• Necati Celik
    Necati Celik
    directeur de l’asbl SIMA (Service d'Intégration et d'Insertion, Mission Action)
Propos recueillis par propos receuillis par Aline Kockartz

Des actions multiples pour viser l’intégration

La genèse de l’association SIMA Verviers ASBL (Service d’Intégration et d’Insertion, Mission Action) est à mettre en lien avec l’immigration turque à Verviers . En 1979, l’Association Culturelle Turque est créée. En 1998, elle devient SIMA et se constitue en réseau (avec d’autres associations sœurs à Charleroi et Bruxelles) pour offrir des aides et services aux populations immigrées de tous horizons.

Fédérée au Centre d’Action Laïque de la Province de Liège et implantée dans le quartier d’Hodimont à Verviers, l’association développe des actions multidimensionnelles au service des personnes primo-arrivantes. À la fois agréé Centre d’Insertion Socio-Professionnelle (CISP), Initiative Locale d’Insertion (ILI), Espace Public Numérique, centre de formation PMTIC et école de devoirs, SIMA agit en faveur d’une diversité de publics en insertion sociale, culturelle ou encore socio-professionnelle.

L’association défend, dans la relation avec les apprenants, une vision du vivre ensemble et de la neutralité, ancrée dans les valeurs laïques. Par la diversité des cultures dont sont issus les apprenants, un cadre de neutralité s’est développé au fur et à mesure des évolutions sociétales récentes.


Entretien avec

Necati Celik

Une neutralité assumée, garante d’une « bonne » intégration

Salut & Frater­nité : L’asbl SIMA s’est dotée d’une charte qui cadre le travail de l’association notam­ment en termes de neutra­lité. Quelle en est l’origine ?

Necati Celik : Depuis la fonda­tion de SIMA, il y a 42 ans, nous avons toujours affirmé des prin­cipes de neutra­lité. Dans les années 1980 et 1990, nous avons eu des débats avec les acteurs asso­cia­tifs (Lire & Écrire, La Bobine, par exemple) qui propo­saient des cours et acti­vi­tés diverses dans des groupes unique­ment fémi­nins. Je trou­vais que pour certaines acti­vi­tés, une non-mixité pouvait se justi­fier mais pas par exemple pour les cours de Fran­çais Langue Étran­gère (FLE). Cela a renforcé la posi­tion de quelques personnes plus radi­cales et a pris de l’ampleur.

Nous refu­sions ce genre de logique et avons toujours proposé les acti­vi­tés en mixité pour les cours rela­tifs au fran­çais, au permis, etc.

Le problème du port du voile ne se posait, dans ces années-là, presque jamais ou à de très rares excep­tions et on gérait au cas par cas lorsqu’une situa­tion se présen­tait. Vers la fin des années 1990 puis 2000, on a vu appa­raitre des mouve­ments de plus en plus influents. Les gens venaient avec des reven­di­ca­tions plus claires (par exemple, aména­ger un local dans l’association pour faire la prière) et l’on sentait bien qu’il y avait des orga­ni­sa­tions derrière.

Gérer au cas par cas était devenu impos­sible, on avait, en outre, peu d’expérience au niveau juri­dique. Nous avons fina­le­ment, à partir de 2010, déve­loppé une réflexion. Au niveau de notre fédé­ra­tion des Centres d’Insertion Socio Profes­sion­nelle (CAIPS et CAIV), nous avons orga­nisé un colloque. Au niveau de SIMA, ensuite, nous avons mis en place un moment de forma­tion en équipe pour en arri­ver à la genèse de la Charte. Cela a été labo­rieux mais ce texte, cette charte, se décline ensuite dans des ROI (Règle­ments d’ordre inté­rieur) par rapport aux types d’activités et de publics (adultes en forma­tion, enfants en écoles de devoirs, etc.). Tout est présenté au début du parcours des béné­fi­ciaires. Le cadre est clair et est accepté par les personnes qui viennent en connais­sance de cause. Même si certains ne sont pas tout à fait d’accord, ils l’acceptent. On a remar­qué que, pour certains parents de jeunes filles en école de devoirs, cela a été béné­fique pour dépas­ser les pres­sions qu’ils pouvaient ressen­tir dans la communauté.

Cette neutra­lité se décline aussi au niveau du person­nel, qui a diffé­rentes origines.

Le travail de SIMA s'inscrit dans un proces­sus de discus­sion et d'échanges avec les personnes. © SIMA

Dans certaines langues, le concept même de laïcité n’existe pas : au-delà d’interdire ou de mettre des règles, notre travail s’inscrit dans un proces­sus de discus­sions et d’échanges avec les personnes pour leur faire comprendre le bien-fondé de cette neutra­lité, en lien aussi avec les pays dont ils sont origi­naires. Chez nous, je n’ai pas eu connais­sance de cas où les personnes ont refusé de reve­nir se former dans ce cadre. Au contraire, sans promo­tion, nos forma­tions fonc­tionnent sur liste d’attente.

Au niveau de Verviers, j’observe un lent mouve­ment de fond qui est en train d’aller dans le sens de contre­car­rer l’influence des reli­gieux fana­tiques. On perçoit que l’ambiance change tout douce­ment, dans la façon dont les gens s’expriment ou s’extériorisent. Cela me réjouit pour l’avenir.

S&F : Quels constats posez-vous ou souhai­te­riez-vous parta­ger quant aux deux catas­trophes, sani­taire puis natu­relle, qu’a connues votre région ? 

N.C. : Nous n’avons pas été gâtés car, en février 2020, notre asso­cia­tion a connu un incen­die, donc juste avant le confinement.

Il faudra encore du recul pour en tirer des analyses pour le futur.

Il a fallu plusieurs mois pour s’organiser en termes de soli­da­rité durant le confinement.

Les inon­da­tions ont été encore plus drama­tiques sur Verviers. Sur le terrain, je regrette de n’avoir pas vu assez de mobi­li­sa­tion des réseaux progres­sistes et laïques par rapport aux milieux catho­liques ou des mouve­ments reli­gieux issus des commu­nau­tés turques influents et très struc­tu­rés. Nous n’étions pas outillés par rapport à eux pour faire du soutien en masse. La soli­da­rité n’est pas l’affaire que de ces milieux. Il faut se struc­tu­rer, se doter d’outils pour le futur car on sait que cela peut se repro­duire à l’avenir malheureusement.

S&F : Quels sont les projets pour l’association SIMA en 2022 ? 

N.C. : Pour le moment, on est de nouveau le nez dans le guidon. Psycho­lo­gi­que­ment on n’est pas encore sortis de tout cela… Donc, on se projette dans le futur (programme de forma­tions et acti­vi­tés) mais l’équipe et les personnes formées, les enfants, expriment une espèce de fatigue due à cette période. Il faudra du temps pour se remettre de ces épreuves.

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