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Bénédicte Dochain,
bibliothécaire-directrice du centre de ressources du B3
Le B3 un centre de ressources et de créativité moderne
Un nouveau bâtiment, le B3, a surgi de la friche de Bavière. Il remplace depuis plus d’un an l’ancienne bibliothèque des Chiroux. Mais ses archivistes ne se sont pas contentés de déplacer des vieux livres : ils développent des projets qui attirent déjà les foules.
Salut & Fraternité : Le B3 n’est pas juste un lieu d’archivage : quel était le projet au départ ?
Bénédicte Dochain : C’est tout un projet qui s’inscrit dans le programme européen du FEDER. L’enjeu, c’est de revitaliser la ville. Au départ, le projet devait se faire sur l’ancien site des Chiroux, mais il n’a pas été retenu. Des convergences se sont faites avec la ville et le projet Bavière, et ce nouveau projet a, lui, reçu le feu vert. Au-delà d’une bibliothèque avec un service de lecture publique, il y a des enjeux de remise à l’emploi, d’accès et d’accompagnement aux nouvelles technologies. Le B3 propose également un exploratoire des possibles, avec des outils numériques et des collègues qui sont formés à l’accompagnement. Ils servent aussi à rediriger les usagers vers d’autres ressources, d’autres réseaux. Sans compter le volet « pépinière d’entreprises », plus économique. Ce déménagement a enfin permis à la bibliothèque de revoir tout son projet scientifique et culturel, et de l’orienter dans un esprit "3e lieu". Un lieu entre le travail – ou l’école – et le domicile, où les gens passent du temps, échangent, discutent… et ne viennent pas simplement prendre ou rendre des documents. C’était ça, notre défi.
Ce déménagement a enfin permis à la bibliothèque de revoir tout son projet scientifique et culturel, et de l’orienter dans un esprit "3e lieu".
S&F : Défi relevé ? Quel est le bilan, après un an d’activités ?
B.D. : Au-delà de nos espoirs ! Nous avions prévu environ mille personnes par jour, dans le meilleur cas. Malgré la crise sanitaire et ses conséquences, nous avons dépassé cet objectif presque quotidiennement. Et en période d’examens, en un seul mercredi, nous avons accueilli 7 300 usagers dans le bâtiment. Ce qu’on constate aussi au-delà des chiffres, c’est le temps passé sur place. Le public s’installe, prend le temps d’ouvrir un livre et de le lire sur place, d’échanger avec d’autres personnes. Les gens viennent étudier, travailler en groupe ou prendre et essayer un jeu de la ludothèque.
S&F : Comment s’insère le B3 dans la politique culturelle plus large de la Province ?
B.D. : C’est un projet-phare. Après la réfection du Musée de la Vie wallonne, il y avait une volonté de redynamiser à la fois les Chiroux et les services de lecture publique. Mais aussi d’aller plus loin, comme le développement des pratiques langagières. Nous avons cette volonté d’offrir à tout le monde le plus de moyens possibles pour appréhender la langue, la manipuler. Permettre à tous de maîtriser la langue, c’est permettre de se sentir vraiment citoyen : de partager, de participer à la Cité. Il y avait vraiment cet enjeu d’un accompagnement des nouvelles technologies.
S&F : Et pour l’avenir ?
B.D. : On touche beaucoup plus de jeunes, depuis qu’on est ici au B3. Est-ce le lieu, l’espace, la lumière, ou l’envie d’être un peu coupé des distractions ? On voit des groupes, des rencontres… On se demande quelle est le meilleur accompagnement à apporter à ce public, comment développer notre travail avec ce public, lui faire découvrir les ressources disponibles. Comment trouver des documents, faire une recherche critique, décoder les sources, repérer les fake news, utiliser des bases de données fiables, etc. Il existe toute une panoplie de ressources méconnues, souvent éclipsées par Google et autres. On continue à ouvrir le lieu vers l’extérieur, le public, les autres institutions.
Nous travaillons aussi sur le gaming comme médium légitime, et nous avons eu plusieurs succès de foule avec des événements autour de ce thème. Nous voulons le développer plus, avec des soirées gaming et jeux de société. Ce sont aussi d’excellents supports pour développer la créativité. On voudrait mettre en valeur les jeux développés par la scène locale ou proposer de travailler la narration non linéaire avec les jeux vidéo ou de société comme support. On voudrait dépasser cette idée qu’une bibliothèque, ce sont des livres et des revues. Multiplier les supports, amener vers la création artistique avec notre artothèque et nos liens avec les acteurs liégeois du milieu. Enfin, la Province a pour projet de promouvoir la filière du livre et de ses métiers. Sont prévues des rencontres avec les libraires, les auteurs, les éditeurs ; des publications, des ateliers d’écriture, des cercles de lecture et bien d’autres activités.
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