• Hervé Persain
    Hervé Persain
    président du Centre d'Action Laïque de la Province de Liège

Le mot du président

La sépa­ra­tion des églises et de l’état consti­tue l’un des deux grands piliers de l’action laïque, l’autre étant la laïcité philo­so­phique. Le premier relève d’une concep­tion poli­tique de la laïcité, qui se traduit par des actions de reven­di­ca­tion vis-à-vis des diffé­rents niveaux de pouvoir en place, de conscien­ti­sa­tion de la popu­la­tion, et réclame, de la part de nos mili­tants et de nos équipes de perma­nents, une vigi­lance de tous les instants. Nous sommes régu­liè­re­ment inter­pel­lés par les mani­fes­ta­tions d’interférences carac­té­ri­sées des reli­gions avec les organes de pouvoir de notre société ainsi qu’au sein des services publics dont ils ont la charge. La neutra­lité qui devrait être la règle dans les admi­nis­tra­tions, dans les insti­tu­tions d’enseignement, dans tous les actes offi­ciels et les services pres­tés au béné­fice de l’ensemble des citoyennes et des citoyens, est bien souvent soumise aux tenta­tives récur­rentes du reli­gieux d’influencer leur dérou­le­ment et leur fonc­tion­ne­ment dans le sens des valeurs parti­cu­lières qu’il prône auprès de ses fidèles. L’interdiction du port du voile signi­fiée par son pouvoir orga­ni­sa­teur à une ensei­gnante de Char­le­roi, cassée par l’arrêt de la Cour d'appel de Mons, est une illus­tra­tion récente de l’importance d’adapter les règle­ments et surtout les textes de loi pour clari­fier une concep­tion décon­fes­sion­na­li­sée des services publics. Comme il y a vingt ans en matière d’avortement, la justice met en lumière l’urgence d’adapter la loi à l’évolution de la société et de proté­ger nos acquis dans notre évolu­tion vers un affran­chis­se­ment de l’influence reli­gieuse. Nous avons à maintes reprises dénoncé les dangers du commu­nau­ta­risme dans le mode d’organisation de la société. Les consé­quences se révèlent régu­liè­re­ment dans l’actualité, et elles s’avèrent néfastes pour tous ceux et toutes celles qui ne partagent pas les convic­tions des Églises qui tentent d’exercer leur influence sur l’ensemble de la popu­la­tion. Les femmes en sont les premières victimes, tant la vision réac­tion­naire de leur condi­tion porte atteinte aux prin­cipes fonda­men­taux d’une société civi­li­sée et démo­cra­tique : la liberté, l’égalité. La liberté de déci­der de mener sa vie selon ses propres convic­tions, dans le respect des lois qui régissent le vivre ensemble. L’égalité des droits dans le monde du travail, dans la vie quoti­dienne, et le droit d’être consi­dé­rée sur un pied d’égalité dans le couple, dans la famille, dans l’espace public, sans aucune discrimination.

D’aucuns, qui ne partagent pas nos valeurs fonda­men­tales, se disent cepen­dant proches de nous lorsque nous récla­mons la sépa­ra­tion des églises et de l’état. Dans un élan d’œcuménisme en odeur de sain­teté de nos jours, ils se disent nos alliés dans cette reven­di­ca­tion. Jusqu’à ce qu’ils se rendent compte que la laïcité poli­tique et la laïcité philo­so­phique sont indis­so­ciables, et que nos attentes vont bien au-delà du « chacun chez soi », ou d’un esprit de « chasse gardée ». En effet, ils tombent des nues lorsque nous affir­mons en public qu’il n’y a pas de vie après la mort, que nous propo­sons à ceux et celles qui le souhaitent de les accom­pa­gner dans leur démarche d’organiser leur fin de vie en choi­sis­sant de remplir les forma­li­tés donnant accès à l’euthanasie, ou d’entreprendre les démarches afin d’officialiser la distance qu’ils ont prise avec la reli­gion en récla­mant leur débap­ti­sa­tion. La concep­tion reli­gieuse de la sépa­ra­tion entre les églises et l’état auto­ri­se­rait les premières à nous inter­dire d’interférer avec ce qui relève de la foi, de l’éthique, qui demeu­re­raient de leur seul ressort. Cette accep­tion de la sépa­ra­tion consti­tue une vision erro­née de la notion de laïcité poli­tique ! Les options philo­so­phiques que nous prônons ne sont pas tombées en désué­tude. Au contraire, elles s’avèrent plus que jamais d’actualité, face aux tenta­tives des cler­gés et de certains leaders reli­gieux de ravi­ver les croyances au détri­ment des acquis de la science et de l’évolution de l’humanité dans l’esprit des Lumières. La ques­tion de la reli­gion n'est donc pas le mono­pole du clergé, ni même des fidèles, car elle inter­fère avec la ques­tion de la société dans laquelle nous vivons tous, croyants ou non

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