• Didier Brissa
    animateur au Centre d’Education Populaire André Genot (CEPaG) avec la rédaction

Pour un impôt juste !

L'impôt est sans conteste un acte soli­daire qui permet une redis­tri­bu­tion des richesses. Il finance les services publics (trans­ports en commun, police, construc­tion et entre­tien des auto­routes et routes, crèches, protec­tion de l'environnement, défense natio­nale, distri­bu­tion du cour­rier, ensei­gne­ment…) qui rendent possible l'expression de droits fonda­men­taux (éduca­tion, sécu­rité, protec­tion, aide publique, aide sociale, forma­tion, santé, enca­dre­ment de l'enfance, démo­cra­tie, orga­ni­sa­tion de la repré­sen­ta­tion du peuple à diffé­rents niveaux et sépa­ra­tion des pouvoirs, loge­ment, culture … ).

En Belgique, l'impôt est collecté de diffé­rentes manières. L'impôt direct consiste à préle­ver une partie des reve­nus engen­drés par un parti­cu­lier ou une entre­prise. Il faut distin­guer l'impôt des personnes physiques (IPP), qui porte sur les reve­nus profes­sion­nels (salaires, reve­nus de rempla­ce­ment, trai­te­ments), les reve­nus immo­bi­liers, les reve­nus du capi­tal et autres reve­nus (rentes alimen­taires, béné­fices et profits occa­sion­nels … ), de l'impôt des socié­tés (ISoc) qui frappe les béné­fices engran­gés par les entre­prises qui paient des impôts sur les béné­fices nets impo­sables qu'elles dégagent. à titre indi­ca­tif, le premier (IPP) repré­sente 37 % des recettes fiscales totales et ses taux varient entre 25 % et 50 %, tandis que le second (ISoc) s'élève en théo­rie à 33,99 %. Toute­fois, grâce à des méca­nismes fiscaux favo­rables aux reve­nus des socié­tés, le taux réel est aujourd'hui en moyenne de 16 %. L'impôt indi­rect est quant à lui prélevé via la taxe sur la valeur ajou­tée (TVA) qui frappe les biens, dont les produits de consom­ma­tion courante, et les services.

Ce dernier type de contri­bu­tion n'est fonda­men­ta­le­ment pas équi­table puisqu'il ne tient pas compte des reve­nus du ménage et de sa situa­tion : plus ses reve­nus s'élèvent, moins la TVA est lourde à payer. D'autres inéga­li­tés découlent égale­ment de la légis­la­tion fiscale en matière de contri­bu­tions directes. Ainsi, les reve­nus des travailleurs sala­riés sont connus de l'Administration fiscale, l'employeur étant tenu de /es lui commu­ni­quer, et les frais profes­sion­nels réels admis pour les indé­pen­dants sont plus larges que ceux admis pour les sala­riés. Quant aux allo­ca­tions sociales (chômage, mala­die, pension .. .), elles sont impo­sables au-delà d'un certain montant alors que certains reve­nus du capi­tal, notam­ment les inté­rêts géné­rés par de l'argent placé, ne doivent pas être décla­rés (c'est du " noir » légal .. .). En ce qui concerne le volet des rentes issues des biens immo­bi­liers, le loyer réel d'un bail loca­tif (à usage non profes­sion­nel) ne doit pas être déclaré. L'impôt est prélevé sur un revenu cadas­tral majoré, souvent infé­rieur au revenu réel.

Vu sa légis­la­tion en la matière, la Belgique peut être consi­dé­rée comme un para­dis fiscal pour les reve­nus du capi­tal, et ce par son absence d'impôt sur la fortune et sur les plus-values bour­sières, par l'existence du secret bancaire qui cache à l'administration fiscale les registres des banques ainsi que par la moindre impo­si­tion des reve­nus du capi­tal par rapport à ceux du travail. D'autres exemples viennent gros­sir cette liste à charge taux réduits d'imposition pour les PME "encou­ra­geant" les indé­pen­dants et profes­sions libé­rales à passer en société afin de payer moins d'impôts et de coti­sa­tions sociales, et "inté­rêts notion­nels", une déduc­tion fiscale qui depuis 2005 permet encore plus d'éluder l'impôt sur les sociétés.

Vu sa légis­la­tion en la matière, la Belgique peut être consi­dé­rée comme un para­dis fiscal pour les reve­nus du capi­tal, et ce par son absence d'impôt sur la fortune et sur les plus-values bour­sières, par l'existence du secret bancaire qui cache à l'administration fiscale les registres des banques ainsi que par la moindre impo­si­tion des reve­nus du capi­tal par rapport à ceux du travail.

L'injustice fiscale est une injus­tice sociale. Dans l'intérêt du plus grand nombre, un impôt juste doit être calculé sur tous les reve­nus de manière équi­table, en tenant compte des besoins du ménage (capa­cité à contri­buer) et du niveau de, vie du pays (10€ en Belgique ou en Inde, ce n'est pas le même pouvoir d'achat). Quand une partie des reve­nus échappe à l'impôt, elle ne contri­bue pas au bien­être de la collec­ti­vité. Or, depuis le début des années 80, la fisca­lité sur les reve­nus du travail a augmenté de 20 %, et la fisca­lité sur les reve­nus du capi­tal a baissé de 10 %. L'assainissement budgé­taire des finances publiques s'est donc fait au détri­ment des reve­nus du travail et au profit des reve­nus du capi­tal. La justice fiscale voudrait que ces derniers soient plus large­ment mis à contribution.

Certains reven­diquent des services publics mini­ma­listes assu­rant unique­ment la sécu­rité de l'État et permet­tant son fonc­tion­ne­ment. Cette option est celle d'une redis­tri­bu­tion limi­tée des richesses privi­lé­giant les reve­nus élevés par une impo­si­tion propor­tion­nel­le­ment moindre et garan­tis­sant un ordre public à leur avantage.

Choi­sir l'impôt est sans nul doute un choix de société : veut-on une société qui partage ou qui concentre les richesses ? Qui est soli­daire ou qui exploite ? Certains reven­diquent des services publics mini­ma­listes assu­rant unique­ment la sécu­rité de l'État et permet­tant son fonc­tion­ne­ment. Cette option est celle d'une redis­tri­bu­tion limi­tée des richesses privi­lé­giant les reve­nus élevés par une impo­si­tion propor­tion­nel­le­ment moindre et garan­tis­sant un ordre public à leur avan­tage. C'est oublier que l'accès à des droits fonda­men­taux (voir plus haut) devien­drait exces­si­ve­ment restric­tif, voire impos­sible par une prise en charge indi­vi­duelle. à ce titre, payer des impôts est juste. Encore faut-il que l'impôt soit juste.

 

LA SOLIDARITÉ À TRAVERS LA SÉCU …

Pas de société sans soli­da­rité sociale … telle pour­rait être la devise de la sécu­rité sociale. La sécu­rité sociale, système de répar­ti­tion des richesses, est un contrat collec­tif qui offre à tout travailleur l'assurance d'une sécu­rité d'existence. Elle révèle l'importance de s'organiser collec­ti­ve­ment pour défendre des inté­rêts communs et se prému­nir de risques auxquels nous pouvons tous être confron­tés un jour. Née de luttes sociales parfois violentes, elle s'est construite pour offrir aux travailleurs un mini­mum de protec­tion sociale. Nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, aime­raient voir se substi­tuer la respon­sa­bi­lité indi­vi­duelle à la soli­da­rité sociale. Pour­tant, il faut le rappe­ler, l'aventure de la soli­da­rité a été enga­gée car ces valeurs de liberté et de respon­sa­bi­lité ont été jugées inaptes à répondre à la ques­tion du paupé­risme. La soli­da­rité à travers la sécu­rité sociale contri­bue à limi­ter les inéga­li­tés et à fonder la cohé­sion de notre société : donc, pas de société sans solidarité …

Audrey Taets, Délé­guée au service Solidarité

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