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Christian Jonet,
animateur et chercheur au sein de l’asbl Barricade
Les coopératives : une alternative qui refait ses preuves
Notre civilisation industrielle est extrêmement fragile, tributaire de la disponibilité et du prix d’une large gamme de ressources non-renouvelables. En particulier, l’actuel modèle économique et financier est dépendant d’une augmentation permanente du PIB, elle-même conditionnée par une consommation croissante d’énergies fossiles. Or l’atteinte du pic de production pour un grand nombre de ressources va créer une forte tendance à la hausse. Irréversible, cette évolution va mettre en échec les tentatives visant à relancer durablement la croissance, et nous amener à devoir questionner ce modèle.
Il nous appartient dès lors de redéfinir collectivement l’idée de prospérité, dans un sens moins matérialiste, et d’inventer un nouveau modèle macro-économique qui vise la « prospérité sans croissance1 » . En attendant l’hypothétique invention d’un tel modèle, et parce que les crises qui viennent risquent de mettre à mal la cohésion sociale et d’aggraver encore le niveau des inégalités, l’approche dite de la Transition écologique et économique invite à placer la résilience (la capacité à résister aux chocs extérieurs sans perturbation significative) et la justice sociale au cœur de notre modèle de société.
La situation est inédite mais pour ce qui est des solutions à mettre en œuvre, on ne part pas de zéro. Le modèle des entreprises coopératives, par exemple, constitue ainsi une piste particulièrement prometteuse pour relever les défis de notre époque, tant en matière de résilience que de démocratie et de justice sociale. Si les coopératives ont mieux résisté à la crise que les entreprises « classiques », c’est peut-être parce que la plus-value réalisée n’y est pas captée par un actionnariat tout puissant mais au contraire réinvestie au profit de l’entreprise et d’une rétribution correcte des travailleurs. De même, la plupart des coopératives financières ont échappé au naufrage parce qu’elles n’avaient pas été poussées à prendre des risques inconsidérés. Résilientes donc, les coopératives participent également à la réduction du niveau des inégalités économiques par un mode de répartition des revenus qui favorise la rémunération du travail plutôt que celle du capital. Enfin, par leur ancrage territorial et leurs pratiques de gestion, les coopératives contribuent à la relocalisation démocratique de l’économie.
Loin de nous cependant l’idée de placer tous les espoirs dans un seul modèle : le concept de résilience implique de favoriser le développement d’une économie plurielle. Ne perdons notamment pas de vue le rôle essentiel des services publics en matière de production des services collectifs et de redistribution des richesses. Et surtout, la construction d’un avenir désirable passera par la remise en question radicale des idoles de notre époque que sont la croissance du PIB, « l’argent dette », et le « libre échange » qui a pour corollaire un dumping fiscal, social et écologique généralisé.
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