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Fanny Boraita,
docteure à l’UNamur et fondatrice de l'asbl d1g1factory
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Julie Henry,
docteure à l’UNamur et fondatrice de l'asbl d1g1factory
Éduquer à la citoyenneté numérique : un enjeu majeur
De plus en plus, notre société se numérise, transformant nos habitudes de communication, de consommation, d’accès à l’information et aux services. La notion même de citoyenneté évolue puisque le concept de citoyenneté numérique est désormais bien ancré dans la société.
Aujourd’hui, la citoyenneté a autant sa place dans l’espace public physique que dans le monde de l’Internet, véritable interconnexion entre des réseaux qui peuvent couvrir la planète entière. Dans ce monde ultraconnecté, les règles et les devoirs deviennent indispensables afin de garantir le « mieux vivre ensemble » entre les citoyens numériques. En 2016 déjà, le Conseil de l’Europe énonçait la citoyenneté numérique comme « le maniement efficace et positif des technologies numériques, la participation active et responsable aux communautés à tous les niveaux, l’engagement dans un double processus d’apprentissage tout au long de la vie et la défense continue de la dignité humaine ».
Lorsqu’il utilise des technologies numériques, tout citoyen doit être responsable et conscient des conséquences de ses actions.
Éduquer à la citoyenneté numérique revient à former chaque citoyen à son rôle de citoyen numérique. Il s’agit plus spécifiquement de former des CRACCS, c’est-à-dire des Citoyens, Responsables, Actifs, Critiques, Créatifs et Solidaires. Chacun doit ainsi devenir un citoyen actif, producteur de contenu, et non un simple consommateur. Tout citoyen doit non seulement être capable d’accéder à l’information et aux services en ligne, mais également d’effectuer électroniquement certaines démarches afin de ne pas être marginalisé : compléter sa déclaration fiscale, prendre un rendez-vous chez le médecin, réaliser un achat en ligne… Le citoyen doit aussi faire preuve de créativité en produisant des contenus personnels et originaux (articles, vidéos…). Lorsqu’il utilise des technologies numériques, tout citoyen doit être responsable et conscient des conséquences de ses actions. Il doit maîtriser son identité numérique et connaître ses droits, mais aussi ceux des autres. Par exemple, il doit savoir que les données publiées sur un réseau social sont stockées dans un serveur en un endroit précis et sont donc régies par les lois de cet endroit, que lorsqu’il navigue sur le web, il laisse des traces (volontaires et involontaires) qui peuvent être utilisées par des sociétés commerciales, que s’il pratique la haine en ligne, il devient un cyber harceleur… Le citoyen numérique doit être solidaire envers autrui (s’entraider, venir en aide aux personnes en difficulté) et faire preuve d’esprit critique face aux informations qu’il consulte. Il doit développer sa propre opinion en s’assurant de sortir régulièrement des bulles de filtre dans lesquelles il évolue et surtout ne pas participer à la désinformation en partageant des informations non validées et/ou fausses.
Développer la citoyenneté numérique passe donc par le développement de compétences dans les domaines de l’information, des médias et des technologies numériques. Dans ce dernier domaine, il est entendu qu’une utilisation efficace des technologies passe par la compréhension de leur fonctionnement et des concepts-clé en informatique qui les sous-tendent. Cette éducation à la citoyenneté numérique ramène notamment à la culture informatique que Duchateau (1992) 2 définit comme « un ensemble, aussi stable et adapté que possible, de savoirs et de savoir-faire qui permettent d'être à l'aise face à l'ordinateur et aux outils informatiques, de comprendre et de juger ce que permet l'informatique et ce qui est hors de sa portée ».
Pour de nombreuses personnes, y compris les jeunes, l’ordinateur et la programmation sont les concepts centraux de l’informatique. Or, l’association entre les mots « informatique », « ordinateur » et « programmation » reflète la pauvreté des représentations liées à ce domaine. Ceci explique, en partie, le manque d’intérêt, notamment chez les filles, pour les métiers de l’informatique, pourtant toujours en pénurie. Une éducation au numérique visant la citoyenneté numérique et incluant des compétences en informatique contribuerait à autonomiser les enfants dès le plus jeune âge dans leurs usages des technologies numériques pour leur assurer une participation active, responsable et critique dans la société, mais aussi à enrichir leurs représentations et susciter ainsi des vocations.
- Conseil de l’Europe, 2016.
- Duchâteau, C. (1992). Peut-on définir une "culture informatique". Journal de Réflexion sur l'Informatique.