• Thierry Bodson
    Thierry Bodson
    président de la FGTB.

Les extrémismes, menaces pour les droits sociaux

Par extré­mismes, le Centre d’Action Laïque vise « les doctrines ou atti­tudes dont les adeptes déve­loppent une pensée dogma­tique, refu­sant toute alter­na­tive, qui les conduit à vouloir impo­ser leurs vues à l’ensemble de la société ». Dans cette défi­ni­tion, le terme « extré­mismes » regroupe un spectre de posi­tions inéga­le­ment hostiles aux droits sociaux. Il convient de rappe­ler les diffé­rences qui existent entre les extrêmes. 


Si l’on se réfère aux régimes tota­li­taires, l’extrême gauche et l’extrême droite sont des horreurs sans nom tout aussi nocives aux droits humains l’une que l’autre. Mais on ne peut pas mettre dos à dos ces deux extré­mismes. Au cœur de l’idéologie d’extrême droite, on retrouve la convic­tion que les humains ne sont pas égaux. L’extrême gauche, elle, consi­dère que les indi­vi­dus sont égaux et que tous les moyens sont permis pour atteindre cette égalité. Ainsi, à la ques­tion « L’extrême gauche mène-t-elle néces­sai­re­ment à la dicta­ture ? », Jean Faniel, direc­teur du CRISP, répond : « Oui, en URSS, en Chine, au Viet­nam. Non, au Nica­ra­gua, au Vene­zuela, en Équa­teur. » Or, autant dans les premiers les droits sociaux ont souf­fert, dans les seconds, ils ont augmenté.

Concen­trons-nous main­te­nant sur la façon dont les extré­mismes menacent les droits sociaux, aujourd’hui, en Europe et en Belgique. Les poli­to­logues parlent d’illibéralisme, de néoli­bé­ra­lisme, de natio­na­lisme, de néocon­ser­va­tisme, autant de « ‑ismes » situés à droite de l’échiquier poli­tique et qu’on quali­fie souvent, non pas d’extrême droite, mais de droite extrême.

« (…) Concen­trons-nous main­te­nant sur la façon dont les extré­mismes menacent les droits sociaux, aujourd’hui, en Europe et en Belgique. »

Peut-on quali­fier ces courants de démo­cra­tiques ? Les services publics sont défi­nan­cés. La fisca­lité concer­nant les plus riches leur est de plus en plus favo­rable. Les syndi­ca­listes sont atta­qués en justice. Les liber­tés de mani­fes­ter et de faire grève sont mena­cées… çà et là des droits sociaux si dure­ment acquis dispa­raissent. Par défi­ni­tion, suppri­mer du pouvoir au peuple, c’est le contraire de la démocratie.

Depuis le gouver­ne­ment Michel, le parquet belge pour­suit pour des faits qui ne susci­taient aucune pour­suite aupa­ra­vant. Ainsi, 17 mili­tants et respon­sables de la FGTB ont été condam­nés à des peines de prison avec sursis pour « entrave méchante à la circu­la­tion » en 2015. Alors que l’entrave méchante à la circu­la­tion est une infrac­tion qui existe depuis les années 1960 et qu’aucun syndi­ca­liste n’avait jamais été condamné pour cela aupa­ra­vant. Et pour cause ! À l’époque, la volonté du légis­la­teur était de consi­dé­rer qu’en aucun cas cette infrac­tion ne pouvait être appli­quée à des actions de grève dont le droit était, à juste titre, consi­déré comme supérieur.

Car, oui, les droits de grève et de mani­fes­ter sont des droits fonda­men­taux. C’est ce que rappelle le Comité euro­péen des Droits sociaux qui est chargé de super­vi­ser le respect des enga­ge­ments pris par les signa­taires de la Charte sociale euro­péenne. Ce comité, préci­sé­ment, juge depuis 2011 que notre pays ne respecte pas ladite charte car il fait un usage abusif de la requête unila­té­rale afin d’interdire des actions collec­tives. En mai dernier, l’Institut fédé­ral des Droits humains commu­ni­quait d’ailleurs son inquié­tude pour les droits de grève et d’actions collec­tives dans notre pays à cause d’un regain de l’usage abusif de la requête unila­té­rale dans le cadre du conflit Delhaize.

En juin, le ministre Van Quicken­borne dépose un projet de réforme du droit pénal dans lequel il intro­duit une nouvelle peine : l’interdiction de mani­fes­ter. Celle-ci, dit le ministre, ne s’appliquerait qu’aux casseurs ayant commis des faits répré­hen­sibles dans les rassem­ble­ments reven­di­ca­tifs. Mais quand on a été condamné à une peine de prison sur base d’une loi dont le légis­la­teur disait, à l’époque, que cela ne concer­ne­rait jamais les syndi­cats, on est méfiant.

CC-BY-NC-SA Miguel Descart – FlickR​.com

En réac­tion, le Conseil supé­rieur de la Justice, la Ligue des droits humains, tous les syndi­cats, Amnesty inter­na­tio­nal, Green­peace, Soli­da­ris, Sora­lia, le CIRE, le CEPAG, CNCD 11.11.11, le MOC, PAC et Progress Lawyers Network… ont tous mani­festé leur crainte.

Face à l’interpellation de tant d’acteurs de la société civile, le ministre a été forcé de revoir sa copie. Mais la vacuité des amen­de­ments propo­sés par le gouver­ne­ment n’a fait qu’accentuer le ques­tion­ne­ment de tous ces acteurs : quelle véri­table moti­va­tion cela cache-t-il ?

L’extrémisme menace-t-il les droits sociaux ? Il faut savoir de quoi on parle. Si l’on parle du natio­nal popu­lisme d’Orbán, de Trump ou de Meloni, la réponse est positive.

Malheu­reu­se­ment, ces dogmes popu­listes gangrènent de plus en plus les familles libé­rales en Europe et des diri­geants poli­tiques comme Macron, De Croo ou surtout Bouchez. C’est cela, égale­ment, qui consti­tue une réelle menace pour les droits sociaux, humains et démocratiques.

< Retour au sommaire