• Jasper Thys
    Jasper Thys
    collaborateur politique chez Viva Salud

Vaccin universel : rien que des beaux mots ?

Il y a plus d’un an Ursula von der Leyen, prési­dente de la Commis­sion euro­péenne, a fait une décla­ra­tion pleine d’espoir. Le vaccin devien­drait notre bien commun univer­sel, dispo­nible partout dans le monde. « Avec notre approche globale, nous ferons l’histoire ensemble », a‑t-elle ajouté. Quelques mois après le début des premières campagnes de vacci­na­tion, ces mots sonnent exces­si­ve­ment creux. Les pays riches vaccinent une personne par seconde, alors que l’avenir semble bien plus incer­tain pour la majo­rité des habi­tants de la planète. La stra­té­gie de vacci­na­tion mondiale actuelle échoue sur tous les fronts et pour­rait reve­nir nous hanter. Qu’en est-il de cette « approche globale » dont madame von der Leyen parlait avec tant de lyrisme en 2020 ? 

Malgré les belles promesses faites en début de crise, les pays riches ont litté­ra­le­ment mono­po­lisé l’offre avant qu’elle ne puisse être distri­buée équi­ta­ble­ment. Un petit groupe de pays, repré­sen­tant seule­ment 14 % de la popu­la­tion mondiale, s’est réservé 53 % de tous les vaccins. Dans l’Union euro­péenne, nous serons en mesure d’offrir trois vaccins à chaque citoyen d’ici la fin de l’année 2021. En revanche, dans de nombreux pays à faible revenu, même les infir­mières et les groupes vulné­rables ne rece­vront pas leur première dose cette année. Au mieux, de nombreux pays parvien­dront à peine à vacci­ner une personne sur dix cette année. 

Pendant ce temps, ces mêmes pays sabotent les mesures visant à augmen­ter la produc­tion mondiale de vaccins. Bien que des milliards d’euros de fonds publics aient été accor­dés aux entre­prises phar­ma­ceu­tiques du monde entier pour amélio­rer le déve­lop­pe­ment d’un vaccin, la logique du busi­ness as usual semble être encore et toujours de mise. À l’heure actuelle, les socié­tés phar­ma­ceu­tiques peuvent toujours reven­di­quer les droits sur les vaccins, acqué­rir un mono­pole sur le résul­tat final et priva­ti­ser les béné­fices de sa vente. En refu­sant de soute­nir les mesures suscep­tibles d’augmenter la produc­tion mondiale de vaccins, les pays riches démontrent en fait au monde qu’ils privi­lé­gient les profits de l’industrie phar­ma­ceu­tique plutôt qu’une issue rapide à la pandémie. 

La crise ne se résou­dra pas par l’unique vacci­na­tion de la popu­la­tion des pays riches. La pandé­mie est par défi­ni­tion un problème mondial et tant que le coro­na­vi­rus sévit dans certains pays, les pays ayant une large couver­ture vacci­nale restent vulné­rables. La décla­ra­tion du secré­taire géné­ral des Nations Unies, Antó­nio Guterres, selon laquelle « personne n’est en sécu­rité tant que tout le monde ne l’est pas », n’est pas un slogan vide de sens mais un aver­tis­se­ment fondé sur des données scien­ti­fiques. Le natio­na­lisme vacci­nal et la logique du profit nuisent à notre santé et à notre écono­mie. Les scien­ti­fiques prévoient deux fois plus de décès et un coût écono­mique de 9 000 milliards de dollars si rien ne change rapi­de­ment. La ques­tion est donc de savoir de quel côté de l’histoire madame von der Leyen veut être. Il est grand temps que l’Union euro­péenne change son fusil d’épaule et rejoigne l’appel à faire du vaccin un bien public mondial. Ce n’est pas seule­ment la solu­tion la plus effi­cace, c’est aussi la plus juste.

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