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Fanny Dubois,
secrétaire générale de la Fédération des maisons médicales
Pour des soins de santé au service du collectif
Forte d’une formation d’aide médicale et d’un master en sociologie, Fanny Dubois a travaillé comme conseillère pour les questions portant sur la Sécurité sociale et la santé publique en général. Depuis un an, elle est à la tête de la Fédération des maisons médicales comme secrétaire générale. À l’heure de la crise sanitaire, elle nous éclaire sur la question du financement des secteurs liés à la santé.
Salut & Fraternité : Comment vivez-vous l’épidémie au sein des maisons médicales ?
Fanny Dubois : La crise de la covid 19 et l’urgence sanitaire ont plongé le personnel des maisons médicales et les acteurs de soins de santé dans un moment historique intense et exceptionnel. Portées par leur organisation, les maisons médicales ont montré tout l’intérêt de leur modèle qui mêle des principes de prévention avec une prise en charge globale des patients. Elles sont venues en aide dans des secteurs plus vulnérables comme les structures d’aide aux sans-abris, les maisons de repos ou les centres pour personnes en situation de handicap. Elles ont également permis de répondre aux besoins de promotion à la santé, à l’hygiène et aux gestes barrières mais aussi, par exemple, de tracing et de testing grâce à la politique du forfait, à la relation de confiance et à la responsabilité partagée entre les patients et le corps médical.
S&F : Quel est aujourd’hui le modèle dominant de soins de santé en Belgique ?
F.D. : Le système de santé a été construit à la fin des années 1940 jusqu’aux années 1970 sur un principe de solidarité collective incarné par le principe de sécurité sociale. Face aux risques de maladies, la société a le devoir, la responsabilité, de protéger ses citoyens. Ainsi, chacun contribue au pot commun selon ses moyens, les cotisations sociales et les impôts sont proportionnels au revenu, et chacun reçoit une aide de la Sécurité sociale selon ses besoins.
Mais depuis les années 1980, la Sécurité sociale et les services publics sont, petit à petit, mis à mal. C’est une érosion progressive à coups de « mesurettes » politiques. La santé est un secteur qui engendre des dépenses et des budgets importants et, ces dernières années, on constate un définancement de l’assurance maladie-invalidité, un des piliers de la Sécurité sociale. Ainsi, quand on compare les pourcentages de dépenses et de financement établis par le Bureau fédéral du Plan, on voit que son financement aujourd’hui n’est plus proportionnel aux besoins enregistrés. Donc forcément, quand le financement ne répond plus aux besoins, ce sont les patients et les professionnels qui en pâtissent.
Autre mouvement d’érosion : à l’intérieur même du financement de l’assurance maladie-invalidité, on note une privatisation et une marchandisation accrue. Par exemple, les laboratoires pharmaceutiques, vus comme rentables économiquement, sont passés en grande partie dans les mains du privé. D’autres secteurs paramédicaux, comme les maisons de repos, connaissent également le même sort depuis plus de 10 ans. Résultats : les rentrées d’argent à l’intérieur des secteurs de soins de santé sont détournées au profit d’investisseurs privés et le bien-être des patients et des résidents n’est plus la priorité.
Il faut trouver des moyens de rendre leurs lettres de noblesse aux services publics et aux mécanismes de solidarité. (…) ce sont les politiques de privatisation et de marchandisation qui coûtent cher aux citoyens.
S&F : Ces dernières années, il y avait donc des volontés d’économies dans le secteur des soins de santé ?
F.D. : Au niveau des soins de santé en général, on estime qu’il y aura 9,3 milliards d’économie à l’horizon 2024 à la suite des politiques mises en place lors de la dernière législature. C’est le résultat de toute une série de mesures comme la suppression de la dotation d’équilibre (un mécanisme qui rééquilibre les recettes en fonction des besoins dont on estime les pertes à 2,1 milliards), le sous-financement à hauteur de 1,1 milliard dû aux réductions des cotisations patronales comme les tax-shift ou celui dû aux avantages extralégaux accordés aux entreprises (voitures de société, tickets-repas, etc., qui permettent aux entreprises d’éluder les cotisations patronales). Cela fait des coupes importantes au niveau financier.
J’ai bon espoir que la crise aura remis en lumière toute l’importance des services publics. L’État social et les services publics ont été fort stigmatisés ces 30 dernières années. Certains les dépeignaient comme des structures inefficaces, bureaucratiques, lentes. Ces représentations participaient à alimenter le processus de privatisation. Il faut trouver des moyens de rendre leurs lettres de noblesse aux services publics et aux mécanismes de solidarité. En fait, ce sont les politiques de privatisation et de marchandisation qui coûtent cher aux citoyens.
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