• Alexis Deswaef
    Alexis Deswaef
    président de la Ligue des droits de l’Homme

Droits fondamentaux et mobilisation citoyenne

Depuis plus de cent ans, La Ligue des droits de l’Homme (LDH) combat, en toute indé­pen­dance vis-à-vis du pouvoir poli­tique, les injus­tices et les atteintes portées aux droits fonda­men­taux en Belgique. Et ce combat est toujours d’actualité.

La Ligue des droits de l’Homme sensi­bi­lise le public au respect de ces droits, inter­pelle le pouvoir poli­tique, s’investit dans la forma­tion des adultes, simples citoyens ou acteurs de l’éducation et agit en justice quand il le faut.

Souvent, on nous ques­tionne à la Ligue : « Les droits de l’Homme en Belgique, au 21e siècle, ça veut dire quoi ? ». À chaque fois, je réponds que les droits de l’Homme ne sont pas seule­ment un enjeu aux quatre coins de la planète, mais que c’est un défi perma­nent chez nous aussi. D’ailleurs, quand un pays comme le nôtre veut promou­voir les droits de l’Homme sur la scène inter­na­tio­nale et se permet de poin­ter du doigt certaines Nations, il se doit d’être irré­pro­chable chez lui ou, à tout le moins, un exemple en la matière. Dans un état comme le nôtre, toute poli­tique doit être menée et évaluée en fonc­tion de son impact sur la vie des plus fragiles de notre société, et cela encore plus en période de crise écono­mique. Ainsi, personne ne sera oublié et le monde dans lequel on vit devien­dra un monde plus juste.

Je pour­rais parcou­rir avec vous le rapport 2011–2012 de la Ligue, « état des Droits de l’Homme en Belgique »1, mais ce rapport annuel est impos­sible à résu­mer telle­ment ‑malheu­reu­se­ment–  les sujets sont vastes et diver­si­fiés : Chasse au chômage ou chasse aux chômeurs ; L’enfer de l’enfermement ; La carte Mobib ou quand les données person­nelles voyagent en commun ; Jeunes, un danger ou en danger ? ; Migrants, bien­ve­nus dans une Belgique en crise, etc.

L’année où Time Maga­zine désigne le mani­fes­tant comme person­na­lité de l’année dans le monde, comment ne pas dénon­cer les violences poli­cières dans la capi­tale de l’Europe, lieu où inévi­ta­ble­ment une contes­ta­tion sociale s’exprime. (…) Pour les victimes, même assis­tées d’un avocat, le combat juri­dique qui s’ensuit est toujours inégal. La victime a de la chance quand elle ne se fait pas accu­ser de rébellion.

L’année où Time Maga­zine désigne le mani­fes­tant comme person­na­lité de l’année dans le monde, comment ne pas dénon­cer les violences poli­cières dans la capi­tale de l’Europe, lieu où inévi­ta­ble­ment une contes­ta­tion sociale s’exprime. Si la Cali­for­nie a son « Sergent Pepper » vidant sa bonbonne de gaz poivré sur des indi­gnés paci­fi­que­ment assis pour un sit-in contes­ta­taire, nous avons notre « Kara­te­ka­flic » plan­tant un violent coup de pied dans le visage d’une jeune mani­fes­tante grecque, qui n’a vu sa parole de victime respec­tée que grâce aux images prises par des amis avec leurs gsm. La LDH a recensé plus d’une dizaine de cas graves de violences poli­cières sur les trois dernières années. Pour les victimes, même assis­tées d’un avocat, le combat juri­dique qui s’ensuit est toujours inégal. La victime a de la chance quand elle ne se fait pas accu­ser de rébel­lion. Dans la même veine, à l’occasion d’une grande mani­fes­ta­tion euro­péenne à travers les rues de Bruxelles, la police a innové en procé­dant à des « arres­ta­tions préven­tives ». Des personnes qui se rendent à la mani­fes­ta­tion sont arrê­tées avant même d’y parti­ci­per, voilà une nouvelle tech­nique dans l’arsenal répres­sif dont la police vante l’efficacité. Cela s’inscrit dans un mouve­ment plus géné­ral de crimi­na­li­sa­tion de toute forme de contes­ta­tion sociale alors que la liberté d’expression est un droit fondamental.

« Sergent Pepper », un poli­cier cali­for­nien asperge des mani­fes­tants avec du gaz au poivre. © Repor­ters – Wayne Tilcock – AP 2011

De manière géné­rale, la crise écono­mique actuelle rend les droits fonda­men­taux plus fragiles et donc d’autant plus précieux. Tous les points qui touchent aux droits écono­miques et sociaux sont aujourd’hui parti­cu­liè­re­ment préoc­cu­pants et donc prio­ri­taires. En effet, ce sont les personnes les plus fragiles, alors qu’elles ne sont pas respon­sables de la crise, qui sont frap­pées le plus dure­ment par les mesures déci­dées par le gouver­ne­ment. La mobi­li­sa­tion citoyenne pour préser­ver les acquis sociaux mérite dès lors respect et écoute de la part de nos gouver­nants, plutôt que déni ou intimidation.

(…) ce sont les personnes les plus fragiles, alors qu’elles ne sont pas respon­sables de la crise, qui sont frap­pées le plus dure­ment par les mesures déci­dées par le gouver­ne­ment. La mobi­li­sa­tion citoyenne pour préser­ver les acquis sociaux mérite dès lors respect et écoute de la part de nos gouver­nants, plutôt que déni ou intimidation.

Si lais­ser faire, c’est accep­ter qu’on puisse vous le faire, la mobi­li­sa­tion citoyenne, c’est aussi se lever, se mobi­li­ser, pour dire « STOP ! ». Le combat contre les injus­tices et contre les atteintes aux droits fonda­men­taux est une cause juste. La Ligue des droits de l’Homme, avec des moyens limi­tés, y est en première ligne, aux côtés des citoyens. Ensemble, nous sommes plus forts. Alors permet­tez-moi de vous invi­ter à vous faire membre de la LDH. Nous avons besoin de vous.


  1. État des droits de l’Homme en Belgique. Rapport 2011–2012, La Ligue des Droits de l’Homme, publié dans La Revue Nouvelle, février 2012.
    www​.liguedh​.be
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