• Jean-Pierre Kerckhofs
    Appel Pour une école démocratique (Aped)
  • Philippe Schmetz
    Appel Pour une école démocratique (Aped)

« La misère de l’enseignement est le fruit d’un choix politique »

Le financement de notre enseignement est-il à la hauteur de ses besoins ? Attaché à une véritable démocratisation de l’école, permettant à tous les jeunes de forger les armes d’une citoyenneté pleinement digne, l’Aped ne peut répondre que par la négative. Les résultats moyens de nos élèves sont très… moyens. Et l’Unicef stigmatise la Belgique pour ses inégalités scolaires records.


Certes, l’austérité financière n’explique pas tout. Des facteurs structurels sont aussi en cause : une ségrégation précoce en filières hiérarchisées, des effets de quasi-marché scolaire (réseaux, etc.). Il n’en demeure pas moins qu’un solide refinancement sera indispensable pour sortir de l’ornière. Pour « mettre le paquet » dans le fondamental, organiser des remédiations, réduire la taille des classes, réinvestir dans les bâtiments, dans le matériel didactique, revaloriser les enseignants et leur formation, etc.

Quelques chiffres. Pour 7% au début des années ’80, la Belgique ne consacre plus que 5% de son PIB à l’enseignement. Sur le PIB de 2010 – environ 345 milliards d’euros -, ces 2% de différence représentent une perte de 6,9 milliards. Sur base de la clé de répartition de 40/60, ça fait 2,8 milliards en moins pour les francophones ! Nous sommes bel et bien sous financés par rapport à il y a trente ans. Or, les difficultés sociales et les besoins n’ont fait que croître depuis lors…

Pour preuve de cette carence, la Flandre, parce qu’elle en a les moyens, injecte des fonds propres dans son enseignement. Et pas un peu. Les dépenses par élève y sont en moyenne 20% plus élevées qu’en Fédération Wallonie-Bruxelles (22% pour le fondamental). Difficile de ne pas y voir une des raisons de leurs meilleurs résultats.

Certains avanceront que notre système scolaire est dépensier. C’est pourtant faux. En l’occurrence, nous nous situons au milieu du classement des pays industrialisés (OCDE), les meilleurs systèmes dépensant en général plus que le nôtre.

M. Deschamps, monsieur « nous dépensons trop », raisonne curieusement à partir du PIB de la FWB. Outre qu’il s’agit d’une notion difficile à définir, le raisonnement ne laisse pas de nous surprendre : ainsi, puisque nous sommes moins riches que la Flandre, nous devrions dépenser moins. D’une part, c’est malheureusement ce qui se passe. D’autre part, cela revient à dire que les pauvres n’ont pas droit à un enseignement de qualité. L’Aped ne souscrit évidemment pas à une telle vision de la société.

Certains encore nous diront que nous rêvons, que les moyens d’un refinancement massif se sont envolés. Particulièrement en ces temps de crise. Rappelons cependant les sommes pharaoniques réunies pour sauver des banques, l’absence d’impôt sur la fortune, les pertes liées aux intérêts notionnels, les gigantesques cadeaux fiscaux octroyés aux multinationales, etc. La misère de l’enseignement, comme celle des autres services publics, est bien le fruit d’un choix politique. Marché ou démocratie, telle est la question.

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