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Jean-Luc Piraux,
comédien
Rire de la mort, avec amour et tendresse
Jean-Luc Piraux est un comédien qui aime partager des sentiments. Sur les planches, il navigue entre humour et tendresse, en tirant la voile pour que le vent souffle de l’un à l’autre. Il est l’auteur et l’interprète du spectacle poétiquement décalé Six pieds sur terre, une comédie sur la vieillesse et la mort.
Salut & Fraternité : Pourquoi avoir créé le spectacle Six pieds sur terre ?
Jean-Luc Piraux : Au fil du temps, l’équipe avec laquelle je travaille et moi-même nous sommes rendus compte que les thèmes qui m’intéressent tournent autour de la vieillesse, du vieillissement, des craintes de la maladie et de la mort, mais aussi de l’angoisse qu’ils génèrent. Par ailleurs, j’ai été confronté dans mon entourage, très proche ou plus éloigné, aux questions posées par la fin de vie et l’acharnement thérapeutique. Ce sujet était fort présent durant ces dernières années. J’ai été ainsi interpellé par le fait que mes enfants refusaient d’en discuter. J’ai donc voulu en parler.
S&F : Quelle démarche artistique avez-vous mise en place pour préparer le spectacle et nourrir l’écriture ?
J.-L. P. : Il y a eu pas mal de lectures et de visionnages de films, mais j’ai surtout fait beaucoup d’immersion. Ma femme (NDLR : Brigitte Petit, productrice du spectacle) et moi sommes allés visiter des maisons de repos, aussi bien publiques que privées, parfois de grand luxe. Dans un premier temps, le choc a été pour nous terrible : il y a une énorme concentration de vieilles personnes. C’est très impressionnant ! J’ai eu à l’esprit l’image d’un camp de placement. J’ai observé puis parlé avec des gens qui ont leur propre langage et qui vivent dans leur propre monde. Petit à petit une forme d’humour a émergé, menant à un décalage poétique. J’ai aussi rencontré le personnel soignant qui m’a fait de très belles confidences sur son travail et ses relations avec les pensionnaires. Je me suis entretenu avec des directeurs dont la réalité est faite de chiffres, de quotas et de subsides. Quelque chose de techniquement totalement inhumain. Nous sommes également allés visiter des soins palliatifs. Très curieusement, j’y ai vu quelque chose de très apaisant, de très joyeux, rempli d’humanité, voire d’amour… J’ai enfin rencontré des médecins qui donnent la mort. À partir de toute cette matière première, je suis parti dans l’imaginaire.
J’ai observé puis parlé avec des gens qui ont leur propre langage et qui vivent dans leur propre monde. Petit à petit une forme d’humour a émergé, menant à un décalage poétique.
S&F : Faire rire sur la mort, c’est tout à fait possible ?
J.-L. P. : Pour être très honnête j’avais très peur parce que je ne savais pas trop comment le spectacle serait reçu. Trois tests publics ont été programmés et les spectateurs ont apprécié. Ils ont beaucoup ri, même si certains moments sont plus dramatiques. Mais le message était clair : ça fait du bien d’en parler. Une vieille dame m’a même tapé sur l’épaule en me disant : « Monsieur, vous pouvez y aller encore plus fort ! ». Des jeunes de 18 ans venus au spectacle l’ont adoré. Je pense qu’on peut rire de tout, tant qu’on respecte les personnages dont on parle, qu’on les aime et qu’il y a une base de vérité et d’honnêteté vis-à-vis de soi. Même en les mettant dans un contexte totalement absurde.
S&F : Avec votre équipe vous avez retravaillé certains endroits un peu plus grinçants. Était-ce suite à ces représentations tests ?
J.-L. P. : C’était après ces représentations tests. L’équipe et moi-même nous sommes posés la question de savoir pourquoi certains passages fonctionnaient moins. Par exemple, aborder les soins palliatifs de façon réaliste choquait tandis que, de manière franchement bouffonesque, le décalage est tel qu’il est bien reçu, et que ce que nous voulions faire passer est entendu. Des personnes nous ont fait part de leur malaise et souhaitaient que nous n’abordions pas le sujet de l’énurésie par exemple. Il nous a donc fallu déceler ce qui gênait individuellement les gens et qui relevait du domaine privé, de ce qui n’était pas assez abouti dans l’écriture, la mise en scène ou la dramaturgie. Dans ce cas, nous avons retravaillé l’écriture. Mais au final, nous avons abordé tout ce dont nous avions envie.
Ce qui me fait plaisir, c’est quand j’entends qu’on en ressort avec la banane ! C’est un spectacle qui libère en tout cas la parole sur le sujet et qui fait rire.
S&F : Peut-on dire finalement que Six pieds sur terre est une ode au vivant ?
J.-L. P. : Ce qui me fait plaisir, c’est quand j’entends qu’on en ressort avec la banane ! C’est un spectacle qui libère en tout cas la parole sur le sujet et qui fait rire. Et le rire est sans conteste libérateur, d’une manière ou d’une autre. Et puis, j’aime parler d’amour. D’ailleurs, ce qui se dit le plus, aux soins palliatifs, c’est « Je vous aime, merci. » C’est en tout cas le fil rouge que j’ai voulu tisser tout au long de ce spectacle.
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