur égard. Ils en ont marre que nous fassions d’eux les adultes de demain, alors qu’ils sont d’abord les jeunes d’aujourd’hui qui voient leur avenir en fonc­tion des problèmes qu’ils vivent dans le présent, ici et maintenant.

Écoute ?

À nous leurs parents, qui trop souvent leur avons moins donné de pers­pec­tives que nous ne les avons gavés avec notre sempi­ter­nelle crise, ces jeunes d’aujourd’hui rétorquent que leur « galère », eux au moins, ils ont appris à « faire avec ». Et parfois même à en rire.

Confiance ?

Une étude1 consa­crée à ce que vivent et pensent les 18–30 ans montre que, pour ces derniers, la confiance n’est réelle que vis-à-vis de deux types d’acteurs : soi-même et la socia­lité de proxi­mité (parents, famille, ami[e]s, asso­cia­tions locales). La confiance est faible ou quasi nulle, par contre, vis-à-vis de tous les autres acteurs : poli­tiques, reli­gieux, presse, entre­prises, syndi­cats, etc. Bref, il y a du boulot pour récu­pé­rer et boos­ter la confiance des jeunes.

Mais en ce qui concerne la réci­pro­cité de prin­cipe à accor­der à celle-ci, les nouvelles sont plutôt bonnes. L’étude quali­fie certes de « dépos­sé­dés » de l’existence, pris dans une « société fermée », quelque 37 % de cette popu­la­tion jeune, carac­té­ri­sés par leur « ferme­ture au monde et aux autres » (sic). Mais par ailleurs, elle fait savoir que les déjà « acteurs » (les enga­gés, les béné­voles) agis­sant dans une « société ouverte » et « ouverts au monde et aux autres », repré­sentent eux 17 % du total. Cela repré­sente au moins un jeune ou deux sur dix ! Et la toute bonne nouvelle étant que 46 % d’entre eux sont encore des « indé­cis » : une majo­rité silen­cieuse qu’un simple petit coup de pouce suffi­rait peut-être à déci­der et à faire bascu­ler du bon côté de la Force. Osons le pari !

Oser la jeunesse !

Titre de l’ouvrage du philo­sophe Vincent Cespedes, le témoin de #WeNee­dYouth, la formule est bonne et en appelle d’autres. Trans­mettre le flam­beau, pour reprendre une image chère à la laïcité. « Allu­mer la mèche », mais surtout pas celle des préju­gés, comme le disait plus prosaï­que­ment un jeune en pétard.

Voilà pour­quoi c’est sous un angle prag­ma­tique et concret plutôt que par un discours didac­tique certes fondé mais parfois diffi­cile d’accès, voire rebu­tant a priori pour de jeunes esprits, que les hardis co-construc­teurs du projet ­#WeNee­dYouth entendent atta­quer le chan­tier de l’engagement des jeunes citoyens (encore un mot que ceux-ci ont du mal à endos­ser et comprendre).

Quant à savoir si l’audace sera récom­pen­sée et si c’est le rôle d’un mouve­ment insti­tu­tion­nel, fût-il laïque et pensant libre­ment, de prendre des risques en inter­pel­lant la jeunesse — pour qu’elle ne manque pas de l’interpeller à son tour, bien sûr — nous dirons que cela rejoint l’excellente défi­ni­tion, qu’a donnée l’anthropologue Georges Balan­dier de la moder­nité en marche. « La moder­nité », écrit-il dans Le Désordre (Fayard, Paris, 1988), « c’est le mouve­ment plus l’incertitude ». Qui, corol­lai­re­ment, avive la conscience du désordre.

Donc, même si cela fait un peu désordre : en toute conscience, osons. Osons les jeunes.


  1. Que vivent les 18–30 ans ?, Les carnets du ther­mo­mètre Soli­da­ris, vol.6, publié en 2015
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