- Conseildead : Stéphane Arcas, Cécile Chèvre, Antoine Laubin, Denis Laujol, Nicolas Luçon, Claude Schmitz, Vincent Sornaga et Arnaud Timmermans,
artistes
Faut-il penser en termes de chômage des artistes ou d’emploi artistique ?
La réforme actuelle du chômage tape les artistes à un endroit qui fait mal. Ce système d’indemnités pour les emplois intermittents, ici en Belgique, vient combler un vide. Le vide laissé par le manque d’argent public qui serait nécessaire pour rémunérer intégralement la totalité du travail accompli par les artistes et techniciens (toutes les phases d’écriture, de répétitions, de préparation, de post-production, etc.).
Le système se base donc sur une combinaison d’indemnités de chômage avec de maigres rémunérations à l’occasion de contrats de très courte durée. En gros, un système D qui place le travail artistique à une frontière incertaine entre bénévolat et travail au noir.
Ce chômage est au centre de toutes les discussions sur l’avenir de la culture. Mais cette obsession, pourtant bien légitime, du maintien du statut social fausse les débats. Focaliser sur l’accès aux allocations de chômage, c’est assimiler implicitement les artistes à des chômeurs au lieu de poser la question, bien plus essentielle, de l’emploi artistique et de son financement.
Un artiste n’est pas un inactif. Un artiste n’est pas par définition un chômeur. L’immense majorité des travailleurs des arts, artistes et techniciens, pratiquent leur métier de façon quotidienne, et la fameuse notion d’intermittence ne désigne pas tant les périodes de travail que les rares moments où ce travail donne effectivement lieu à une rémunération.
Bien plus qu’à des allocations de chômage, les artistes aspirent à des perspectives de travail, à des conditions d’emploi décentes.
De tous côtés, des études montrent que le secteur culturel est un secteur économiquement fort, que l’emploi artistique rapporte plus à l’État qu’il ne lui coûte en subventions. Il ne s’agit donc pas de maintenir une activité marginale et désuète, mais de renforcer un secteur en plein essor dans une société où le non-marchand représente l’avenir.
Pourtant l’équation « ARTISTE = CHÔMEUR » a la vie dure. Elle traduit un climat inquiétant qui imprègne le débat public et les politiques sociales récentes. Celui d’une hostilité grandissante à l’égard des précaires et de toute forme de travail qui ne s’inscrit pas, de près ou de loin, dans une logique de profit, où le travail humain est une marchandise, un facteur de production comme un autre, dont il convient de réduire le coût et d’augmenter la rentabilité.
L’art et la culture sont les premiers visés, mais c’est évidemment tout le non-marchand qui se trouve en ligne de mire. Que penser d’une société qui ne considérerait plus ses artistes que sur la base de leur statut social, donc en quelque sorte, uniquement comme une charge financière ? La participation des pouvoirs publics à la culture n’est pas une « dépense », elle est un investissement, dont les retombées matérielles et immatérielles sont innombrables : éducation, bien-être, lien social, mais aussi économie, rayonnement international, … De ce point de vue, ne pas investir dans la création en culture équivaudrait, en médecine, à ne pas investir dans la recherche.